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& du Froid. C'eft une des belles Découvertes de la Phyfique moderne : découverte qui doit fa perfection à M. de Réaumur.

Avant ce célebre Phyficien, on avoit des Thermome tres plus ou moins exacts. Mais chaque thermometre ne fervoit qu'à l'Obfervateur ifolé qui en faifoit ufage: fans qu'il fût poffible à celui-ci, de communiquer ses obfervations à d'autres Obfervateurs qui n'avoient pas fous les yeux le même thermometre avec lequel elles avoient été faites: parce qu'on n'avoit pas de Point fixe, pour évaluer ce qu'on devoit entendre par un degré de dilatation & de condensation.

Réaumur entreprit de faire des Thermometres de com paraison, dont le langage fût propre à fe faire entendre uniformément à toute la Terrre; & il y réuffit. Nous allons faire connoître lumineufement & en peu de mots, fur quels principes fcientifiques, eft conftruit cet utile inftrument. (Fig. 10).

211. CONSTRUCTION. Soit une Boule creufe de verre 'A, furmontée d'un petit Canal cylindrique A B d'une capacité fort petite & d'un calibre parfaitement égal dans toute fa longueur. (Fig. 10).

1°. Empliffez d'un mercure très-pur, cette Boule & ce canal, jufqu'à une certaine hauteur D ; & mettez la Boule dans l'eau bouillante, pour en faire fortir ce qu'elle peut avoir de mercure fuperflu. Après quoi bouchez hermétiquement en B le petit Canal cylindrique, en n'y laiffant point d'air, autant que la chofe eft poffible.

II°. Enveloppez de neige ou de glace pilée, la capa cité A D emplie de mercure, pendant environ une demi-heure.

Le Mercure, en fe condenfant, descendra dans le canal jufqu'à un point fixe C, que l'on marquera avec un fil; & que l'on nomme le Point de la congelation.

III°. Mettez doucement & peu à peu ce même Inf trument dans l'eau bouillante: en telle forte que l'eau bouillante enveloppe à peu près toute la partie où se trouve le mercure.

Le mercure, en fe dilatant, montera dans le canal jufqu'à un certain point fixe B, que l'on marquera. également avec un fil; & que l'on nomme le Point de

Peau bouillante.

IV. Divifez enfin exactement avec un compas l'espace compris entre le point de la congélation & le point de l'eau bouillante, en quatre-vingt parties égales, que l'on nomme Degrés ; & que vous tracerez proprement fur un papier, à côté du Canal cylindrique.

Ayant divifé en degrés exactement égaux, tout l'efpace C B, depuis le point de la congélation, jufqu'au point de l'eau bouillante, & depuis le même point de la congélation jufqu'à la Boule à peu près: on aura un Thermometre de comparaifon, qui marquera fidelement la température préfente du lieu où il fe trouvera placé.

Au lieu de divifer l'efpace compris entre le point de la congélation & le point de l'eau bouillante en quatrevingt degrés, on pourroit prendre une autre divifion quelconque. La divifion en quatre-vingt degrés, a été adoptée de préférence par la plupart des Phyficiens: fans doute parce qu'en donnant des degrés plus fenfibles, elle eft divisible affez loin par moitiés, en 40, en 20, en 10, en 5; ce qui rend la graduation plus exacte & plus facile.

Les Remarques fuivantes vont achever de faire connoître la théorie du Thermometre de comparaison.

212. REMARQUE I. Il est démontré par mille & mille expériences bien fures & bien certaines, que le Mercure, dans tous les pays du Monde, a une égale Tome 1. Q

difpofition à fe dilater ou à fe condenfer, fous un même degré de chaleur ou de froidure.

I. Donc la quantité de chaleur qui, excédant le degré de Congélation, dilatera en France le mercure d'une quatre-vingtieme partie de la dilatation qu'il faudroit pour atteindre au point de l'eau bouillante, opérera la même dilatation en Chine, en Canada, au Brefil; & donnera un degré au deffus de la Congélation, dans ces Régions, comme en France.

II°. Donc, par la même raison, un degré déterminé de froidure, qui, excédant le Froid de la glace pilée, condenfera en France le Mercure, de dix Quatre-vingtiemes, ou de dix degrés, le condenfera également de dix degrés ou de dix Quatre-vingtiemes, en Turquie & en Siberie ; & donnera précisément en tous ces pays, dix degrés au-deffous de la Congélation. (Fig.10).

III. Il n'eft point néceffaire, dans les Thermometres de comparaison, que les Boules foient de part & d'autre, proportionnelles à la capacité des Tubes cylindriques, à côté defquels on marque les degrés.

