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LE FEU, PRINCIPE DES CORPS.

185. DESCRIPTION. Le Feu, dont nous donnerons ailleurs une plus ample théorie, doit être confidéré fous deux états fort différens en premier lieu, comme libre, comme pur, comme ne faifant partie d'aucun Compofé; en fecond lieu, comme combiné, ou comme entrant en qualité de partie conftituante dans la compofition d'une infinité de Corps. Confi déré dans le premier état, on le nomme Feu élémentaire: confidéré dans le fecond état, on le nomme Phlogifique, ou Principe inflammable.

1°. Le Feu pur, le Feu élémentaire, eft un affemblage de particules d'une matiere inaltérable, infiniment atténuée, toujours en mouvement, ou toujours difpofée au mouvement. C'est le grand moteur, l'agent univerfel de la Nature, qu'il anime & qu'il vivifie.

Comme par l'Attraction générale & fpéciale, tous les autres élémens, tous les autres principes des corps, tendent à l'union & au repos : de même par l'action du feu, ces mêmes élémens, ces mêmes principes des corps, tendent à leur féparation & à leur divifion.

Sans l'action du Feu, tous les Corps liquides & flui= des fe convertiroient en maffes folides: par l'action du Feu, qui les pénetre en plus ou moins grande quantité, la tendance réciproque de leurs parties les unes vers les autres, eft détruite ou infiniment affoiblie; & la maffe totale conferve une mobilité refpective dans toutes fes parties. Dans les Corps folides, l'adhérence des parties eft d'autant moindre; que ces corps font pénétrés d'une plus grande quantité de Feu élémentaire, logé & mu dans leurs pores, fans être combiné avec leurs élémens.

De ce conflit éternel, entre l'action du Feu & l'ac

tion de l'Attraction, réfultent une infinité de phénomenes dans la compofition & dans la décompofition des Corps.

II°. Comme les trois premiers Elémens, l'Eau, la Terre, l'Air, fe combinent entre eux, en vertu de leurs affinités; & fe dénaturent, en fe combinant ainfi: de même, le Feu pur, le Feu élémentaire, fe combine avec certains corps, en vertu de fon affinité; & fe dénature, en fe combinant avec eux.

Tel eft le Feu dans les Corps combustibles; où il n'eft plus feu pur & élémentaire, feu libre & en action; mais feu combiné & dénaturé, feu uni & lié à d'autres fubftances, feu dépouillé & privé de fa fluidité & de fon activité naturelle, en un mot, Phlo giftique. (1053 & 1613).

186. REMARQUE. Les Phyficiens & les Chymiftes font partagés fur la nature du Phlogistique, ou du Principe inflammable des corps.

1°. Quelques-uns penfent, d'après l'illuftre Sthal, que le Phlogistique n'eft que le feu élémentaire : qui toujours en mouvement dans fon état d'aggrégation, perd fon mouvement dans fon état de combinaison avec les fubftances auxquelles il s'unit & adhere par fon affinité; & tel eft le fentiment que nous adop tons d'avance, & que nous développerons & établiron's dans la fuite.

II°. Quelques autres foupçonnent, d'après Boerhave, que le Phlogistique pourroit bien être un cinquieme Elément primitif, diftingué de l'eau, de l'air, du feu, de la terre, & indeftructible comme eux.

Selon cette hypothefe, la combuftion des Corps, n'augmenteroit point la maffe du Feu élémentaire : elle fe borneroit à dégager le Phlogiftique Elément, des combinaisons qu'il avoit dans le corps qui fe confume; & à le difpofer à entrer en de nouvelles

combinaisons, dans les fubftances semblables, que renouvelle fans ceffe la Nature.

Ceux qui adoptent cette idée fur le Phlogistique, foupçonnent une efpece de gradation & de progreffion entre les différens Principes des Corps, favoir, celle-ci ; la terre eft à l'eau, comme l'eau eft à l'air, comme l'air eft au phlogistique, comme le phlogistique eft au feu élémentaire.

III. Dans toute hypothese fur la nature du Phlogiftique, foit qu'il confifte dans le feu élémentaire combiné avec d'autres fubftances, foit qu'il faffe luimême une substance à part : il eft vraisemblable que ce Principe doit être compofé, ainsi que l'Air, ainfi que la Lumiere, ainfi que l'Elément terreux, de mofécules de différente espece, dont les unes ont une affinité & les autres n'ont point la même affinité avec les élémens des divers corps qui compofent la Nature visible puisqu'il y a beaucoup de Phlogistique dans les Corps combustibles; & qu'il n'y en a point ou qu'il n'y en a qu'infiniment peu dans les Corps incombuftibles.

