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,, le frere de mon mari ne veut pas fufciter dans Ifraël le nom de fon frere, ni me prendre pour fa femme; auffi-tôt ils le feront appeller & l'interrogeront; s'il répond, je ,,ne veux point époufer cette femme là, la femme s'approchera de lui devant les anciens, & lui ôtera fon foulier du pied, & lui crachera au vifage, en difant : c'eft ainfi que fera traité celui qui ne veut pas établir la maifon de fon frere, & fa maifon fera ap,, pellée dans Ifraël la maifon du déchauffé. Il s'agit de concilier ces deux loix qui paroiffent contraires, & c'eft ce qui fut facile aux avocats de la reine.

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AN.1530.

Ils difoient donc 1. Que la défense contenue dans le Levitique n'étoit pas de droit divin, puifque Dieu lui-même en avoit dispensé dans le Deuteronome, en ordonnant au frere d'époufer la veuve de fon frere. Peut-on dire que Moife fe contredit, & que ce n'eft pas l'efprit de Dieu qui parle dans ces deux dif ferens endroits du texte facré ? Il faudroit cependant en venir là, fi l'on ofoit foutenir que le precepte du Levitique eft de droit divin, & qu'on n'en peut pas difpenfer. A Dieu ne plaise Mart. c. 10. qu'on ait de femblables penfées. JESUS-CHRIST V.5. qui eft la verité même, dit bien aux Juifs que ..

Moïfe s'eft accommodé à la dureté de leurs cœurs, lorfqu'il leur a permis de répudier leurs femmes; mais répond-il la même chofe aux Saducéens qui lui demandent de qui une femme qui a époulé fept freres l'un après l'autre, fera femme au jour de la refurrection ? N'étoit-ce pas là une occafion de leur parler de l'ordonnance du Levitique ? de leur faire connoître que la loi du Deuteronome en étoit une exception faite uniquement en leur faveur : que la loi qu'il yenoit apporter les remettoit dans le droit na

Tome XXVII.

K

turel,

Matt.c.22.

turel, que Moïfe n'avoit voulu que rétablir dans AN.1530. le Levitique? Il ne dit rien de tout cela. Qui donc a le premier déclaré que le precepte du Levitique eft de droit divin & de droit naturel? Peut-être que faint Paul en parle plus clairement, lorfqu'il excommunie l'inceftueux de Corinthe point du tout. Il paroît au contraire que le crime de ce malheureux n'a aucun rapport avec les défenfes du Levitique, puisqu'il avoit abufé de fa belle-mere, qui étoit une impureté telle qu'il ne s'en voit point de pareille parmi les Païens. Or faint Paul n'auroit pas parlé ainfi, s'il y avoit eu un mariage : on ne voit donc point ni dans l'ancien ni dans le nouveau teftament, que la défense du Levitique foit de droit divin, & ç'a été fi peu le fentiment de la primitive églife, que le concile d'Elvire fi fevere dans tous les canons, ne fepare de la communion que pour trois ans celui qui aura époufé fa belle-fœur, & même il permet d'abreger ce tems en cas de neceffité; & ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'il n'ordonne point que ce mariage soit caffé & déclaré nul.

On difoit en fecond lieu, que s'il eft défendu dans le Levitique d'époufer la femme de fon frere, cette défense doit s'entendre pendant que le frere eft en vie, ce qui paroît par l'endroit du Deuteronome où il s'agit de la mort du premier mari: deforte que, fi faint JeanBaptifte reprend Herode de ce qu'il avoit épou fé la femme de fon frere, c'étoit parce que ce frere étoit encore vivant, ce qui rendoit ce crime un adultere & un incefte. C'est pourquoi Auguft. felon faint Auguftin, il n'eft point permis d'équaf.61. poufer la femme de fon frere, fi ce frere eft in Levitiencore vivant, s'il l'a repudiée, & s'il a laiffé Cum, des enfans. Ce font là les cas où ce faint do

Aeur

Ateur prétend qu'on ne peut époufer la femme de fon frere. Mais fi ce frere eft mort, s'il n'a AN.15 30. point laiflé d'enfans, la loi du Levitique chap. 18. & 20. n'oblige plus de droit divin, & c'eft là l'état où Catherine fe trouvoit lorfqu'Henri VIII. Pépoufa: elle étoit veuve d'Arthus frere d'Henri, & non feulement elle n'avoit point d'enfans, mais elle a déclaré que le mariage n'avoit point été confommé. Pour concilier donc le Levitique avec le Deuteronome, il faut confiderer la premiere loi comme le genre, & la feconde comme l'efpece: diftinction fi neceffaire pour concilier l'écriture fainte, qu'on ne peut autrement accorder la défense que Dieu fait de tuer, avec le pouvoir de vie & de mort qu'il donne aux fouverains. De même s'il a défendu aux freres d'époufer leur belle-four veuve, il a voulu que ceux qu'il a revêtus de fon autorité, puffent difpenfer de la loi generale dans certains cas particuliers, femblables à celui dont il s'agit.

