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32. EXPLICATION. La Vapeur que l'œil voit fortir du bec de la Caffolette, & qui porte fon odeur dans toute la chambre, n'eft rien autre chofe, que la partie la plus évaporable de la liqueur, que l'action du feu a féparée de la maffe, & qu'il a élancée dans toutes les parties de la chambre en particules extrêmement divifées. Ces particules évaporées, malgré le peu de diminution qu'elles caufent au volume qu'elles ont quitté, fe trouvent en affez grand nombre dans tous les points fenfibles de la Chambre, pour y faire par-tout une impreffion bien nette & bien caractérifée fur les fibres de l'odorat. Sur quoi voici quelques réflexions à faire.

1o. Combien immenfe doit être le nombre des particules évaporées! Suppofons que la Chambre, affez petite, ait feulement en nombres ronds 15 pieds en longueur, en largeur & en hauteur : il y aura 3375 pieds cubes d'air.

Un Pied quarré contenant 20,736 lignes quarrées un pied cube contiendra 429,981,696 lignes cubes; qui multipliées par les 3,375 pieds cubes d'air que contient la chambre en queftion, donneront 1,451,188,224,000 lignes cubes d'air dans cette chambre.

Suppofons encore, pour mettre en tout les chofes au pis, que la Liqueur évaporée foit de deux Lignes cubes; & qu'il n'y ait dans chaque ligne cube d'air, que quatre particules odorantes. Pour avoir le nombre de particules odorantes qu'ont donné ces deux lignes cubiques de liqueur évaporée; il faudra multiplier par quatre, le dernier nombre précédent. Voilà donc deux lignes cubes de liqueur, divifées affez également en 5,804,752,896,000 parties fenfibles.

II. Mais ce qui fait l'Odeur fenfiblement répandue dans cette chambre, n'eft que la moindre partie de ce qui s'eft évaporé, Car dans une liqueur odorante,

il faut diftinguer les parties propres du Liquide, des parties dont il eft parfumé, lefquelles font en quan

tité bien moins confidérable.

Suppofons donc, ce qui eft beaucoup trop, que la partie odorante foit le quart de la partie du liquide évaporé le quart de deux lignes cubes évaporées, fera une demi-ligne cube, divifée en 5,804,752,896,000 parties fenfibles.

III. Mais cette demi-ligne cube de liquide odorant, évaporée & répandue affez également dans toute la chambre, n'étoit pas toute de matiere, avant l'évaporation: elle avoit, comme tous les Corps liquides & folides, fes pores & fes vides; qui diminuent encore beaucoup fa maffe pofitive, ou fa quantité abfolue de matiere. L'Or, par exemple, qui a lui-même une quantité confidérable de pores ou de vides, n'eft dix-neuf fois & demi plus pefant que l'eau; que parce que l'or, à égalité de volume, renferme dix-neuf fois & demi plus d'élémens de matiere, que l'eau. Donc, en fuppofant que l'or foit tout matiere, ou que l'or n'ait point de pores & de vides: un Liquide égal en poids à l'eau, auroit encore environ vingt fois plus de vide que de plein; ou vingt fois plus d'étendue vide & pénétrable, que d'étendue impénétrable & folide.

Suppofons donc la Liqueur contenue dans la Caffolette, égale à l'eau en denfité & en poids : la demiligne cube de matiere odorante, répandue dans la chambre, ne feroit en fomme réelle & pofitive, qu'environ la vingtieme partie d'une demi-ligne cube de matiere fans pores & fans vides.

IV. Une demi-ligne cube de matiere, divisée en vingt portions égales, n'auroit guere pour chaque divifion, que le volume d'un petit grain de fable, Voilà donc une quantité de matiere, qui réunie, n'égaleroit que le volume d'un petit Grain de fable, dia

vifé par l'action du feu en 5,804,752,896,000 par

ties fenfibles!

Quelle inconcevable ténuité doivent donc avoir ces particules odorantes; & quelle doit être la fineffe & la mobilité des fibres de notre odorat, pour en être sensiblement affectées & ébranlées ! Qu'il eft grand & admirable dans fes œuvres, cet Artiste adorable, qui forme & ces élémens pour nos organes & nos organes pour ces élémens!

LES CORPS ODORAN S.

33. EXPLICATION. La diffufion des Odeurs, s'opere naturellement dans les fleurs, dans les plantes, dans les fruits, dans les animaux, dans tous les corps odoriférans, par un mécanifme affez femblable à celui de la Caffolette dont nous venons de parler.

