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donnoit aux élémens de l'or, la même masse & la même figure qu'ont les élémens de la terre ; ces élémens qui compofent une maffe d'or, fans aucun chan→ gement intrinfeque en leur fubftance & en leur nature, compoferoient une maffe de terre ; & que fi les élémens terreux étoient transformés en la même masse & en la même figure qu'ont les élémens de l'or; ces élémens qui forment une maffe de terre, fans aucune altération dans leur substance, formeroient une maffe d'or. On peut dire la même chofe, des élémens qui compofent l'eau, la pierre, l'air, la lumiere, tous les corps.

II. Ceux qui fe décident pour l'Hétérogénéité de la Matiere, foutiennent que les élémens des divers Corps font diffemblables, non-feulement par leur maffe & par leur figure, mais encore par la fubftance qui les compofe : que les élémens de l'or, par exemple, font d'une pâte ou d'une fubftance qui ne peut compofer que de l'or: enforte que fi on tranfformoit cette fubftance de l'or, en molécules qui euffent parfaitement & la même figure & la même maffe qu'ont les élémens de la terre ou de l'air; ces molécules ainfi transformées ne cefferoient point d'être de l'or, ne deviendroient jamais de la terre ou de l'air.

Le grand flambeau de la Phyfique, l'Expérience, nous refufe ici totalement fa lumiere: parce que l'étonnante ténuité des élémens primitifs de la Matiere, les fouftrait néceffairement à nos observations, & nous met hors d'état de les contempler en eux-mêmes. Il ne refte donc, pour se décider entre ces deux Opinions, que la voie des fpéculations & des conjectures voie à laquelle peut recourir la Phyfique, quand la lumiere de l'expérience l'abandonne.

PROPOSITION I.

143. Il n'y a aucune Preuve d'expérience ou de Jpéculation, qui établiffe l'Hétérogénéité de la Matiere: il eft donc plus fimple & plus raisonnable de n'admettre dans la Nature, qu'une Matiere homogene.

DÉMONSTRATION. Io. Il n'y a, en faveur de l'hétérogénéité de la Matiere, aucune preuve d'Expérience: parce qu'il eft impoffible d'obferver la nature intrinfeque des élémens primitifs de la Matiere ; & que les différences de figure, de couleur, de faveur, de volume, que nous obfervons dans les maffes réfultantes de ces élémens primitifs, fe concilient tout auffi aifément avec l'homogénéité qu'avec l'hétérogé héité de la Matiere.

IIo. Il n'y à, en faveur de l'hétérogénéité de la Matiere, aucune preuve de Spéculation: puifque Pimmutabilité des Métaux parfaits, la permanance des Principes élémentaires, la diverfité & la ftabilité des différentes efpeces de Corps, qui font les feules preuves dont on l'étaye, font très-compatibles avec des élémens d'une Matiere homogene; auxquels l'Être créateur auroit donné & des maffes & des figures différentes, destinées par fon Ordre immuable, á n'être jamais entamées & altérées.

III. Il nous confte par l'expérience & par l'obfervation, que l'Auteur & le Confervateur de la Nature, a coutume d'agir par des voies également fimples & fécondes; fans employer une inepte redondance de caufes & de principes, là où fuffit une feule caufe & un feul principe; & c'eft fur cette obfervation générale qu'eft fondé cet Axiome philofophique : dans l'explication des phénomenes de la Nature, il ne faut point multiplier les Principes fans néceffité.

Donc, pour imiter la Nature, en expliquant fa marche & fes effets, il faut ne point admettre une

double

double espece de Matiere, là où une feule & même efpece eft fuffifante. Donc il eft plus fimple & plus raisonnable de n'admettre dans la Nature, qu'une Matiere homogene. C. Q. F. D.

PROPOSITION II.

144. Une Matiere fimplement homogene fuffit pour donner une inconcevable diverfité d'Elémens, propre à expliquer l'admirable variété de la Nature vifible.

DÉMONSTRATION. I°. La Matiere étant à l'infini fufceptible d'augmentation & de diminution; il eft évident que l'Auteur de la Nature, avec une matiere fimplement homogène, peut faire un nombre quelconque d'élémens, qui différeront par leur Maffe, felon toute proportion arithmétique ou géométri que qu'on voudra affignér enforte que les moins grands feront aux plus grands, ou comme la fuite croiffante des nombres naturels 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 &c.; ou comme les quarrés de ces mêmes nombres naturels, 1,4,9, 16,25, 36, 49, 64, &c. ; ou dans d'autres rapports quelconques ar→ bitrairement.