Et c'eft la troifiéme raifon des avocats de la reine. Tout ce qui peut rendre valable une fem blable difpenfe, difoient-ils, fe rencontre ici. Il n'y avoit aucune nullité dans la bulle, l'expofé en étoit veritable; ce mariage étoit necef faire pour entretenir la paix entre l'Angleterre & l'Espagne; & l'on ne pouvoit pas prouver qu'Henri & Catherine n'euffent pas pas eu ce deffein; il n'étoit pas neceffaire que tous deux fiffent cette demande au pape ; il fuffifoit qu'on la fit en leur nom & qu'ils ne la défavouaflent pas. Il eft vrai qu'Henri protefta; mais cette proteftation n'eût point de fuite, & fut même anéantie par le mariage folemnel qui la fuivit, & par l'habitation de vingt an

nées entieres.

La difpenfe du pape Jules II. s'étendoit mê

me, au cas que le mariage eût confommé avec AN.15 30. Arthus. Il n'eft pas certain néanmoins qu'il l'ait été, l'on n'en avoit que de foibles conjectures, & l'on a des preuves du contraire puifque la reine a foutenu au roi qu'il l'avoit trouvée vierge, fans que ce prince alors ait ofé le nier. Enfin le bref donné en même-tems que la bulle, ne faifoit aucune mention que le premier mariage n'eût pas été confommé, & donnoit difpenfe, fuppofé qu'il l'éût été. C'est ce qui fut allegué pour la défense de la reine devant les legats Campege & Wolfey.

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Peut-être que ces dernieres raifons alleguées pour la reine, auroient paru plus convaincan tes à beaucoup de perfonnes, fi l'on n'avoit confideré ce grand procès que comme une affai te de confcience, & qu'on auroit ailément conclu, qu'Henri aïant époufé la reine en confequence de la difpenfe, & vêcu un grand nom bre d'années avec elle comme avec la femme ne pouvoit légitimement fe feparer d'elle pour en époufer une autre mais il y a beaucoup d'apparence que la politique & la paffion furent les uniques refforts de cette affaire. La paffion du côté d'Henri qui aimoit Anne de Boulen & qui vouloit en faire fa femme: la politique de la part des feigneurs Anglois qui craignoient que l'Angleterre ne fût expofée à de grands ravages, fi Henri aïant revoqué luimême en doute la validité de fon mariage, ne laiffoit point d'autres enfans que Marie, parce qu'en ce cas ceux qui auroient quelques prétentions à la couronne, n'auroient pás manqué de les faire valoir après la mort d'Henri, Ce fut par ces vues politiques que plufieurs de ces feigneurs écrivirent au pape Clement VII. pour le prier de donner quelque fatisfaction au prince, au fujet de fon mariage. La lettre

eft

LXXXVIII.

eft du treiziéme de Juillet 15 30. & fignée du cardinal Wolfey, de l'archevêque de Cantor- AN-15 30. bery, de quatre évêques, de deux ducs, de Lettres des deux marquis, de treize comtes, de vingt-cinqgrands feibarons, de vingt-deux abbez & de douze mem-gneurs Anbres de la chambre basse. glois au pa

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Ces feigneurs reprefentent à fa fainteté que vorce.
pe fur le di-

146.

le mariage du roi aïant été condamné par Burnet hift. ,, un grand nombre de celebres univerfitez, , par de la reform. ,, plufieurs fçavans canoniftes, & par d'habiles. 1.1.2. p. théologiens; le pape eut dû lui-même rendre Rimer, atta juftice à ce prince fans en être follicité ; qu'ilpublica Aneur dû encore confiderer les obligations quest. 14. ,, toute l'églife en general & le faint fiége en 405. particulier avoient à Henri que cependant la juftice de la chofe & les inftances du roi n'aïant rien produit, c'étoit avec beaucoup ,, de regret qu'ils fe plaignoient d'un traitement fi indigne; mais que l'Angleterre étant menacée des calamitez d'une guerre civile, à " moins qu'on ne rendit inconteftable la fucceffion à la couronne, ils ne pouvoient plus » garder le filence; que le feul moïen de prévenir ces malheurs, étoit de mettre le roi dans „ un état à attendre des enfans mâles, en lui » permettant de fe marier; qu'ils conjuroient fa fainteté de lui donner une prompte fatis faction là-deffus que fi elle en ufoit autrement on fe croiroit abandonné du faint fié. ,, ge, l'on prendroit tout délai pour un refus, & l'on iroit chercher des remedes ailleurs. ,,Que pour prévenir de plus grands maux, on ,, pourroit bien fe porter à quelque extrémité facheufe mais qu'enfin un malade cherche du foulagement par tout où il croit en " trouver.,,

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Le pape craignant les fuites de cette réfolu tion, récrivit promptement aux feigneurs, tâchant

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