le Grand Vifir avoit été déposé à Andrinople. Il dir ces mêmes paroles à celui qui l'arrêta dans fa tente: Hé bien, je te l'avois bien dit que ceci arriveroit ! Comme le Grand Vifir, avant qu'il fût dépofé, cherchoit tous les moyens de perdre le Roy de Suede, la paix conelue avec les Mofcovites, il envoya une ar mée à Bender pour l'obliger d'en fortir. Ce Grand Prince fans s'ef frayer des differens mouvemens que cette armée faifoit de tems en tems comme fi elle n'avoit été envoyée que pour l'atta quer, dit à fes gens, en tenant en main une baguette, fa parole ordinai re, Bagatelle, bagatelle, ils n'en feront rien. Il avoit feulement cinquan te de fes Dragons fous les armes, & s'étant mis à leur tête, fe prefenta devant l'armée; fa fiere & majestueuse,mais fage & tranquille magnanimité, infpira tant à la fois de terreur & de respect à ses ennemis, que les Chefs qui conduifoient ces troupes s'entreregardant, s'arrêterent tout d'un coup, 1 comme s'ils avoient été ébloüis,& frapez de quel, immobiles, & ne fça- qu'il ne fçavoit pas, ou de ce qu'il ne fçavoit que d'une maniere très imparfaite. Je finirai, en raportant ce que j'ai vû, & ce qui m'est arrivé pendant mon féjour à Bender. Le Roy de Suede ne boit point de vin, on lui fert feulement un grand goblet d'argent plein d'eau à la glace, qu'on met devant fon affiette. Quoi qu'à dîner & à sou, per il ait trois ou quatre Generaux, ou Colonels, il il ne parle jamais à table; il mange de groffes viandes, on lui fert plufieurs fois maigre & gras. Ilaime fort la crême. Quelques momens avant que de fortir de table, il s'y apuye fon poing droit fermé, & dans fes pro fondes pensées, on diroit qu'il rit, tant il à de douceur & de charmes. Depuis le débordement du Niefter, il a porté fon camp à une demie lieue de Bender. Là il a fait bâtir une grande maison F |