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point multiplier les Causes, les Principes, les Êtres, fans néceffité & fans raison; on ne doit point recourir aux Vertus ou aux Qualités occultes du Péripatétifme, qualités qu'on ne peut ni définir ni concevoir; pour expliquer les Qualités fenfibles des Corps, qui s'expliquent fi naturellement par la feule diverfité de leurs Accidens.

Donc le fucre n'eft point doux, l'abûnthe n'eft point amere, l'écarlate n'eft point rouge, la glace n'eft point froide, le feu n'eft point chaud, par quel que chofe qui foit diftinguée & de la matiere & des accidens de la matiere qui compofe ces différentes efpeces de Corps.

Donc, c'eft uniquement d'après le Préjugé, & non d'après la Raifon, que nous imaginons dans ces différens Corps, quelques qualités, quelques ver

quelques manieres d'êtres, qui foient reffemblantes aux Senfations que leurs molécules font naître en nous, par la diverfité de leurs maffes, de leurs configurations, de leurs mouvemens. C. Q. F. D.

190. II°. REMARQUE. Une fauffe & abfurde Philofophie, celle du vieux Péripatétifme, fit des Qualités fenfibles des Corps, tout autant d'êtres réels, qui reffembloient aux différentes Senfations qu'ils faifoient naître & dans nos Sens & dans notre Ame.

Une Philofophie tout auffi fauffe & beaucoup plus dangéreufe, celle de quelques modernes Spéculateurs, fait de ces mêmes Qualités fenfibles des Corps, des Etres purement imaginaires, qui ne font rien de réel dans les Corps, qui ne font que des modifications différentes de notre Ame.

Sottife des deux parts: ainfi que nous l'avons fuffifamment obfervé & démontré dans notre Cours complet de Métaphysique!

Les Qualités fenfibles des Corps, font quelque chofe

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de réel dans ces Corps: ce font les Propriétés spéci fiques & permanantes qu'ils ont de faire naître en nous telles & telles Senfations, par la différente configuration & par la différente agitation des Parties matérielles qui les conftituent & qui les caractérisent; & ces Propriétés ne font pas de fimples modifications de notre Ame. (Mét. 177,488, 491).

191. COROLLAIRE IV. Les Végétaux n'ont point, comme le penfoient les Péripatéticiens, une Ame végétative diftinguée de la matiere & des modifications de la matiere:

Puifque l'expérience & l'observation ne nous montrent dans les Plantes quelconques, que des Mouvemens locaux, dépendans des Loix générales de l'Impulfion & de l'Attraction, & parfaitement conformes aux regles générales de la Mécanique.

OBJECTIONS A REFUTER.

192. OBJECTION I. Il s'enfuit de nos Principes, que les différentes efpeces de Corps, ne different qu'accidentellement les unes des autres: puifqu'une efpece ne differe de l'autre, l'Or, par exemple, du Crystal de roche, que par la diverfité de leurs accidens.

RÉPONSE. Les Corps de différente efpece, different effentiellement les uns des autres: puifqu'ils different par une nature effentiellement différente dans l'une & dans l'autre efpece. Mais cette nature effentiellement différente dans deux efpeces, peut réfulter d'un ensemble d'Accidens, qui dans l'une de ces efpeces, foit totalement différent de l'ensemble d'Accidens qui caractérise l'autre efpece.

Car, on conçoit aifément que, malgré l'homogénéité de fubftance, un Corps compofé d'élémens unis & en repos, doit différer totalement & dans fa nature & dans fes propriétés & dans fes effets

d'un autre Corps compofé d'élémens défunis & en mouvement: donc la feule différence des Accidens, peut mettre entre deux Corps, une différence de nature & d'effence.

Pour éviter toute équivoque en ce genre, il faut ne point confondre la Forme effentielle de la Matiere, avec la Forme effentielle des Corps.

1o. J'appelle Forme effentielle de la Matiere, cette propriété par laquelle la matiere eft conftituée matiere; par laquelle la Matiere differe de tout ce qui n'eft pas matiere. Il est évident que cette propriété de la matiere, eft indépendante des accidens dont on vient de parler. Car on conçoit fans peine, qu'un Elément cubique ne ceffera pas d'être matiere, en devenant fphérique ou pyramidal; qu'un Elément en repos, ne ceffera pas d'être matiere, en acquérant le mouvement; qu'un Elément ifolé ne ceffera pas d'être matiere, en fe combinant avec un autre élément femblable ou diffemblable.

