Imágenes de páginas
PDF
EPUB

et qu'ils auraient fait d'Atouaï, d'Oouaïhy ou d'une des terres voisines, un lieu de rafraîchissement pour les vaisseaux qui vont, chaque année, d'Acapulco à Manille; elles se trouvent presque à mi- chemin entre Acapulco et Guam, le seul port où ils relâchent dans la traversée du grand Océan, et ils n'auraient pas allongé leur route d'une semaine ; ils auraient même pu s'y reposer sans courir le moindre danger de laisser passer le temps favorable à leur traversée, car le vent alisé de l'est exerce son action sur l'espace qu'elles occupent. La connaissance de cet archipel n'eût pas été moins favorable à nos flibustiers, qui se rendirent quelquefois de la côte d'Amérique aux Ladrones, ayant à peine assez de vivres et d'eau pour ne pas mourir de faim et de soif; ils y auraient trouvé des vivres en abondance, et dans un mois d'une navigation sûre, ils auraient atteint la partie de la Californie que le galion de Manille est obligé de reconnaître ; s'ils n'avaient pas rencontré le galion, ils auraient pu retourner bien radoubés à la côte d'Amérique, après une absence de deux mois. Enfin, combien lord Anson se serait cru heureux, et de combien de fatigues et de peines il se serait affranchi, s'il eût su qu'à mi- chemin, entre l'Amérique et Tinian, il se trouve un groupe d'îles en état de fournir à tous ses besoins! L'historien de son voyage en aurait fait une description plus agréable que celle dont je viens de donner l'esquisse.

[ocr errors]

CHAPITRE VI.

Récit des opérations de la Résolution et de la Découverte, durant leur seconde campagne au nord, Retour en Angleterre par la route de Canton et du cap de Bonne-Espérance.

LES vaisseaux anglais partirent des îles Sandwich, le 15 mars 1779, et après des recherches et une navigation dont les détails n'entrent pas dans le plan de cet Abrégé, la Résolution arriva le 28 avril, devant la baie d'Avatcha au Kamchatka.

« Nous n'aperçûmes pas, dit le capitaine King, plus de trente maisons en tout, et malgré le respect, que nous voulions avoir pour un Ostrog russe, leur position nous obligea de conclure que c'était Per tro-Pavlovska. Au reste, je dois rendre justice à l'hospitalité généreuse que nous rencontrâmes ici, et je dirai d'avance, pour satisfaire la curiosité du lecteur, que si nous nous étions mépris sur la beauté, de la ville, nous ne nous attendions pas à y être si bien traités. En effet, à cette extrémité du monde, plus pauvre et d'un aspect plus sauvage que tout ce. qu'on peut concevoir, où la civilisation n'a aucun moyen de pénétrer; dans cette région barricadée. de glaces et couverte de neige, même pendant l'été; dans ce misérable port, bien inférieur, au

dernier de nos bourgs de pêcheurs, nous trouvâmes une sensibilité, une grandeur d'âme et une élévation de sentimens qui honoreraient la nation la plus éclairée, établie sous le climat le plus heureux.

<< Durant la nuit, la marée fit dériver beaucoup de glaces près de nous: on me chargea, à la pointe du jour, d'aller avec les canots examiner la baie, et de remettre au commandant russe les lettres qu'on nous avait données à Ounalachka. Je fis ramer vers le village, et après m'y être avancé aussi loin qu'il fut possible avec les embarcations, je descendis sur la glace qui s'étendait à près d'un demi-mille de la côte. M. Webber et deux matelots m'accompagnèrent. Sur ces entrefaites, le master emmena la pinasse et la chaloupe; il acheva la reconnaissance de la baie, et il me laissa le petit canot pour retourner à bord.

« Je crus que les habitans n'avaient vu ni la Résolution ni les canots; car nous n'aperçûmes pas une seule personne dans la bourgade, même après notre descente. Quand nous eûmes fait un peu de chemin sur la glace, nous découvrîmes un petit nombre d'habitans qui s'avançaient et reculaient, et bientôt après un traîneau conduit par des chiens, et portant un seul homme, arriva sur la plage en face de nous. Tandis que nous examinions cette voiture singuFière, et que nous admirions la politesse de cet étranger, auquel nous supposions le projet de nous

donner du secours, il retourna brusquement son traîneau après nous avoir regardés quelque temps avec beaucoup d'attention, et il reprit à la hâte le chemin de l'ostrog. Ce brusque départ nous sur prit et nous affligea; car nous commencions à trouver notre course sur la glace très-difficile et même dangereuse. A chaque pas, nous enfoncions dans la neige presque jusqu'au genou; et quoique le fond füt assez solide, ne pouvant découvrir les parties faibles de la glace, nous courions risque à tous les momens de l'enfoncer et de tomber dans la mer. C'est ce qui m'arriva ; je voulus passer trèsvite sur un endroit suspect afin de le presser avec moins de force: avant de pouvoir m'arrêter, je me trouvai sur un autre aussi dangereux qui rompit sous moi, et je coulai bas. Par bonheur je me débarrassai de la glace qui m'environnait, et l'un des matelots qui était à peu de distance, me jeta une gaffe qu'il tenait: j'établis cette gaffe en travers de quelques glaçons flottans placés près de moi, et je vins à bout de me relever e

J

« A mesure que nous approchions de la côte, nous trouvions, contre notre attente, le glace plus rompue qu'elle ne l'avait été auparavant. Nous eûmes cependant la satisfaction de voir un autre traîneau qui venait vers nous; mais au lieu de voler à notre secours, le conducteur s'arrêta, et il se mit à nous faire des questions que nous ne comi prenions pas. Je voulus lui jeter les lettres d'Ismy

loff, et au lieu de les prendre, il s'en retourna à la hâte : je crois que les imprécations de ma petite troupe l'accompagnèrent. Ne sachant qu'imaginer. d'après cette étrange conduite, nous continuâmes avec beaucoup de circonspection notre marche vers l'ostrog, et quand nous en fûmes à un quart de mille, nous aperçûmes un corps d'hommes armés qui s'avançait vers nous. Afin de leur donner le moins d'alarme qu'il serait possible, et de montrer les dispositions les plus pacifiques, j'ordonnai aux deux matelots qui portaient des gaffes de se tenir derrière, et nous nous avançâmes, M. Webber et moi. Le détachement russe, composé d'environ trente soldats, était conduit par un homme de bonne mine, qui avait une canne à la main. Il s'arrêta à quelques pas de nous, et il rangea sa troupe en bataille. Je lui remis les lettres d'Ismyloff; je tâchai de lui faire comprendre que nous étions Anglais, et que nous avions apporté ces papiers d'Ounalachka; mais je sus par la suite qu'il ne m'avait pas compris. Après nous avoir examinés bien attentivement, il nous fit prendre la route du village il nous mena en silence et avec beaucoup d'appareil; il ordonna souvent à sa petite troupe de s'arrêter et d'exécuter diverses évolutions; vraisemblablement afin de nous montrer que si nous étions assez téméraires pour employer la violence, nous aurions à combattre des hommes qui savaient leur métier.

1

« AnteriorContinuar »