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Charles V. Gardiner ne connoiffoit pas fi bien la cour de Rome, mais en récompenfe il paf-AN.1528. foit pour un des plus habiles canoniftes, il avoit un efprit vif, fouple, infinuant, & propre à tous les emplois dont on le voudroit charger. Fox fuivoit affez les fentimens de fon prince, & mourut évêque d'Hereford. Leurs inftructions portoient de demander pour le cardinal Wolfey une nouvelle commiffion qui l'établit juge de cette caufe, avec pouvoir de caffer le mariage du roi, s'il le trouvoit à propos, & néanmoins de déclarer legitime la fille qui en étoit née, de preffer le pape de donner une promeffe par écrit de ne point révoquer la commiffion du legat, de demander une bulle qui caflât le mariage du roi, & une difpenfe pour époufer une autre femme fans aucune reftriction. Enfin les envoïez devoient représenter au pape que Wolfey n'avoit pas confeillé le divorce au roi, & qu'il n'étoit point auteur des confeils qui avoient engagé fa majefté Angloife dans cette affaire. Rien n'eft plus preffant que la lettre écrite au pape par ce cardinal. Tout ce qu'un efprit inquiet & effrayé eft capable d'appeller à fon fecours s'y trouve ramaffé, la lettre eft dattée du dixiéme de Février.

Il mande à fa fainteté, que fi elle le regar- XL. de non-feulement comme un chrétien, mais Lettre du comme un cardinal qui n'a pas deshonoré fon cardinal caractere, qui a rendu quelques fervices à l'é. Wolfey au pape touglife, qui a toujours été attaché aux interêts chantie di de fa fainteté, fi elle le confidere comme un vorce. homme zelé pour la juftice, foigneux de fon falut éternel, elle veuille avoir quelque égard à fes rémontrances, & à fes humbles prieres. ,, J'ofe vous affurer, continue-t-il, que fi je ne afçavois pas que ce que le roi demande eft

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jufte

AN.1528.

XLI.

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jufte & équitable, j'aimerois mieux fouffrir ,, tous les tourmens les plus cruels, que de m'en mêler. Mais je ne puis diffimuler que », j'apprehende fort que fi vôtre fainteté toû » jours pleine de confideration pour l'empereur, refufe de nous accorder une grace appuïée fur les loix divines & humaines, le roi qui n'a que Dieu & la juftice en vûe, n'aille chercher des remedes ailleurs, & ne faffe ,, quelque entreprise d'autant plus préjudiciable à l'autorité du faint fiége, que fon exemple » pourroit être fuivi par d'autres. Je vous par,,le, très-faint pere, comme chrétien, comme membre du facré college: ni l'interêt, ni l'affection que je porte au roi, ni la dépendance où je fuis, n'ont aucune part à cette lettre Je ne regarde que la juftice & l'équi ,, té, & le trouble que je reffens en moi, ne ,, me permet pas d'en écrire davantage.

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Demandes Le même jour que cette lettre fut écrite, de Gardi- c'eft-à-dire, le dixiéme de Février, Gardiner ner & de & Fox partirent pour l'Italie; & quand ils fuFox au pa- rent arrivez à Orviette, ils trouverent le pape

pe.

fort embaraffé dans une conjoncture fi délicate, & qui ne penfoit qu'à gagner du tems. Il feignit qu'il ne fouhaitoit rien avec tant de paffion que de fatisfaire le roi ; mais on ne laiffa pas d'entrevoir que la veritable intention de Clement VII. étoit d'amufer Henri de l'efperance qu'il favoriferoit fon divorce, jufqu'à ce qu'il fe vit en état de prendre des méfures contraires. Ainfi toutes les follicitations des envoïez ne produifirent rien, la bulle ne fut poin point ex. pediée telle qu'on la demandoit; & tout ce que purent faire Gardiner, Fox & Cafali, fut d'ob tenir un commiffaire qui fûr agréable au roi. On en propofa plufieurs tous cardinaux dé beaucoup de merite, & l'on s'arrêta à Laurent

Cam

pren

XLII.

re pour

Campege qui étoit déja évêque de Salisbury. Le pape le nomma dès le mois d'Avril, & le AN.1528. joignit au cardinal Wolfey pour juger l'affaire Lecardinal du divorce. Sa commiffion toutefois n'eft que Campege du fixième de Juin dattée d'Orviette. Campege envoïé en fit tout ce qu'il put pour fe difpenfer de Angleterdre un emploi fi délicat, qui le menaçoit ou l'affaire du de la colere de l'empereur, ou de la haine du divorce. roi d'Angleterre. Pour excufer fon refus, il Vie de Camallegua, qu'étant incommodé de la goutte, il pege par Cane pouvoit entreprendre un fi long voiage, rol Sigomais Wolfey lui fit tant d'inftances en le connius imp.d Boulogne jurant de ne point perdre de tems & de fe 1581. prêter au befoin d'un roïaume dans lequel il étoit deja évêque, qu'à la fin il accepta la commiffion.