Nous avons fait voir ailleurs que cette Forme effentielle de la Matiere, néceffairement exiftante dans la matiere, a toujours échappé aux recherches obftinées des Philofophes. (Mét. 1393 & 1422).

II°. J'appelle Forme effentielle des Corps, confidérés dans un état d'aggrégation & de combinaison, cette propriété caractéristique, par laquelle un Compofé differe d'un autre compofé; & je dis que cette propriété réfulte fimplement & uniquement d'un enfemble d'Accidens, qui n'eft pas le même dans deux différentes efpeces de Corps.

Cet Enfemble d'accidens, eft accidentel à la matiere du Compofé, ou aux élémens qui forment ce compofé: puifque la matiere du compofé, peut perdre cet enfemble d'accidens, fans ceffer d'être matiere. Mais cet Ensemble d'accidens, eft effentiel au Compofé, comme compofé, comme tel corps: puif

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que ce Compofé ne peut perdre cet ensemble d'accidens, fans ceffer d'être tel Compofé, tel corps.

La diverfité de la Matiere, a pour fource, la différence des maffes & des configurations qui font indestructiblement affectées aux élémens primitifs, à chaque efpece d'élémens primitifs.

La diverfité des Corps, ou des Compofés, a pour fource, le différent mêlange, le différent affortiment, la différente combinaifon, la différente affinité, la différence de mouvement, de repos, fituation, de contiguité, dans ces divers Elémens, unis en un même tout.

de

193. OBJECTION II. Le Sentiment expérimental nous avertit qu'il y a une chaleur réelle dans un tifon ardent, une amertume réelle dans une feuille d'abfinthe, une douceur réelle dans un morceau de fucre. La raifon nous apprend que ce que nous fentons dans le feu, dans le fucre, dans l'abfinthe, ne reffemble ni à la matiere, ni aux accidens de la matiere. Donc il y a réellement dans les Corps, des Qualités fenfibles, diftinguées & de la matiere & des accidens de la matiere.

RÉPONSE. I°. Le Sentiment expérimental nous avertit qu'un tifon ardent, qu'une feuille d'abfinthe, qu'un morceau de fucré, font des corps propres à faire naître en nous telle & telle fenfation.

Mais ce Sentiment ne nous dit pas qu'il y ait dans ces corps, quelque chofe qui reffemble de près ou de loin à nos fenfations. (Mét. 490).

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II°. La Raison nous apprend que la fenfation de chaleur, d'amertume, de douceur ne reffemble ni à la matiere, ni aux accidens de la matiere: puifqu'une telle fenfation n'eft autre chose qu'une modification fpirituelle de notre ame.

Mais la Raifon ne nous dit pas qu'il y ait dans

le feu, dans le fucre, dans l'abfinthe, quelque qualité, quelque maniere d'être, quelque chofe, dont notre fenfation foit l'image & l'expreffion : puifque les Corps peuvent nous occafionner les différentes fenfations que nous éprouvons, par la seule différence des impreffions matérielles qu'ils font fur nos organes, comme nous l'avons expliqué affez au long dans notre Cours de Métaphyfique; & que la feule diverfité d'Accidens, eft fuffifante pour différenter à l'infini, les impreffions que les corps peuvent faire fur nos organes. (190).

aux

194. OBJECTION III. Il y a des Plantes, telles que la Senfitive, qui femblent avoir du fentiment: donc l'opinion des Péripatéticiens, qui donnoient aux Plantes une ame diftinguée de la matiere & des accidens de la matiere, n'eft peut-être pas auffi mal fondée que l'on penfe.

RÉPONSE. La Senfitive, felon Tournefort, eft une plante qui pouffe une feule tige principale à la hauteur d'un pied & demi; & qui fe divife, près de la terre, en plufieurs rameaux. Elle eft ligneufe, luifante, revêtue, de même de même que fes rameaux, de feuilles longuettes, polies, étroites, rangées par paires fur un côté, qui fe rapprochent l'une de l'au tre, quand on les touche; & qui s'écartent enfuite, à peu près comme les feuillets d'un Livre que l'on ou vre après l'avoir fermé. Il y a plufieurs autres efpeces de Senfitives, qui font plus ou moins différentes de celle que nous venons de décrire. A Toqué près de Panama, dans l'Ifthme de l'Amérique, on voit des champs couverts de cette espece d'herbe ou de plante.

Le Phenomene dont il s'agit ici, paroît être une dépendance ou de l'Electricité ou des différentes Affinités chymiques. Quand on porte la main vers la Senfitive:

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