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CXXVIII.

Ce fut dans cette année que Jerôme Emiliani noble Venitien jetta les fondemens de fa ANIS 31. congregation des Somafques, dit clercs regu- Etabliffeliers de faint Mayeul. Jerôme étoit né à Venife ment de la l'an 1481. d'Ange Emiliani fenateur, & d'E- congregaleonore Morofini. Il s'engagea de bonne heure tion des Sodans le parti des armes, & s'y diftingua par fa Heliot. hift. fa mafques. valeur. Le gouverneur de Caftelnuovo, qui des ordres étoit affiegée par les Allemands, s'étant fauvé monaft. de la place après une vigoureufe réfiftance, on 4 c. 33. 6360 fit paffer toute la garnifon au fil de l'épée, & Jerôme fut jetté dans une obfcure prifon chargé de chaînes; mais on lui rendit la liberté peu de tems après. Caftelnuovo aïant enfuite été rendue aux Venitiens, ils reconnurent les fervices d'Emiliani, & lui accorderent la joüiffance de cette place pendant trente ans avec la qualité de Podefta, ou chef de la juftice; mais il abandonna bien-tôt après cet emploi, pour ne s'appliquer qu'à l'éducation de fes neveux, & aux exercices de charité. La famine & une maladie contagieufe, qui firent de grands ravages en Italie en 1528. lui donnerent moien de faire paroître fon zele: il vendit jufqu'à fes meubles pour foulager les pauvres, & enfin touché de la mifere des orphelins, il en raffembla un grand nombre dans une maifon, où il les affi Ita avec une œconomie, une activité & une prévoïance qui étonna toute la ville de Venife. Son zele n'étant pas encore fatisfait, il travailla efficacement à procurer en diverfes villes de pareils établissemens, & quelques perfonnes chari tables s'étant jointes à lui, il inftitua en 1531. pour l'utilité des orphelins une congregation de clercs reguliers; qu'on appella Somafques, du nom du lieu fitué entre Bergame & Milan. Vers le même tems la faculté de theologie de Paris, dont la réputation étoit grande de

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eft conful

tré collect.

1.78.

puis long-tems, fut confultée par les magiftrats AN.1531 de la ville d'Ypres en Flandre, fur un excellent La faculté reglement qu'ils avoient fait en 1525. avec le de theolo- prévôt de l'églife d'Ypres, grand vicaire de l'égie de Paris glife de Therouanne, & le clergé de ce diocese, tée par les pour la nourriture & l'entretien des pauvres, magiftrats fans qu'ils fuffent obligez de mendier. Leur letd'Ypres. tre dont Jean Crocius dominicain profeffeur D'Argen- en theologie, & Jacques le Pape furent porjud. t. 1. teurs, eft dattée du vingt-huitiéme Decembre in append. 1530. Les magiftrats y reprefentent, que pour p.6.&.a. fournir plus ailément aux befoins des pauvres de leur ville, & remedier aux abus & fourberies qui fe commettent tous les jours fous prétexte de mendicité, ils ont fait une ordonnance qui défend de mendier publiquement, avec ordre à certains particuliers de recueillir les aumônes, & les diftribuer felon les besoins en la maniere preferite que depuis cinq à fix mois que cette pratique s'obferve, les vrais pauvres font très-foulagez, & le peuple fort en repos. Et parce qu'ils fouhaitent de continuer la même bonne œuvre, ils prient la faculté de les aider de fes confeils; d'examiner toutes les circonftances du reglement qu'ils ont fait, parce qu'ils ne voudroient rien entrepren dre qui pût caufer quelque fcrupule, ou charger leur confcience.

CXXX. La faculté répondit en François aux magiRéponse ftrats d'Ypres, qu'elle avoit reçû leur lettre, de la fa- & écouté ceux qui lui avoient été envoïez de culté aux leur part; que leur affaire avoit été examinée 'Ypres. pendant plufieurs jours, & qu'ils recevroient D'Argentré leur conclufion par les porteurs de leur lettre. 4.2.p.79. Cette conclufion étoit en latin dattée du fei

magiftrats

ziéme du mois de Janvier 1531. & difoit que leur entreprise étoit difficile, mais en mêmetems pieufe, falutaire, avantageuse & confor

mc

,

me à l'évangile, à la doctrine des apôtres, & à l'exemple de nos ancêtres, pourvû qu'on y obfervât ces conditions. Que fi la bourse commune ne fuffifoit pas pour nourrir tous les pauvres, on ne les empêchât point de mendier; que les riches ne ceffaffent pas d'affifter ceux qui feroient dans une extrême neceffité; que l'on n'empêchât pas de leur faire l'aumône, foit en public foit en particulier; que les laïques ne priffent pas fous ce prétexte les biens des ecclefiaftiques; qu'on ne défendît point aux religieux mendians de demander l'aumône, non plus qu'aux pauvres de la cam. pagne. On ne laiffe pas d'approuver le regle ment comme très-utile pour la nourriture des pauvres, & très-propre à remedier à beaucoup de maux. On obferve feulement qu'on ne doit pas le confiderer comme une loi immobile de fa nature, dont on ne peut jamais s'écarter en aucune occafion, mais comme un regle ment qui peut recevoir des interpretations, & des modifications au jugement des hommes, pendant & felon les differentes circonstances des lieux & des tems.

