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le premier, n'attaquent donc en rien le fecond. 48. ASSERTION. Les Corps ne font point composés de Points énoniques.

DÉMONSTRATION I. L'étendue d'un Continu quelconque, par exemple, d'un Bloc de marbre, naît évidemment de la nature & de la réunion des Parties qui le compofent: donc ces Parties ont une étendue; donc ces Parties ne font pas inétendues.

Je démontre la conféquence. Il est évident qu'une négation ou une privation d'étendue, ajoutée un million de fois, une infinité de fois, à une négation ou à une privation d'étendue, ne peut point former une étendue : comme un nombre quelconque de négations ou de privations d'être, ajoutées à l'infini les unes aux autres, ne peut pas conftituer un être; comme un nombre quelconque de négations ou de privations d'or & d'argent, ajoutées & accumulées à l'infini ne peut pas former une maffe d'or ou d'argent. Donc un nombre quelconque de Points zénoniques, dont chacun a la négation ou la privation d'étendue, attachée & inhérente à fa nature, ne peut pas former une étendue.

Donc l'étendue de ce Continu ou de ce Bloc de marbre, ne réfulte point d'un nombre fini ou infini d'élémens fans étendue : donc les élémens qui, par leur nature & par leur réunión, forment l'étendue de ce Continu ou de ce Bloc de marbre, ont néceffairement chacun une petite étendue réelle & pofitive. Donc ces élémens, dont la fomme réunie forme & conftitue l'étendue totale de ce bloc de marbre, ne font pas des Points zénoniques fans aucune étendue réelle & pofitive. C. Q. F. D.

DÉMONSTRATION II. Représentez-vous par la penfée un Elément de matiere, d'une petiteffe quelconque, d'une petiteffe mille millions de fois moindre

Tome 1.

D

que celle que voudra lui fuppofer un Sectateur quelconque de Zénon,

Vous concevez que cet élément a encore plufieurs faces, dont l'une n'eft pas l'autre ; dont l'une regarde l'orient, l'autre le couchant; celle-là le zénith, celleci le nadir. Donc, à quelque divifion que l'on fuppofe portée une portion de matiere; on conçoit encore dans chacun de fes élémens divifés, plufieurs faces ou plufieurs parties dont l'une n'eft pas l'autre.

Donc, en vertu du Principe fondamental de toutes les Sciences, qui veut que l'on affirme des chofes çe que l'efprit conçoit néceffairement dans les chofes; on doit affirmer du plus petit élément de matiere que l'efprit puiffe concevoir dans la Nature une multiplicité de parties. Donc il eft faux qu'il y ait dans la Nature, des élémens de matiere, fans aucune étendue, fans aucunes parties diftinctes. C. Q.F.D.

49. REMARQUE. Dire avec un Philofophe moderne, que quoique l'on conçoive toujours dans les Elémens de la matiere, & une étendue & une multi

plicité de parties, il ne s'enfuit pas de-là que ces élé

inens foient tels en eux-mêmes: c'eft, ce me femble, heurter & renverfer le Principe fondamental de toutes les fciences. J'aimerois autant dire, que quoique l'on conçoive toujours la partie comme moindre que le Tout, il ne s'enfuit pas de-là, que la partie foit én elle-même moindre que le Tout.

LES MONADES DE LEIBNITZ.

50. EXPLICATION I. Leibnitz rêvoit quelquefois, ainfi que Defcartes: mais les rêves du premier, ainfi que ceux du fecond, étoient toujours les rêves du génie, plus fublimes & plus intéreffans que les fades & rampantes veilles des hommes du commun.

C'eft fans doute dans un de ces Rêves fublimes,

que Leibnitz enfanta fon fyftême des Monades: fyftême qui dut probablement fon origine au goût dominant de ce Philofophe, pour ce beau Principe philofophique qu'il vouloit appliquer à tout: Rien ne fe fait, rien ne doit être affirmé, fans une raifon fuffifante.

Pour rendre généralement raison de tout dans la Nature: Leibnitz conçut la Nature entiere, fous l'idée d'un affemblage infini de Monades, qu'il fuppofe en elles-mêmes & dans leur être primitif, fimples & fans aucune compofition; inétendues & fans aucune dimenfion; diffemblables & fans aucune égalité de perfection; actives ou capables d'action & de mouvement; représentatives ou propres à fe retracer & à fe concevoir les unes les autres. (4).

C'est d'après cette idée générale, ou d'après cet petit nombre de Suppofitions & de Demandes philofophiques, que l'Auteur des Monades entreprend de porter le flambeau philofophique fur tous les grands phénomenes de la Nature."

