Après cette courte digreffion qui m'a paru néceffaire, je reprends la fuite de

ris; & les Romains dans les derniers temps de la République, ne négligeoient rien pour procurer à leurs enfans, la meilleure éducation. Souvent, les moins riches étoient ceux qui faifoient les plus grands efforts. Témoin le pere d'Horace, qui, quoique pauvre & affranchi, fit donner à fon fils la même éducation V. Sat. 6 que recevoient les enfans des Sénateurs. On L. 1. a mis depuis long-tems en queftion, fi les fciences avoient gagné à la gratuité de l'enfeignement, qui en facilite aujourd'hui l'accès à tous les états. Il eft même des perfonnes, qui, frappées de la défertion qu'elle occafionne dans les profeffions méchaniques, ont décidé qu'il falloit exclure de la carriere des fciences, les fils des artifans. G'eft, ce me femble, remédier à un excès par un autre. On ne peut nier que la facilité de l'enfeignement, n'enleve aux Arts méchaniques bien des bras utiles, dont les talens trop médiocres pour les fciences, ne dédommagent pas la fociété des pertes qu'elle fait fous un autre rapport. Il feront à défirer que tous les enfans, lorsqu'ils fe préfentent pour les études, au moins pour les dernieres, fuffent foumis à un examen judicieux & impartial, qui fondât leurs forces, & décidât s'ils font propres aux lettres. Il y auroit ainfi moins d'afpirans aux fciences, & plus de vrais Savans. Mais d'exclure des études les fils des Artifans, précisément comme tels, ce feroit une injuftice faite au public & aux particuliers, & contre laquelle réclame hautement l'expérience de tous les fiecles. Platon,

mes principes. On doit porter les enfans à l'amour du bien, par la douceur & la perfuafion, jamais par des punitions dures & humiliantes, qui conviendroient fout au plus à des efclaves, & non à des enfans de condition libre. Les mauvais traitemens & les affronts les découragent, & les rebutent. Les éloges & les reproches réuffiffent bien mieux que la rigueur & la févérité. Les uns les portent au bien, les autres les détournent du mali Il faut donc en ufer tour à tour: s'ils fe laiffent aller à une confiance préfomptueufe, humilier leur orgueil par des reproches falutaires, & relever enfuite leur courage par des louanges bien ménagées; comme les nourrices, après avoir fait pleurer leur enfant, le confolent, en lui préfentant la mamelle. Mais qu'on évite auffi de les enorgueillir par des louanges exceffives qui les rempliroient d'amour-propre & de vanité.

ifu des Rois d'Athênes, avoit été formé par Socrate, le fils d'un pauvre Sculpteur. Virgile étoit fils d'un Laboureur ou d'un Berger; Horace d'un Affranchi. Parmi nous, le Cardinal d'Offat, Amyot, le célebre Gerfon, le grand Rouffeau, Rollin, & tant d'autres, étoient tous des fils d'Artifans. La plus haute noblesse auroit peine à compter beaucoup de noms aufi célébres dans le genre dont nous parlons.

Ne pas les furcharger de

Au refte, je connois des peres, qui, pour trop aimer leurs enfans, en font travail. réellement les ennemis (1). Il en eft, par exemple, qui trop jaloux de leur voir faire les progrès les plus rapides, & obtenir en tout une fupériorité marquée, les furchargent d'un travail forcé dont le poids les accable. Il en résulte un découragement qui leur rend les fciences odieufes. Les plantes modérément arrofées, croiffent facilement; une eau trop abondante en étouffe le germe. Ainfi Fame fe nourrit & fe fortifie par un travail bien ménagé; l'excès l'accable,& éteint fes facultés. Il faut donc donner du relache aux enfans, & fe fouvenir que tout, dans la vie humaine, eft partagé entre l'action & le repos. On veille le jour & on dort la nuit. La paix fuccede à la guerre, & le calme à la tempête. Les jours de travail font interrompus par des jours de fête en un mot le repos eft l'affaifonnement du travail, Nous en voyons la preuve, non-feulement dans les êtres animés, mais encore dans les chofes infenfibles. Les arcs & les lyres ont befoin d'être détendas, pour nous fervir uțile- .

(1) Le Grec ajoute je rendrai plus fen fible par un exemple, ce que je veux dire,

Les parens doivent avoir

cation de

leurs enfans.

par

ment. Enfin, le corps ne fe conferve que la viciffitude du befoin & de la nourriture, & l'efprit ne fe foutient que par l'alternative de l'action & du repos. Au refte, je ne puis m'empêcher de Pail fur l'édu- blâmer ces parens, qui, après avoir confié leurs enfans à des Gouverneurs, croient que tout eft fait pour eux & n'affiftent jamais aux leçons qu'on leur donne. Ils manquent, fans doute à un devoir effentiel. Ne devroient-ils pas juger par euxmêmes des progrès de leurs enfans, & ne pas s'en repofer entierement fur des hommes fouvent conduits par un efprit mercenaire? Les Gouverneurs en feroient plus vigilans & plus attentifs, s'ils avoient de tems en tems des témoins de leur maniere d'inftruire; & c'eft ici qu'on peut Xenoph. L. appliquer le bon mot d'un Ecuyer: que 5. des Econo- rien n'engraiffe plus promptement un miq, cheval, que l'œil du maître.

Néceffité Il eft très-utile aux jeunes gens, & d'exercerleur fur-tout dans le premier âge, d'exercer

mémoire.

leur mémoire. Cette faculté eft comme le tréfor des sciences. C'eft pour cela que les anciens ont feint que les Mufes étoient filles de Mnémofyne Déeffe de la mémoire ; ils vouloient par-là nous faire entendre que rien ne contribue tant que la mémoire, à nourrir & orner l'efprit. Il

faut donc la cultiver avec foin dans les enfans, qu'ils l'aient bonne ou mauvaise. L'exercice fortifiera dans les uns le don de la nature; dans les autres, il en réparera le défaut. Les premiers l'emporteront fur leurs émules, les feconds parviendront peu peu à fe furpaffer euxmêmes. Croyons-en Héfiode:

à

Peu, souvent répété, fait bientôt une fomme.

On fentira le prix de la mémoire, en penfant combien elle eft à la fois utile pour les fciences, & pour les affaires de la vie civile. Le fouvenir de ce qui a été fait, fert fouvent de regle & de confeil pour ce que l'on doit faire.

Qu'on veille à ce que les enfans ne tien- Veiller à ce nent que des difcours décens & modeftes; qu'ils ne tien nent que des c'est encore un objet effentiel dans l'édu- difcours honcation. La parole eft, felon Démocrite (1), nêtes. l'ombre de l'action. Qu'on les accoutume Qu'ils foient auffi à être affables & honnêtes. Rien ne doux & affarend plus odieux que des manieres dures. & hautaines ; & un moyen sûr de fe

(1) C'est le fameux Abdéritain Démocrite, contemporain de Socrate, & qui fut le vrai fondateur de la fecte à laquelle Epicure donna depuis fon nom, On fait qu'il rioit fans ceffe des vices des hommes, bien différent en cela d'Héraclite qui en pleuroit toujours.

bles.