IV. Quelle que foit la nature du Phlogistique : la Chymie a trouvé l'art de l'enlever à certains Corps, & de le faire paffer en d'autres substances. Les fubftances qui, dans leur état naturel, n'ont ni odeur, ni couleur, ni faveur, acquierent prefque toujours plus ou moins ces qualités, par leur union avec le Phlogiftique qu'on leur tranfporte; & c'eft fur ce fondement, que les Phyficiens & les Chymiftes regardent le Phlogistique, comme le Principe des Odeurs, des Couleurs, des Saveurs.

PROPOSITION.

187. Les différens Corps que nous préfente la Nature, ont pour Principes, les quatre Elémens des Chymiftes modernes, la Terre, l'Eau, l'Air, le Feu: Elémens

homogenes par leur nature, hétérogenes par leurs maffes par leurs configurations.

&

DÉMONSTRATION. L'expérience & la fpéculation s'uniffent de concert, pour établir & pour conftater la vérité de cette propofition; ou pour donner à ce Point général & fondamental de toute la Phyfique, toute la lumiere & toute la certitude dont il eft fufceptible. (178 & 1525 ).

I°. L'Expérience nous apprend que les différens corps que la Nature foumet à nos analyfes chymiques, quelqu'épreuve qu'on leur faffe fubir, ne donnent en derniere analyfe que ces quatre Efpeces d'élémens: donc on est très-bien fondé à penfer & à juger que les différens Corps ne renferment que ces quatre Efpeces d'élémens; & que les différentes efpeces de Corps, doivent leur nature, leur effence leur variété, au mêlange, à la combinaison, à l'af fortiment de ces quatre Principes primitifs.

Nous ferons voir ailleurs, qu'il n'eft point néceffaire que ces quatre Efpeces d'élémens, foient des Etres fimples & indivifibles en eux-mêmes, pour mériter le titre de Principes primitifs. (1525, 1790, 1858).

II. La Spéculation nous apprend que ces quatre Principes, homogenes dans leur nature, hétérogenes dans leurs configurations & dans leurs maffes, fuffifent abondamment pour rendre raifon de l'admirable variété de la Nature. (144)."

Donc, pour ne pas multiplier ineptement les Principes fans néceffité & fans raison : il ne faut admettre dans la Nature, pour Principes des corps, que les quatre Elémens des Chymiftes modernes. C. Q. F. D.

188, COROLLAIRE I. La Matiere des Corps, eft la même dans tous les Corps:

Puifque c'est une matiere homogene & parfaitement femblable en nature & comme matiere, dans tous les corps quelconques. ( 143 ).

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189. COROLLAIRE II. La forme des Corps, ou ce par quoi une espece differe d'une autre efpece, n'eft autre chofe que la diverfité d'Accidens qui caractérife leurs Elémens; c'est-à-dire, que la diverfité ou de maffe ou de configuration ou de mouvement ou d'affinité, qui eft inhérente à ces Elémens:

Puifque, par cette diverfité d'Accidens, dans ces Elémens principes des Corps, on rend fuffisamment raifon de l'admirable variété qui regne dans la Nature; & qui fait qu'une espece de corps, differe effentiellement de l'autre. (144 & 145 ).

190. COROLLAIRE III. Les Qualités fenfibles des Corps, telles que l'odeur, la couleur, la faveur, l'amertume, la douceur, la chaleur, la froidure, & ainfi du refte, ont pour caufe, non des Qualités occultes, inhérentes à la matiere, & diftinguées de la matiere & des Accidens de la matiere, mais fimplement une Matiere homogene différenciée par fes divers Accidens.

DÉMONSTRATION. Par-là même que l'on conçoit une Matiere homogene, divifée en élémens indéfiniment variés dans leur maffe, dans leur configuration, dans leur mouvement, dans leur adhéfion; on conçoit que cette Matiere eft propre, fans rien de plus, à faire naître en nous, une foule quelconque de Senfations différentes.

Car il eft clair que des Elémens fphériques doivent occafionner une autre Senfation que des élémens anguleux des Elemens en repos, une autre Senfation que des élémens animés d'un plus ou moins grand mouvement; des Elémens adhérens entre eux, une autre fenfation que des élémens fans union; des Elémens plus lourds & plus mafifs, une autre Senfation que des élémens plus fubtils & plus déliés; & ainfi du refte.

Donc, par l'Axiome philofophique, qu'il ne faut

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