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Pair de Paris lui étoit contraire, lui confeille

Bouhours

22.

rent de retourner en Espagne, & d'aller repren AN.IS 34 dre fon air natal. Ses difciples fe joignirent ibid. p. 146. aux medecins, & redoublerent leurs inftances Orlandin pour le déterminer à ce voïage, auquel il left. fociet. réfolut enfin, mais moins pour rétablir fa fan-1..96.p. té, que pour le conferver les compagnons que la providence venoit d'affocier à fon zele. Trois d'entr'eux, Xavier Salmeron, & Laynez avoient des affaires domeftiques qui les obligeoient d'aller en Espagne avant que de renon. cer à leurs biens; il craignoit que la vûë de leur patrie & les follicitations des parens n'ébranlaffent leur vocation, & qu'avec toute leur ferveur ils ne fuccombaffent aux careffes & aur larmes de leurs familles; ainfi pour ne pas expofer la vertu de ces trois jeunes profelytes à ces tentations, il voulut bien fe charger de leurs affaires, & les expedier lui-même; mais il ne fit le voïage qu'en l'année fuivante 1535. après être convenu avec fes fix difciples qu'après avoir fini en Efpagne leurs affaires & les fiennes, il iroit les attendre à Venife où ils viendroient le joindre au commencement de l'année 1537. pour paffer tous ensemble dans la terre fainte & y accomplir leur vou.

Les Anabaptiftes qui continuoient toûjours XXVI. leurs défordres en Allemagne, fe rendirent Troubles dans cette année 1534. maîtres de la ville de en Allema Munfter. D'abord ils ne purent s'emparer que par les gne caufez de la moitié avec la maifon de ville, & le Anabapti

ftes.

magiftrat conferva l'autre moitié, ce qui ne La Bizar fervit qu'à augmenter la fedition. Quelques-dierre in uns voulurent s'emploïer pour un accommode- hiftor.geftor. ment & l'on propofa la liberté de religion mirab. p. pour les trois partis de Catholiques, de Lu- 100. theriens & d'Anabaptiftes qui étoient dans la ville; mais ces derniers réfolus de ne s'y point

fou

foumettre, écrivirent à ceux des leurs qui s'êAN.1534 toient déja beaucoup multipliez en Weftpha

lie, de se rendre inceffamment à Munster avec promeffe d'être bien recompenfez. Il n'en falfut pas davantage pour remplir la ville d'une infinité de gens fans aveu; les plus riches bourgeois ne doutant plus d'être pillez, tranfporterent leurs effets ailleurs. Le magiftrat qui voïoit la ville dans un extrême danger, & qui ne fe fentoit pas affez fort pour arrêter ces furieux, fe retira après avoir enlevé tous les papiers de la maifon de ville, & fur fuivi des chanoines, des ecclefiaftiques, des catholiques XXVII. romains, & de plufieurs bourgeois; ceux qui Ils s'empa- demeurerent tâcherent de faire quelque refiftanville de ce; mais comme leurs ennemis étoient en trop Munfter. grand nombre, ils fe virent forcez de fe reti Cochleus ad rer, de même que les Lutheriens : & les Anabaptiftes devenus par-là les feuls maîtres de la ville, créerent douze juges les plus info lens de leur fecte pour gouverner.

rent de la

ann. 1534.

p. 269.

François Waldeck évêque de Munfter dépoffedé de fa ville, eut recours aux princes & aux états voifins pour s'y rétablir : & comme tout le monde étoit également intereffé à empêcher ces furieux de fe rendre maîtres de l'autorité publique, on remit l'affaire au mois de Decembre fuivant, où la diéte affemblée à Coblentz travailleroit à contenter l'évêque ; en Sleidan, at attendant ce tems-là, on lui envoïa quelques

311.

Suprado p. troupes, avec lesquelles, aidé des fecours de Ulemberg in l'électeur de Cologne & du duc de Cleves, vita Lutheri il mit le fiege devant la ville, & réfolut de 6.26. P'emporter d'affaut. Les Anabaptiftes ne fe viRaynald koc rent pas plûtôt inveftis, que Jean Matthieu, dont nous avons déja parlé, dit que Dieu lui avoit revelé que chacun devoit apporter dans fa maifon tout ce qu'il avoit d'or, d'argent,

ann. n. 19.

20. & feq.

de

de pierreries & de bijoux, & lui avoit ordonné que quiconque y manqueroit fut fur le AN1534. champ puni de mort; foit par zele ou par

crainte, il fut obéi, & s'étant accredité par une voie fi étrange, il declara que Dieu or donnoit auffi de brûler tous les livres, excepté P'écriture fainte. A l'inftant on vit chacun s'empreffer de les porter dans la place publique où ils furent brûlez, de forte qu'après le fiege, il ne s'en trouva aucun, quelque exacte recherche que l'on en fit. Un ferrurier nommé Tritelinge aiant ofé dire quelques mots de raillerie fur un embrafement fi bizarre, Matthieu le manda, & fans autre formalité lui paffa au travers du corps la hallebarde qu'il tenoit. Il eut encore la vanité de faire écrire fes loix fur des tables, & de les expofer aux portes de la ville, & afin que le peuple eut plus de veneration pour elles, il fit accroire que le Saint Efprit les lui avoit dictées.