Si, les Boules étant égales, les cylindres font inégaux en capacité : les degrés auront plus d'étendue dans le plus petit tube, & moins d'étendue dans le plus grand tube.

Mais la quantité de la Dilatation ou de la Condenfation fera toujours fidelement marquée par les deux Tubes, dont les degrés plus ou moins étendus font toujours des Quatre-vingtiemes de la Dilatation totale , que fubit le Mercure, pour paffer du point de la congélation au point de l'eau bouillante; qui font les deux Points fixes & invariables d'où part la di vifion en degrés plus ou moins étendus, dans tous les Thermometres de comparaison.

213. REMARQUE II. Il est démontré par millę &

mille expériences inconteftables, que l'Eau de pluie & de fontaine, en la fuppofant parfaitement pure & telle qu'on peut aisément l'obtenir par le moyen de la Dif tillation (1672), a un degré de chaleur égal & uniforme, dans toute la Terre, fous la Zone torride & fous les Zones glaciales, au moment où elle arrive au Point d'ébullition dans un Vafe ouvert : elle est donc propre alors à donner par-tout au Mercure, une dilatation uniforme.

I°. L'Eau de pluie & de fontaine, parfaitement pure, a acquis, après avoir effuyé fes deux ou trois premiers bouillons, le plus haut degré de chaleur où elle puiffe atteindre dans un vase ouvert; & en bouillant enfuite pendant plufieurs heures, elle ne fait que se conferver dans le même degré de chaleur : fans doute parce que les Particules aqueufes, quand elles ont acquis toute la chaleur dont elles font fufceptibles en vase ouvert, s'évaporent; & échappent à l'action du feu, qui ne peut s'accumuler dans elles.

La même Eau, dans un vase clos, eft fufceptible d'un degré de chaleur accumulée, qui va jufqu'à l'incandefcence: mais elle acquiert par-là une force expanfive & explofive, capable de briser & de mettre en pieces les vaiffeaux les plus forts & les plus réfiftans. II°. L'Eau de la mer, dans l'état d'ébullition en vafe ouvert, a plus de chaleur que l'eau de fontaine ; l'huile, beaucoup plus que l'eau de mer; le mercure, incomparablement plus que l'huile.

Selon les obfervations d'un Académicien de Lyon, le Thermometre qui, mis à l'épreuve de la glace pilée & de l'eau bouillante commune, monte à 80 degrés, s'éleve dans l'eau de Mer bouillante, à près de 82; dans le Mercure bouillant, à 172.

214. REMARQUE III. Il eft également démontré par l'expérience, que la Glace pilée, foit en été, foit

en hiver, a un égal degré de froid, dans toutes les contrées de la Terre: elle doit donc donner par-tout au mercure, une égale condenfation.

1. L'uniformité de chaleur dans l'Eau bouillante, l'uniformité de froidure dans la Glace pilée, fourniffent donc, comme on voit, le moyen de faire des Thermometres de comparaifon, felon la méthode que nous avons tracée.

Ce fut Newton qui le premier découvrit, & qui te premier fit connoître au Public, ces deux Termes donnés par la Nature; & ce fut Réaumur qui le premier en fit ufage pour conftruire des Thermometres de comparaison. (Fig. 10).

Les Regions qui n'ont ni neige, ni glace, ont de la grêle; & la grêle fait précisément le même effet que la glace pilée, laquelle a précisément la même intenfite de froid que la neige. Ainfi, en tout pays du monde, on peut on peut fe procurer aifément des Thermometres de comparaison ; & ces Thermometres, en quelque pays qu'ils foient conftruits, qu'ils foient appliqués aux obfervations, dans la zone torride ou dans la zone glaciale, donneront des mefures de froid & de chaud, qui feront entendues, qui feront comparables, dans toutes les contrées de la Terre.

II.Mais, pour que deux Thermometres de comparaifon, foient parfaitement exacts & parfaitement d'accord:

Il faut en premier lieu, que le Mercure de l'un & de l'autre, foit parfaitement pur; & nous avons fait voir ailleurs comment on peut s'affurer que l'on a le Mercure dans le degré de pureté qu'exige un excellent Thermometre. (1649).

Il faut en fecond lieu, qu'ils foient mis l'un & l'autre à l'épreuve de l'eau bouillante, dans une eau parfaitement bien diftillée; & nous avons expliqué ailleurs comment il faut opérer pour avoir une telle eau diftillée. (1672).

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