C'étoit un prelat recommandable par fa vertu & par fa fcience, également agréable aux parties intereflées Il avoit déja éte légat en Angle terre en 1519. pour y lever les decimes contre les Turcs; & il paffoit pour le plus fçavant canonifte de fon tems, & le plus habile dans les négociations. La France qui le croïoit un peu attaché à Charles V. ne fut pas bien aife. de ce choix, apprehendant qu'il ne moïennât quelque accord entre l'empereur & Henri VIII. Auffi voit-on dans une lettre de Jean du Bellay Cette lettre évêque de Bayonne à Mr. le grand maître & eft parmi les maréchal de France, dattée de Londres le dix-preuves de huitiéme de Juin 1528. que cet évêque tâ- Phift. du dichoit de rendre Campege fufpect au cardinal le Grand Wolfey, en lui faifant entendre que le paper. 3. in 12. P'envoïant en Angleterre, tâchoit de contenter? 136. & les Anglois & les Imperiaux, & d'alonger Godvide les affaires fous prétexte de la goutte, dont praful. Ance cardinal étoit incommodé. Cependant Cam-glic. Arpege fe difpofa à partir, & le pape lui remit chiep. Ebo une bulle favorable, à ce qu'on dit fans preuves, à la caufe du roi, en prenant toutes fes

sûre

vorce de M.

Belcar.1.19.

Tac.n. 57.

AN.15 28.

XLIII.

sûretez pour empêcher que cette bulle ne füt jamais vûe, & qu'on ne pût s'en fervir pour la fin du procès. Il recommanda à ce nouveau légat fur tout de ne la faire voir qu'au roi & à Wolfey, & de la brûler auffi-tôt. Ainfi l'on n'a jamais fçû précisément ce que contenoit cette bulle: les uns difent que le pape s'engageoit feulement de n'évoquer jamais la caufe à Rome, & de confirmer le jugement des légats les autres difent, que cette bulle prononçoit la diffolution du mariage, en cas que les faits énoncez par le roi fuffent veritables au jugement des commiffaires. Ce dernier fentiment eft uniquement fondé fur ce que le roi d'Angleterre témoigna tant de fatisfaction de la bulle, & le pape tant de regret de l'avoir donnée, qu'il y a beaucoup d'apparence qu'elle étoit définitive.

Mais pendant que Heni VIII. faifoit paroître Chagrin tant de joye, le cardinal Wolfey étoit penetré que le car de chagrin, & plus l'affaire du divorce avançoit fey conçoit à Rome, plus fes fraïeurs augmentoient, tant il de cette af-étoit perfuadé que de quelque maniere qu'el

dinal Wol

faire.

le tournât, il étoit perdu. Un jour, foit qu'il eût quelques remords plus violens qu'à l'ordinaire, ou qu'il fût honteux de la paffion du roi, ou qu'enfin il apprehendât qu'Anne de Boulen étant fur le trône, ne fongeât qu'à le ruiner pour avancer fa propre famille, il alla trouver Henri, & lui réprefenta le tort qu'il faifoit à fa reputation. Mais ce prince, qui juf qu'alors avoit eu tant de complaifance pour lui, le reçut fort mal, & depuis ce tems-là Wolfey ne douta plus de fa difgrace: il eût bien voulu fe retirer, s'il eût pû le faire avec sûreté ; & quoique le pas lui parût gliffant, il ne laiffa pas de commencer à prendre fes mefures de loin, il fit bâtir par tout, & pour s'at

tirer l'amitié du peuple, il avança fes fondations autant qu'il pût; en même tems il écri- AN.1528. vit au pape comme un homme qui fe croïoit abfolument perdu, s'il n'avoit pitié de lui. Il écrivit à Cafali de prier, de conjurer fa fainteté, de lui accorder une bulle qu'il puiffe montrer au roi, & jure par tout ce qu'il y a de plus faint, qu'elle ne fera vûe de perfonne ; qu'il ne prétend point s'en fervir pour le jugement du procès, qu'il veut feulement par-là faire connoître au roi, que fa fainteté eft veritablement dans fes interêts, qu'elle ne l'a point trompé, lorfqu'elle l'a affûré qu'elle fera pour lui tout ce qui eft de l'étendue de fa puiffance. Qu'il n'a que ce moyen pour conferver fon crédit auprès de fon maître ; & que fi elle lui accorde cette grace, il employera tout, & même fa propre vie pour la défense & la gloire de fa fainteté, & pour les avantages du faint fiége.

Comme le pape avoit de grandes obligations XLIV. à Wolfey, il voulut bien le fervir fans route- Arrivée fois s'abandonner entierement à lui, & c'eft ce du cardinal Campege qui lui fit prendre les sûretez dont on a parlé, en Angleen accordant cette bulle. Campege en fut donc terre. chargé, & n'arriva en Angleterre qu'au com- Sanderusl. mencement d'Octobre, fort incommodé de la 1. Guice.in goutte, aïant avec lui fon fecond fils Rodol- b. 19. phe, parce qu'il avoit été autrefois marié dans le tems qu'il enfeignoit le droit à Padoue. Dès que ce cardinal fut arrivé, Wolsey qui vouloit faire de cette bulle un peu plus d'ufage qu'il ne difoit, voulut l'engager à la faire voir à quelques-uns du confeil. Mais quand il fe vit preffé là-deffus, il dit, qu'il avoit des ordres très-exprès de ne la montrer qu'au roi & à Wolfey. Henri furpris & indigné d'un tel procedé en fit porter les plaintes au pape, qui bien loin de blâmer le légat, répondit nettement

que

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