II. La Matiere ayant un nombre inépuifable de parties, dont chacune peut être diverfement figurée: il est évident que l'Auteur de la Nature, avec une matiere homogene, peut former un nombre quelconque d'élémens, qui différeront fans fin par leur Configuration. Ceux-là, taillés à facettes polies ou raboteuses, pourront être variés entre eux à l'infini, & par le nombre & par la figure & par la grandeur de leurs faces régulieres ou irrégulieres. Ceuxci, convexes ou concaves, branchus & crochus, pourront encore différer entre eux à l'infini, & par la multitude & par la forme de leurs branches, de leurs crochets, de leurs concavités.

Tome 1.

L

III. Il est évident que d'une telle diverfité d'Elémens, peut réfulter telle variété qu'on voudra, dans les Compofés que produira leur combinaison.

Par exemple, des globules d'une maffe comme infiniment petite, feront fufceptibles d'une inconcevable vîteffe; feront propres à paffer avec une étonnante facilité, par des ouvertures imperceptibles : telle eft peut-être la Lumiere.

Des élémens taillés en cubes ou en parallellopipedes, feront propres, en s'uniffant, à laiffer moins de vides entre eux, à former des maffes plus denses: tel pourroit être l'Or.

Des élémens fphériques ou coniques ou cylindriques, très-liffes & très-polis dans leurs furfaces, feront propres à former des Touts fans adhérence des fluides telle eft peut-être l'eau.

Des élémens branchus, crochus, raboteux, convexes, concaves, s'uniront moins intimement; laifferont entre eux de plus grands vides; formeront des maffes moins denfes : telle eft peut-être l'écorce de la plupart des arbres.

Un mêlange de ces divers élémens, mêlange évidemment fufceptible d'une infinité de combinaisons & de gradations, fera propre à former divers Mixtes d'une variété quelconque. (Mét. 115 & 129).

Donc une Matiere fimplement homogene peut donner une inconcevable diverfité d'Elémens, propres à expli quer l'admirable variété de la Nature visible. C.Q.F.D.

PROPOSITION III.

145. Il eft vraisemblable que les Elémens primitifs de la matiere, homogenes par leur fubftance qui les confond, hétérogenes par leurs modifications qui les diverfifient, ont reçu de l'Etre créateur, des maffes & des figures qui, quoique divifibles en elles-mêmes, ne peuvent être entamées & divifées par aucun Agent créé.

DÉMONSTRATION. I°. Il eft vraisemblable que la Matiere eft homogene en elle-même & dans fa nature: comme on vient de le démontrer.

Donc la diverfité des Corps, qui ne réfulte point de la fubftance homogene de leurs élémens, doit réfulter des modifications hétérogenes de ces mêmes élémens.

Donc ce qui conftitue un Corps dans une espece, or ou argent, plutôt que terre ou eau; c'eft la forme caractéristique de fes élémens: forme qui doit néceffairement dériver & réfulter, ou de la quantité de leur maffe, ou de la qualité de leur configuration, ou de l'une & de l'autre à la fois.

:

II. La nature spécifique d'un Corps, de l'Or, par exemple, étant conftituée, ou par la maffe ou par la configuration de fes élémens, ou par l'une & l'autre à la fois il s'enfuit que, pour faire changer de nature à ce corps, il ne s'agiroit que de changer ou la maffe ou la configuration des élémens qui le conftituent; & que s'il y a des corps qu'aucun Agent créé ne puiffe dénaturer, c'est parce que leurs élémens ne peuvent être entamés & divifés par aucun Agent créé.

Or, la fiabilité de la Nature, annonce & démontre qu'au milieu de toutes les compofitions, de toutes les décompofitions, de toutes les révolutions quelconques, qu'effuyent fans ceffe la plupart des fubftances matérielles, les Efpeces y font toujours foncierement les mêmes; & par conféquent, que les élémens primi tifs qui conftituent ces efpeces, ne changent point de nature; & par conféquent encore, que ces élémens primitifs ne peuvent être dénaturés, ne peu→ vent être entamés dans leurs maffes & altérés dans leurs figures, par aucun des Agens qui les affaillent fans ceffe.

Quel genre d'épreuves & de tortures n'a pas fait

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