Une Fermentation intérieure, occafionnée ou par le feu élémentaire qui fe trouve répandu dans toute la Nature, ou par la chaleur vivifiante du Soleil qui donne l'action & le mouvement à tout ce qui vit & végete, ou par quelque autre caufe qui varie felon la nature du fujet où elle agit, fait dans le Corps odorant, par exemple, dans une rofe, dans un grain de Mufc, dans un corps qui fe corrompt, ce que fait la chaleur du feu fur le Liquide renfermé dans la caffo¬ lette AB: c'est-à-dire, que cette fermentation occasionne dans cette rofe, ou dans ce grain de musc ou dans ce corps qui fe corrompt, par la voie des pores dont ils abondent, une Evaporation invifible, mais réelle & permanante, affez femblable à celle

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que l'œil apperçoit à l'orifice de la Caffolette pofée fur la lampe allumée évaporation qui entraîne comme dans la Liqueur dont on vient de parler, &r des parties odorantes, & des parties non odorantes lefquelles vont fe répandre & se mêler à une plus ou moins grande distance & à une plus ou moins

grande hauteur, dans la maffe de l'Air environ nant. De ces Principes d'expérience & de théorie découle l'explication de plufieurs Phénomenes dignes d'être ici obfervés. (Fig. 2).

1o. Un Chien fuit fon Maître ou fuit le Gibier, en appliquant de tems en tems fon nez fur les voies où ils ont paffé: parce qu'il y a & dans l'homme & dans le gibier, une fermentation intérieure & permanante, en vertu de laquelle jaillit par leurs pores, un torrent continuel de corpufcules imperceptibles, qui s'attachent d'une maniere plus ou moins durable à leurs traces; que l'odorat infiniment fin du chien, démêle & difcerne fans peine & fans erreur; & qui dirigent ce chien dans la recherche & dans la pourfuite ou de fon maître ou du gibier.

II. Il y a des Corps odorans, qui après un certain tems plus ou moins long, perdent leur odeur: foit parce que leurs particules évaporables s'épuifent affez promptement: foit parce que la fermentation qui doit en occafionner l'évaporation, ceffe & s'arrête ou abfolument ou plus ou moins périodiquement.

III. Il y a d'autres Corps odorans, qui confervent conftamment & perfévéramment leur odeur : parce que leur fermentation, fenfible ou infenfible eft conftante & permanante; & que les particules qui s'exhalent, étant d'une petiteffe inconcevable, fuffifent à une très-longue & très-durable évaporation.

Tel eft un grain de Mufc, dont l'odeur peut fe faire fentir pendant vingt ans d'une maniere incommode, dans un Appartement où l'air fe renouvelle tous les jours fans qu'après' vingt ans on s'apperçoive d'aucune diminution bien fenfible ou dans fon poids ou dans fon volume. Suppofons que ce grain de Mufc, fe trouve pendant vingt ans dans la même Chambre que la Caffolette dont nous venons de calculer les parties évaporées; & qu'il faille un jour

entier, pour que l'air renouvellé foit imbu bien ferfiblement de fon odeur.

Pour avoir la fomme des parties évaporées du fein de ce grain de Mufc pendant ces vingt années il faudra multiplier le nombre précédemment trouvé 5,804,752,896,000, par vingt fois 365 jours: ce qui donnera 42,374,696,140,800,000 particules échap pées & évaporées du fein de ce grain de Mufc; fans que la quantité de matiere, qui s'eft convertie en ces particules odorantes, diminue fenfiblement fa maffe. Quel nombre, quelle ténuité dans ces particules odorantes! L'efprit fe perd & fe confond, en contemplant ces merveilleux phénomenes.

IV. Parmi les Odeurs, il y en a qui flattent, il y en a qui choquent l'odorat. Les Odeurs gracieufes font celles qui occafionnent dans les fibres de l'odorat, un ébranlement auquel eft attachée une fenfation mentale plus ou moins agréable & flatteufe, Les Odeurs difgracieufes font celles qui occafionnent dans les fibres de l'odorat, un ébranlement qui doit faire naître une fenfation mentale plus ou moins ré voltante & difgracieuse. (Mét. 460)..

Il ne nous eft pas donné d'aller plus avant en ce genre: nous n'avons aucune voie pour découvrir comment & pourquoi telle odeur eft propre en-elle même & par la nature de fes corpufcules, à occa fionner une fenfation déplaifante, plutôt qu'une fen fation flatteufe.

V°. La même Odeur peut plaire & déplaire à différens Sujets, à raifon de la diverfité de leurs organes. L'odeur de la rofe flatte le plus grand nombre de perfonnes, par l'ébranlement modéré, par le cha touillement délicat, que l'émanation de fes corpuf cules produit dans les fibres de leur odorat.

D'autres perfonnes, dont l'odorat fera compofé de fibres plus fubtiles, plus mobiles, plus pénétra Tome I.

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