Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ARTICLE

SECOND.

[ocr errors]

LES OBSTACLES AU MOUVEMENT.

285. OBSERVATION. Tous les Corps n'ont pas

une égale difpofition au mouvement. Les uns oppofent plus, les autres oppofent moins de réfistance aux Forces qui les meuvent, au Mouvement qui les anime: felon qu'ils different entre eux, par leurs figu res; felon qu'ils font plus ou moins polis dans leurs furfaces; felon la différence de leurs denfités ; felon le plus ou le moins de résistance des Milieux où ils fe

meuvent.

1o. Soient pofés fur un même Plan horisontal, un Globe de plomb de dix livres, & un Cube de plomb de dix livres, également polis l'un & l'autre dans leurs furfaces.

Il vous fera plus facile de mouvoir horifontalement le Globe, que le Cube; & fi vous imprimez le même mouvement à l'un & à l'autre, le mouvement imprimé fubfiftera plus long-tems dans le Globe dans le Cube. Donc la figure d'un Corps, entre pour quelque chofe, dans fon plus ou moins de difpofition au Mouvement.

que

II°. Soient deux Cubes égaux de marbre, l'un parfaitement poli, & pofé fur un Plan horisontal trèspoli; l'autre inégal & raboteux, & pofé fur un Plan horifontal inégal & raboteux de même.

Le premier Cube fe mettra plus facilement en mouvement, & confervera plus long-tems fon mouvement, que le fecond. Donc le plus ou le moins de poli dans les furfaces, entre auffi pour quelque chofe,dans la différente mobilité des Corps.

III. Soient deux Cubes folides d'un pied de diametre, l'un de plomb, l'autre de carton, également polis

dans

dans leurs furfaces, & pofés fur un Plan horisontal poli de même.

Si vous voulez les faire gliffer fur ce plan, vous. trouverez plus de réfiftance dans le premier que dans le fecond; & l'effort qu'il vous faudra faire pour mou voir ces deux corps, fera proportionnel à leur denfité, ou à la quantité de matiere renfermée fous leur même volume. Donc les Corps oppofent au mouvement, une réfiftance occafionnée par leur denfité, & proportionnelle à leur denfité.

IV. Si deux Corps de même volume, de même denfité, d'un même poli, d'une même figure, fe meuvent l'un dans l'air, l'autre dans l'eau : ils éprouvent une inégale résistance à leur mouvement. Donc la diverfité des Milieux où les Corps fe meuvent, s'oppose plus ou moins à leur mobilité & à leur mouvement.

La réfiftance occafionnée par la diverfité des Denfités & par la diverfité des Milieux, exige un développement à part, qui va faire le fujet des deux paragraphes fuivans.

PARAGRAPHE

PREMIER.

LA FORCE D'INERTIE.

286. OBSERVATION. IL y a dans la Matiere;

comme nous venons de le remarquer, une réfiftance au Mouvement, occafionnée précisément par le plus ou par le moins de matiere à mouvoir. Cette réfiftance, toujours proportionnelle à la quantité de matiere à déplacer, a été nommée par les modernes Phyficiens, Force d'inertie: qu'il ne faut point confondre avec ce que nous avons nommé ailleurs Inertie de la Matiere. (72).

Io. On nomme Inertie de la Matiere, l'incapacité naTome I.

X

turelle qu'elle a, de fe donner par-elle-même le mou vement & l'action. C'eft, dans la Matiere, une propriété purement négative. (75).

II°. On nomme Force d'inertie, dans la Matiere la réfiftance ou l'obftacle pofitif que la matiere oppofe au mouvement, fi elle eft en repos; qu'elle oppofe au repos ou à un mouvement différent, fi elle le meut; précisément à raifon de fa maffe ou de fa quantité. C'eft, dans la Matiere, une propriété pofitive: quelles qu'en foient & la nature & la caufe.

III. Defcartes attribue au fimple Repos des parties, cette réfistance au Mouvement, que l'on éprouve dans un corps qu'il faut déplacer.

Newton regarde cette réfiftance au Mouvement comme une propriété naturelle de la Matiere; en vertu de laquelle toute matiere en repos, oppose à fon mouvement, un obftacle réel & pofitif, toujours proportionnel à fa maffe : fans que le repos, qui n'eft qu'une fimple privation de mouvement, qui par conféquent n'eft rien de pofitif, influe pour rien dans cette réfiftance pofitive au mouvement.