Tout eft monade, felon Leibnitz. Dieu eft une monade: monade éternelle & incréée, à laquelle toutes les autres doivent leur exiftence. L'Ame humaine est une monade monade fpirituelle, plus parfaite, plus repréfentative, plus intelligente que toutes les monades matérielles. L'Ame des Brutes, eft une monade : monade immatérielle, capable de fentiment & de quelques connoiffances. Chaque Elément de matiere, eft une monade : monade qui differe néceffairement en genre & en intenfité de perfection, de toute autre monade; étant impoffible qu'il y ait dans la Nature, deux Monades quelconques, fpirituelles ou matérielles, d'une perfection égale.

51. EXPLICATION II. Mais pourquoi attribue-t-il ou fuppofe-t-il à ces Monades, les qualités ou les

propriétés que nous venons d'annoncer ? En voici les raifons, qu'il fuffira d'indiquer ou de faire entrevoir. I. Il les fait fimples: pour rendre raison de la compofition des Corps, qu'il place dans un affemblage de monades fimples.

Car ce n'eft pas rendre raison du Compofe, felon lui, que de l'expliquer par d'autres compofés fubalternes puifqu'il refte éternellement à demander pourquoi ces Compofés fubalternes font eux-mêmes des compofés.

II. Il les fait inétendues: pour rendre raison de l'étendue des Corps, qu'il fait réfulter d'un assemblage de monades inétendues.

Car dire qu'un Corps eft étendu, parce qu'il eft compofé de points ou d'atomes étendus, ce n'est point expliquer l'étendue, dit Leibnitz : puifqu'il refte toujours à demander, pourquoi ces points ou ces atomes font eux-mêmes étendus.

III°. Il les fait diffemblables: en premier lieu, pour rendre raifon de la diverfité qu'il découvre dans la Nature entiere ; de la diverfité des génies & des caracteres chez les hommes; de la diverfité de vertus & de propriétés dans les Mixtes, dans tous les différens Corps: diverfité qu'il fait découler de la différence ou la diffemblance intrinfeque & primitive des monades qui les forment.

En fecond lieu, parce qu'il penfe, d'après fon fyftême de l'Optimifme, que s'il y avoit eu deux Monades semblables & d'égale perfection dans la claffe des Poffibles, Dieu n'auroit jamais pu créer ni l'une ni l'autre attendu qu'il n'auroit eu aucune Raifon fuffifante de créer l'une préférablement à l'autre. L'existence des Monades, annonce & fuppofe donc, felon Leibnitz, dans chaque Monade en particulier, une différence intrinfeque de nature & de perfection. ( Mát. 958 & 966).

IV. Il les fait actives: pour rendre raison de cette fomme conftante de mouvement qui anime la Nature, de cette permanante activité qui détruit & reproduit fans ceffe les êtres dans chaque efpece.

Les diverfes Monades, dont l'affemblage forme la Nature entiere, ont reçu, dès le commencement de leur exiftence, felon Leibnitz, une quantité & une détermination propre de mouvement, que leur activité naturelle reproduit fans ceffe fur le même modele. Dans chaque Monade, le premier mouvement détermina le fecond, le fecond détermina le troisieme, & ainfi de fuite à l'infini: de forte que l'action préfente de toute Monade quelconque, dans la Nature, n'eft qu'une fuite néceffaire de la premiere impreffion ou détermination qu'elle eut au premier inftant de fon existence ; & que cette action préfente eft une cause néceffaire d'où dépendent tous les mouvemens futurs qui doivent exister à perpétuité, & dans cette monade, & dans toutes les monades fur lesquelles elle influe plus ou moins par fon mouvement préfent.

Repréfentez-vous, s'il eft poffible, une Horloge indeftructible, qui, une fois mife en mouvement, fe remonteroit éternellement par elle-même ; & dans laquelle les divers rouages, s'engrenant du premier jufqu'au dernier, n'auroient jamais que des mouvemens dépendans du premier mouvement qu'on leur a imprimé c'eft une image fenfible & affez reffemblante du mécanifme phyfique qui anime persévéremment la Nature, felon Leibnitz. De-là, une Harmonie préétablie de choses, un enchaînement de caufes & d'effets, que l'on conciliera, comme on pourra, avec la Liberté humaine.

V. Il les fait repréfentatives: pour rendre raison, & des pensées qu'il découvre dans les Substances intelligentes, & des images qu'impriment dans nous les Substances matérielles.

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