Dans le tems que l'évêque affiegeoit la vil- XXVIII. le, les Anabaptiftes firent une vigoureufe for- Mort de tie, dans laquelle ils eurent un heureux fuc- Jean Matchieu, Jean cès. Jean Matthieu qui les commandoit vou- Becold lui lut en faire une feconde, & courant au lieu fuccede. où il fçavoit que les foldats étoient affemblez, Meshov.in il leur dit de la part de Dieu de le fuivre & baptift. ib. hift. Anaqu'ils tailletoient en pieces les affiegeans: après.. 6. ces paroles il fe mit fans armes défenfives à la tête d'un bataillon qu'il forma, & fortit le premier par la porte de faint Maurice qu'il fe fit ouvrir. 11 fut fi bien reçû des Allemands, qu'ils le tuerent à la premiere attaque, & tous ceux qui l'accompagnoient, à la referve de quelques-uns qui en allerent porter la nouvelle dans la ville. Jean Becold qu'on nommoit auffi Jean de Leyde lui fucceda. Il paffoit pour un grand prophete, & il affura que la fin inal

heu

Sleidan. I.

10. p. 310.

heureufe de fon prédeceffeur lui avoit été reve AN1534 lée, & que Dieu lui avoit commandé d'en époufer la veuve; il apofta le plus fidéle de fes difciples nommé Knipardolling, qu'il avoit fait premier conful, & l'inftruifit très-bien à faire le prophete, ce fut par cet artifice qu'il parvint à la roïauté. Le fiege de Munfter avoit été changé en blocus; l'évêque fe contentant de bâtir des forts à l'entour, & de les garnir de foldats, pour empêcher que rien n'entrât dans la ville.

XXIX.

cold ou de

Jean de Leyde n'en fut pas plûtôt informé, Jean Be- qu'il demeura dans une extafe feinte qui dura Leyde éta-trois jours après lefquels faifant femblant de blit la Poly- ne pouvoir parler, il demanda du papier, une gamie. plume & de l'encre, & écrivit que la volonté Harefa de Dieu étoit que fon peuple fut gouverné par chius in hift. Anabaptift. douze patriarches, comme l'avoient été les Juifs; Steidan. 1. il nomma enfuite fes douze meilleurs amis, il 10. p. 313-les fit reconnoître en cette qualité & ne se laissa

voir à perfonne, que le peuple ne les eût mís en poffeffion de l'autorité abfoluë; il ne les y laiffa pas long-tems, & l'on reconnut bien-tôt qu'il ne les avoit élevez que pour regner feul en leur place; en effet il propofa peu de tems après des articles qui contenoient, que le mariage n'attachoit pas fi abfolument un homme à une feule femme, qu'il n'en pût avoir en mêmetems plufieurs; il propofa aux prédicateurs Anabaptiftes d'examiner fi cela étoit contraire à l'écriture fainte. Mais ceux-ci rejetterent cet article & les autres qui leur furent propofez : fur leur refus, de Leyde affembla le peuple à qui il les fit approuver par menaces, & auffitôt après il époufa trois femmes, entre lefquelles étoit la veuve de Jean Matthieu. Un feul de l'affemblée fcandalifé d'une décifion fi oppofée à la doctrine évangelique, fe mit à crier

que

que ce fentiment étoit faux & contraire à la fainte écriture, ce qu'il prouva, mais il lui en coûta la vie Becold qui prétendoit gouverner d'une maniere fi defpotique, que fa volonté fervît de loi, lui fit dans le même-tems couper la tête, fans autre forme de procès. Les plus fenfez aïant horreur d'une action fi tyrannique, & connoiffant qu'ils étoient miferablement trompez, formerent le deffein de livrer la ville à l'êvêque; mais leur deffein aïant été découvert, Becold les fit tous arrêter & mourir par differens fupplices, promettant les premieres places dans le ciel à ceux qui leur ferviroient de bourreaux, & qui auroient plûtôt obéï.

AN.IS 34.

'artifices

Hift. des A

Sleidan. 1.

10. p. 313.

Aïant établi la polygamie dans la ville, & XXX. épousé lui-même jufqu'à dix-fept femmes, tou-Ses fourbe tes dépendantes de la veuve de Jean Matthieu, ties & fes qui feule portoit le nom de reine, il fit caffer, pour obtele regne des douze juges, qui ne dura que neufnir la dignifemaines, & leur fit dire par Tufchofciererté de roi. orfevre de Warmdorp, autre fanatique qu'il nabaptifles avoit mis dans fes interêts, que comme le Sei-impr.à Amgneur avoit autrefois établi Saül fur Ifraël, & ferdam en après lui David, bien qu'il ne fut qu'un fimple 1700. berger, de même il établissoit Jean de Leyde fon prophete roi en Sion. Les juges qui virent bien que cette prétendue prophetic ne venoit que de l'ambition de Becold, y refifterent d'abord; mais le fourbe acheva la comedie comme il l'avoit commencée. Il dit que malgré lui le prophete l'établiffoit roi : que s'il lui étoit permis de fuivre fon inclination, il choifiroit plûtôt la derniere condition que celle de fouverain; mais que l'efprit de Dieu qui le conduifoit forçoit fon penchant, & que contre fa volonté, il se fentoit porté fur le trône du roïaume de Sion; qu'il ne l'avoit point voulu découvrir à perfonne, parce qu'il n'étoit pas bienféant qu'une

verité

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