ANJ531.

Plufieurs

Le deuxième de Mars de la même année, CXXXI. la faculté donna encore fon jugement fur plu- livres confieurs livres qui lui furent déferez, & qui fu- damnez par rent trouvez chez un nommé Jean de faint la faculté Denis. Le premier étoit des Pandectes de l'an- de theologie de Pacien & du nouveau Teftament, compofé par Otthon Bronfelfius, où cet auteur foutenoit la doctrine de Luther, par beaucoup de paffa- collect inD'Argentré ges de l'écriture fainte, dont il abufoit. La fa- dic. de nov. culté en tira treize propofitions qu'elle condam- error. t. 2. na, comme pernicieuses, & jugea l'ouvrage P.85.& digne du feu. Le fecond étoit un livre intitulé feq. l'oraifon de JESUS-CHRIST, qui eft le pater, le credo, les dix commandemens, les fept pfeau

mes

mes en françois avec d'autres traitez, comme AN.1531. le livre de la fuggeftion des chrétiens, une expofition fur le magnificat: le livre de la loi & de l'évangile avec la force d'iceux, un autre nommé épître chrétienne, & le brief recueil de la fubftance de la doctrine évangelique; on tira de tous ces ouvrages vingt-deux propofitions, qui furent auffi traitées de Lutheriennes, & jugées dignes du feu. Le troifiéme portoit ce titre, union des perfonnes qui font en contestation, unio diffidentium par Herman Gobius compofé pour appuier la doctrine de Luther, & digne d'être brûlé.

de la même

Le quatrième ouvrage intitulé lucidaire, écrit en françois, & un autre fous le titre de théologie chrétienne, parurent fupportables à la faculté, qui ne décida rien non plus fur l'ouvrage qui avoit pour titre Antonius de Arena, & fur un autre qu'on nommoit le cinquantedeuxième arrêt d'amours, & un troifiéme intitulé la Celeftine. Mais quant au neuviéme ouvrage qui avoit pour titre requête des pauvres, la faculté déclare qu'il eft rempli d'injures contre l'état ecclefiaftique, qu'il y a de mauvais fentimens fur la meffe, fur la confeffion, fur le purgatoire, & que par confequent il doit être brûlé. Elle en condamne auffi un dixiéme intitulé les cent-feize conclufions en trois feuilles, qu'elle regarde comme Lutheriennes & dignes d'être brûlées publiquement.

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CXXXII. Le premier de Juin la faculté prononça fur Jugement trois propofitions, qui lui avoient été envoïées faculté fur par l'évêque de Condom. La premiere étoit quelques conçue en ces termes. On trouve quatre for propofites de baptêmes fuffifans pour effacer le pelui font dé- », ché originel, celui de l'eau, celui du fang ferées par ", celui du Saint-Efprit, & celui de la fanctifil'évêque de,, cation; ce quatriéme baptême eft invifible,

tions qui

Condom.

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des

33 & peut être obtenu fans facrement, & fans », aucun mouvement propre; mais par la foi AN53 F. D'Argentré parens, lorfqu'il n'eft pas poffible à un in collect. t. enfant de recevoir le baptême d'eau. La fe- 2. p. 89. conde. Il eft probable que faint Jean l'Evan

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» gelifte n'eft pas mort, mais qu'il a été trans
feré dans le paradis terreftre, d'où il vien
dra prêcher contre l'antechrift avec Enoch
,, & Elie. La troifiéme. Le martyre de faint
» Jean l'Evangeliste, a été plus grand extenfi-
,,vement & fous un feul rapport,
que celui
de la fainte Vierge; lorfqu'ils étoient tous
deux au pied de la croix; mais le martyre
,, de la Vierge a été beaucoup plus grand par
la douleur & la compaffion intenfive, que
celui de faint Jean. Cependant parce que ce
Saint avoit deux très-grands fujets de douleur,
P'un de la douleur de JESUS-CHRIST,
& l'autre de la Vierge, qu'il aimoit beaucoup :
,, fous ce rapport le martyre de faint Jean a
,, pû être plus grand que celui de la Vierge;
» quoique fous plufieurs autres rapports & cou-
fiderations, le martyre de la Vierge ait de
beaucoup furpaffé celui de faint Jean,,, Ces
trois propofitions après avoir été mûrement exa-
minées par la faculté de théologie ; cette fa-

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"

culté décida.

Sur la premiere; que quoiqu'il foit, certain que Dieu accorde quelquefois, par un privilege fpecial, fes dons à qui il veut, néanmoins parce qu'on ne peut avoir aucune certitude fans la revelation divine, pour fçavoir quand & à qui Dicu accorde fes dons; la faculté penfe qu'il y a plus de temerité que de prudence de prêcher au peuple, & enfeigner que les en. fans qui meurent ou dans le fein de leur me re, ou en étant fortis, avant que d'avoir reçû le baptême, font fauvez. Sur la feconde pro. pofition

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