Ce que j'ai dit de la France me fait fouvenir de quelques ouvrages de Vernis qui imitent fi parfaitement l'écaille, qu'on en conoît difficilement la différence. On ne fera point fâché de fçavoir la maniere dont cela fe fait.

Ayant préparé ce que l'on veut travailler, il faut commencer à le teindre de couleur tirant fur le jaune, ou de rouge pâle, & fur le fond faire des taches plus ou moins chargées de couleur, avec le bitume de Judée diffout dans l'huile d'afpic, ce qui fait l'effet des taches qu'on voit fur l'écaille, ( qui n'eft point effectivement l'écaille appellée vulgairement des tortues,& par les Latins teftudo; mais celle d'un poiffon très-différent, long d'une palme & large d'une demie:) ayant ainfi préparé le fond, on le recouvre de Vernis, fur-tout de ce

* Aqua di rafa.

lui qui eft compofé de gommelacque, & d'efprit-de-vin; on peut faire quelque chofe de fort reffemblant à cela derrière un verre, faifant avec le bitume de Judée des traces plus ou moins grandes, & mettant par-deffus un papier teint avec de la terre jaune claire, on aura une tortue feinte fort belle, & qui ne fera point fujette à la corruption.

Cette forte de peinture me fait fouvenir d'une façon curieufe de peindre des figures fans fçavoir deffiner (1), & avec beaucoup de facilité: on prend une Eftampe

(1) Cette matière ne réuffit pas fort bien, à moins que le papier ne foit trèsmince; parce que l'efprit de térébenthine étant fec, la rend très-peu tranfparente, & que d'ailleurs il fait que les couleurs à l'huile s'étendent, & que celles qui font proches les unes des autres fe mêlént. Mais il y a plufieurs manières pour cet effet,qui réuffiffent fort bien : par exem ple celle-ci : on fait chauffer le verre fur

imprimée,on l'étend fur un châffis, on la frotte enfuite de térébenthine distillée, qu'on appelle efprit de térébenthine, qui doit être chaud; puis tenant l'Estampe fufpendue contre le jour, il la faut peindre par derrière avec des couleurs broyées avec l'huile de lin, fans faire aucunes ombres, mais feulement faisant par exemple un habit rouge, un vifage couleur de chair, un arbre verd, & de même toutes les autres parties, qui paroîtront comme fi elles étoient ombrées à caufe des ombres de l'Estampe : fi on

lequel on veut coller l'Eftampe, on le frotte de térébenthine commune,enfuite on y applique l'Eftampe du côté de la gravûre environ deux heures après on peut avec le doigt mouillé, enlever prefque tout le papier de l'Eftampe, & il n'en restera qu'une très-petite épaiffeur avec la gravûre qui fera confervée toute entière; on peint enfuite par derrière comme il eft dit ici.

fe fert pour cet ouvrage d'huile de noix clarifiée, avec la poudre de plâtre neuf, les brouillant bien enfemble dans une caraffe, & les laiffant repofer, les couleurs ne jauniront point; l'huile de térébenthine fe diftille dans une petite cornue de verre fur les cendres chaudes.

Avant de finir ce que j'ai à dire fur les Vernis, je ne dois pas manquer d'avertir que lorsqu'on veut faire des ornemens d'or, on les peut faire de diverses manières & de différentes couleurs: on n'employe point ordinairement l'or fin battu en feuilles, & encore moins broyé en poudre, parce que la dépenfe feroit exceffive; mais on fe fert d'or faux, dont le plus beau fe fait en Allemagne, & fur-tout à Ausbourg: il est trèsbrillant, principalement quand il eft ranimé par le Vernis de gomme-lacque,avec lequel on le peut couvrir; on employe de la

même manière l'or faux en poudre, & on en trouve de ce dernier de plufieurs couleurs, plus ou moins foncées, qui lorfqu'elles font bien diftribuées font un très-bel effet. On employe auffi la purpurine, qui eft une compofation d'alchimie, tirant fur la couleur de bronze; pour l'avoir plus belle, on l'apprête de la manière fuivante, qui eft rapportée dans les fecrets d'Alexis Piémontois: (1) prenez, dit-il, de la purpurine,& la remuez avec le doigt dans une petite écuelle, avec de l'urine que vous y verferez peu peu; l'ayant bien mêlée, emplif fez d'urine claire l'écuelle, & laiffez précipiter au fond la purpurine; verfez enfuite l'urine par

(1) Page 79 de la même Edition citée ci-deffus, il y rapporte la compofition de la purpurine, qui eft un mélange d'étain, de mercure, de fouphre & du fel armoniac.

Page 83 il rapporte la même chofe.