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fes concou

s'être abftenu de vin, ou du moins n'en avoir fait qu'un ufage très-modéré ; car il eft ordinaire que des enfans conçus dans un moment d'ivreffe, foient eux-mêmes fujets au vin. Auffi, Diogene voyant un jeune homme pétulant & emporté mon ami, lui dit-il, ton pere t'a engendré dans l'ivreffe. Mais en voilà affez fur cet objet. Paffons maintenant à l'éducation des enfans.

Trois cho- Ce qu'on dit ordinairement des fciences rent à rendre & des arts, peut en général s'appliquer. la vertu par à la vertu. Trois chofes concourent à re, l'inftruc- la rendre parfaite la nature, l'inftrucion & l'habi- tion & l'habitude. La nature jette dans tude.

faite la natu

le cœur des enfans les premieres femences de la vertu ; l'inftruction, c'està-dire les préceptes qu'on leur donne les développe; l'exercice les rend plus familiers, & la perfection réfulte de ces trois causes réunies (1). Si une seule

(1) Dans les Editions ordinaires, Plutarque en reprenant les trois caufes qui concourent à former une vertu parfaite, ne parle point de la nature. Heuman, dans l'édition qu'il a donnée à Leipfic de ce Traité particulier, lit ainfi : Elợi δε αἱ μὲν ἀρχαὶ τῆς φύσεως, αἳ δὲ προκοπαὶ τῆς featσews, &c. &c. Il remarque que le contexte prouve évidemment qu'il y a une omiffion de Copifte. Je l'ai fuivi dans ma traduction.

manque à la vertu, elle fera néceffa?? rement imparfaite. La nature fans l'inftruction, eft un guide incertain; l'éducation fans la nature, eft foible & impuissante: sans la nature & fans l'éducation, l'exercice ne produit qu'une vertu mal réglée & défectueufe. Il faut en agriculture, un bon fol, un habile cultivateur, & des femences bien choifies. En éducation, la nature eft le fol, le maître eft le cultivateur, & les préceptes font les femences. Je ne doute point que ces trois caufes n'aient également concouru à former les ames de Pythagore, de Socrate, de Platon & de tous les grands hommes qui fe font acquis, comme eux, une réputation immortelle. Heureux donc celui à qui les Dieux dans leur bonté, ont départi tous ces avantages. Ne croyons pas cependant que ceux qui font moins heureusement nés, ne puiffent, par une éducation foutenue, réparer avantageufement le défaut de la nature. Ce feroit fe tromper étrangement. Si le meilleur naturel fe corrompt, faute de culture, l'éducation réforme auffi ce que le naturel a de vicieux, & il n'eft rien dont le travail & l'exercice ne viennent à bout. Les chofes les plus faciles échappent aux

pouvoir de

fes naturelles.

efprits négligens; l'application fait aifément faifir les plus difficiles.

Preuves du La nature nous en fournit mille exem→ P'habitude, ti- ples. L'eau, en tombant goutte à goutte, rées des cho- creufe les rochers les plus durs ; le feul frottement des mains ufe le fer & l'airain; le bois des roues, une fois plié, ne peut plus reprendre fa premiere forme: il eft impoffible de redreffer ces baguettes recourbées dont les Comédiens fe fervent fur le Théâtre (1). Tant il eft vrai que le travail eft plus fort que la nature, & qu'on ne peut ôter aux corps les formes qu'il leur a fait prendre, & qui leur font les moins naturelles.

N'avons-nous pas fous les yeux bien d'autres preuves de ce pouvoir ? Une

bonne terre devient ftérile faute de culture; elle dégénere même à proportion de la bonté du fol. Eft-elle ingrate? un travail aflidu la rendra bientôt féconde. Quels arbres, fi on les néglige, ne prennent une mauvaise forme

ou

) Les Comédiens fe fervoient fur le Théâtre de baguettes recourbées, femblables à la houlette ou au bâton paftoral des anciens; & Thalie, celle des neuf Mufes qui préfidoit à la Comédie, étoit représentée tenant à la main une de ces baguettes.

ne perdent même leur fertilité naturelle ? Sont-ils bien cultivés? leur tige s'éleve. avec force, & ils portent des fruits en abondance. L'oifiveté, le mauvais régime, & les délices énervent les corps les plus robuftes; l'exercice & le travail fortifient les plus foibles. Les chevaux bien dreffés obéiffent fans réfiftance à la main qui les guide; ceux qu'on n'a point domptés, font indociles & farouches. Ne voit-on pas enfin les animaux les plus féroces s'adoucir par l'éducation qu'on leur donne? On demandoit à un Theffalien, quels étoient les peuples les plus doux de la Theffalie; ce font, répondit-il, ceux qui ne vont plus à la guerre. En un mot, les mœurs (1)

(1) Hees, qui fignifie mœurs, vient, felon Ariftote, du mot és, coutume, habitude, & Plutarque lui donne la même origine dans fon Traité de la Vertu morale. Les auteurs les emploient fouvent l'un pour l'autre. Les mœurs ne font pas comme le caractere, un don de la nature. Celui-ci s'annonce dès le premier âge, & quoique fufceptible de modification, il ne peut jamais changer entierement. Les meurs changent avec l'âge, & on ne peut regarder comme fixées, que lorfque les affections font parfaitement foumifes à l'empire de la raifon & de la fageffe.

les

font-elles autre chofe qu'une longue habitude? Et ne peut-on pas appeller avec raison les vertus morales, des difpofi

tions habituelles de l'ame? Je n'en donVoyez les nerai plus qu'un feul exemple. Lycurgue Dits notables le Légiflateur de Lacédémone, prit moniens. deux jeunes chiens nés d'une même

des Lacédé

mere, & leur fit donner une éducation toute différente. L'un fut élevé dans l'oifiveté & dans la gourmandife, l'autre dreffé à la chaffe & à la courfe. Il af femble enfuite les Lacédémoniens; « Ci» toyens, leur dit-il, rien ne mene plus. » fûrement à la vertu que l'éducation, » l'exercice & l'habitude; je vais vous en » convaincre tout à l'heure.» Alors, il fait paroître ces deux chiens au milieu de l'affemblée ; il place devant eux d'un côté un lievre vivant, & de l'autre un plat rempli de viande. A l'inftant, l'un des chiens courut au levre & l'autre au plat. Les Lacédémoniens ne comprenoient pas encore le deffein de Lycurgue.. « Ces deux » chiens, ajouta-t-il alors, qui ont une origine commune, ayant reçu une édu» cation différente, l'un eft devenu gour» mand, & l'autre chaffeur ». Après ces principes généraux, entron's meres de dans le détail, & paffons à ce qui re

ObFgation où font les

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