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garde la nourriture des enfans (1). Je nourrir leurs Crois d'abord qu'il eft du devoir des tifs de ce de.

enfans.

meres de les allaiter elles-mêmes. Elles voir.
les nourriront avec plus de foin & se
proportionneront davantage à leurs be-
foins. L'amour maternel eft plus tendre
& plus vif; il a fa fource dans le cœur
même, & eft fondé fur la nature (2),
aulieu que les nourrices n'ont qu'une
tendreffe mercenaire (3). La nature in-
dique ce devoir aux meres. Ces fources
de lait qu'elle leur donne, font desti-
nées à la premiere nourriture des en-
fans. Elle ne les a pas même refufées
aux animaux & fa prévoyance a été
jufqu'à leur donner deux mamelles, afin

(1) Le Grec dit fimplement, Il fuit maintenant à parler de la nourriture des enfans: j'ai cru devoir, pour la liaison, lui donner un peu de développement.

(1) Le texte porte, dès les premiers ongles, expreffion proverbiale qui n'auroit point de grace en françois.

(3) Il y a dans le texte eyyρarov, qui fignifie inferit par fraude, expreffion prife d'un ufage des Romains. Ils avoient des Regiftres publics, où tous les Citoyens étoient infcrits & comme immatriculés. Des gens qui n'avoient pas le droit de bourgeoifie, fe faifoient quelquefois inférer par fraude dans cette matricule. V.Cicer Arch. 4, 5.

Mo

que

celles qui auroient deux jumeaux, puffent fournir en même temps à l'un & à l'autre, une nourriture fuffifante. D'ailleurs, les meres qui nourriffent leurs enfans, conçoivent pour eux plus de tendreffe. Et en effet, rien n'eft plus naturel. Ne s'attache-t-on pas plus fortement aux perfonnes avec qui l'on a été nourri? Ne voit-on pas que les animaux mêmes qui ont été élevés enfemble fe quittent qu'à regret? C'est donc, je le répéte, une obligation pour les meres de nourrir elles-mêmes leurs enfans, au moins de l'effayer. Si la foibleffe de leur tempérament, file defir d'une plus grande fécondité les en empêchent, alors elles doivent mettre tous leurs foins, à bien Choix des choifir les nourrices qu'elles en charquel foin on gent (I). Que ce foit des femmes Grec

nourrices;

ne

(1) Plutarque réunit en peu de mots les principaux motifs qui réclament dans le cœur des meres en faveur de ce devoir. L'organisation du corps, le fentiment naturel, les befoins des enfans mieux connus & plus fidélement fuivis, l'accroiffement de la tendreffe maternelle & de la piété filiale. On peut y ajouter, & c'est le motif le plus fort, l'influence néceflaire qu'a la nourriture fur la conftitution phyfique de l'enfant, & delà, parconféquent, fur fes affections, morales. Il y a long-temps que les motifs de cette obligation font connus, &

ter.

ques d'origine & de moeurs. En effet, doit y appor s'il eft néceffaire de façonner les membres des enfans, aufli-tôt après leur naiffance , pour ne leur laifler contrader aucun défaut naturel, on ne peut auffi former trop tôt leur caractere & leurs mours. L'efprit des enfans eft une pâte flexible qui reçoit fans réfiftance toutes les formes qu'on veut lui donner. Une fois fortifiés par l'âge, on les plie difficilement. Les fçeaux fe gravent aifément fur une cire molle; de même, les préceptes qu'on donne à ces efprits encore tendres, s'y impriment facilement, & y laiffent des traces profondes. C'eft pour cela que le divin Platon recommande fi L. 2. Rep expreflément aux nourrices, de ne point entretenir les enfans de contes ridicules qui rempliffent leur efprit d'idées fauffes & abfurdes. Le Poëte Phocylide donne aufli ce fage précepte:

les mœurs.

Cultivons les efprits dès la premiere enfance; Poëme fur Verfons en eux du bien l'heureuse connoiffance.

même applaudis. Ce n'eft plus le préjugé qui la combat, ce font nos mœurs. Le doux foin de nourrir, fi cher à la véritable tendreffe, doit être acheté par des privations auxquelles un amour ordinaire ne veut point le foumet

Des efclaves qu'on place auprès d'eux.

Des Péda

gogues ou

On doit encore par le même motif, choifir avec foin les jeunes efclaves qu'on place auprès des enfans pour les fervir ou pour être élevés avec eux. Il faut premierement qu'ils aient des mœurs pures; en fecond lieu, qu'ils fçachent bien leur langue, & qu'ils la parlent correctement. Des efclaves barbares ou corrompus, communiqueroient aux enfans les vices de leur langage & de leurs moeurs. Un ancien proverbe dit avec raifon, qu'on apprend à boiter avec les boiteux.

Un choix plus important, c'eft celui perfonnes des perfonnes (1) à qui on les confie chargées de au fortir de l'enfance. Quel difcernement

tre. On connoît le devoir; mais on l'immole au plaifir, & l'on s'étourdit fur les conféquences.

(1) Le Grec, dit maidάywyor, des Pédagogues, c'est-à-dire, des perfonnes chargées de conduire les enfans, & ordinairement des efclaves ou des affranchis. Leur emploi étoit d'accompagner les enfans aux Ecoles, & de les conduire par-tout où ils alloient. Ces Pédagogues étoient différens des Maîtres ou Précepteurs chargés d'inftruire & d'élever les Dec. 1.L.. enfans. Quelquefois, cependant, ils avoient

C. 27.

l'un & l'autre emploi, comme on le voit dans Tite-Live, par l'hiftoire du Maître des Falifques, où il remarque que c'étoit auffi l'usage de quelques villes de la Grece, de ne prendre qu'une même perfonne pour conducteur &

au fortir de

ne faut-il pas y apporter, pour ne pas les conduire les livrer à des efclaves qui foient ou l'enfance. des barbares, ou des hommes légers & frivoles. Rien de plus déraifonnable que ce que font à cet égard la plupart des Parens. Ceux de leurs efclaves en qui ils voient de l'intelligence & de la conduite, ils en font des laboureurs, des pilotes, des marchands, des économes ou des banquiers. En ont-ils un que les vices les plus groffiers rendent incapable de tout autre emploi? c'eft entre fes mains qu'ils remettent leurs enfans. Pour moi, je voudrois qu'on les donnât à des hommes du caractere de Phenix qui prit foin de l'enfance d'Achille (1).

pour maître des enfans, & d'en confier plufieurs à un feul. Au refte, les efclaves, chez les anciens, recevoient, lorfqu'ils en étoient capables, une éducation très-diftinguée. Comme leur prix étoit proportionné aux talens qu'ils avoient, les Marchands difcernoient avec foin ceux qui étoient propres aux arts & aux fciences, & ils les leur faifoient apprendre. Les particuliers en ufoient de même. pour ceux qu'ils avoient dans leurs maisons.

(1) On peut voir dans le neuvieme Livre de Iliade, l'hiftoire de Phénix; comment Pelée le choifit pour conduire fon fils, & avec quel foin, quelle tendreffe & quelle patience ce fage Gouverneur l'élevoit.'

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