Une Matiere en mouvement, oppose la même réfiftance pofitive, & au repos, & à un mouvement différent de celui qui l'anime.

287. ASSERTION I. Il y a dans tous les Corps en repos, une Force d'inertic, inhérente à leur nature: en veriu de laquelle ils oppofent une réfifiance pofitive à leur Mouvement. (Fig. 14).

DÉMONSTRATION. Soient deux Globes non élaftiques A & B, égaux en volume, & d'une même matiere quelconque, fufpendus dans l'Air ou dans le Vide, par de très-longs fils perpendiculaires. Que l'on écarte de fa Ferpendiculaire M A le Globe A; & qu'on le laiffe tomber par un arc de 6 degrés, vers fa perpendiculaire.

Si ce Globe A, tombant par un arc de 6 degrés, he rencontre point le Globe B, qu'on aura écarté de fa route: il fe mouvra à fix degrés au-delà de fa per pendiculaire.

Mais fi ce même Globe A rencontre fur fa route le globe B, de même maffe que lui : il ne fe porte avecle globe B qu'il chaffe devant lui, qu'à trois degrés audelà de fa perpendiculaire. Sur quoi je raisonne ainfi.

I. Le Globe en repos, oppofe une réfiftance au globe en mouvement: fans quoi le globe en mouvement, après avoir rencontré le globe en repos, fe porteroit à fix degrés au-delà de fa perpendiculaire, comme lorfqu'il ne rencontre aucun obftacle.

Car, pourquoi le Globe en mouvement, en rencontrant le globe en repos, perdroit-il la moitié de fon mouvement: fi le globe en repos ne lui oppofoit aucune réfiftance?

Donc il y a dans ce Globe B, & par un Jugement d'analogie, donc il y a dans un Corps quelconque, une réfiftance réelle & pofitive au Mouvement, une réfittance inhérente à fa nature, une réfiftance indépendante de tous les obftacles étrangers à fa nature.

II. Cette Réfiftance au mouvement, qui fe fait fentir également & dans le vide & hors du vide, est ce que nous nommons Force d'inertie: donc il y a dans tous les Corps, une Force d'inertie, inhérente à leur nature. C. Q.F.D.

288. ASSERTION II. Cette Force d'inertie, eft propor tionnelle à la maffe, ou à la quantité de matiere qui réfifte.

DÉMONSTRATION. La Force d'inertie, étant inhérente à la Matiere; il eft clair qu'elle réfide dans chaque élément de matiere: il eft clair que la réfif tance qu'elle oppofe, doit être proportionnelle à la femme des élémens où elle réfide: il eft clair qu'elle

doit être, comme les maffes à déplacer & à mouvoir double dans une maffe double, quadruple dans une maffe quadruple ; & ainfi du refte. C. Q.F. D.

289. ASSERTION III. Certe Force d'inertie, eft indépendante de la gravité des Corps, ou n'a point pour cause la gravité des corps.

DÉMONSTRATION. Si on laiffe tomber perpendiculairement un Corps folide quelconque, livré aux impulfions de fa gravité; & qu'on le frappe pendant fa chûte, d'un rapide coup de marteau; on éprouve de la part de ce corps, une Réfiftance bien décidée, qui ne peut pas naître de fa gravité: puifque la Gravité, loin de s'oppofer à l'impulfion du marteau, fouftrait ce corps, autant qu'il eft en fon pouvoir, à cette impulfion du marteau.

Ce Corps, & tout Corps en général, a donc une Force d'inertie, une réfiftance au mouvement; qui n'a point pour caufe, fa gravité ou fa pefanteur.C.Q.F.D.

290. ASSERTION IV. Cette Force d'inertie, cette réfiftance au Mouvement, eft diftinguée & indépendant du repos des parties.

DÉMONSTRATION. I°. Si cette Force d'inertie, fi cette résistance au Mouvement, n'eft autre chofe dans les Corps, que le repos de leurs parties, comme le penfa Defcartes : il s'enfuit qu'un Corps d'une maffe quelconque, d'une maffe énormément grande, doit être déplacé & mis en mouvement, par le plus petit effort, par le plus petit choc, par la plus légere impulfion du plus petit atome.

Car, le moindre effort, le plus petit choc, la plus légere impulfion, eft un mouvement réel. Or, tout Mouvement réel eit néceffairement oppofé au repos; & le repos doit néceffairement finir, là où le mouvement exifte, où le mouvement agit,

« AnteriorContinuar »