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en observant le cérémonial accoutumé. On étrangla ensuite le cochon; on alluma du feu, et on jeta l'animal dans des cendres chaudes; lorsqu'on en eut enlevé les soies, on vint le présenter de nouveau à notre commandant, avec les chants, l'appareil et la pompe de la première offrande. On le tint quelques momens sous son nez, on le déposa ensuite à ses pieds, ainsi qu'un coco, et les acteurs de la cérémonie s'assirent. On fit de l'ava, et on distribua cette boisson à la ronde : on apporta alors un cochon gras, bien cuit, et on nous en mit des morceaux dans la bouche, ainsi que les insulaires l'avaient déjà fait à notre premier débarquement.

« Depuis cette époque, toutes les fois que le capitaine descendit à terre, il fut accompagné de l'un des prêtres, qui marchait devant lui, qui avertissait qu'Orono avait débarqué, et il ordonnait au peuple de se prosterner la face contre terre. L'un d'eux ne manqua jamais non plus de l'accompagner sur son canot ; il se ten ait à l'arrière, une baguette à la main, et il avertissait de l'approche de notre commandant les insulaires qui se trouvaient dans leurs pirogues les rameurs abandonnaient à l'instant leurs pagaies, et ils se couchaient jusqu'à ce qu'il eût passé. S'il s'arrêtait à l'observatiore, Kaïrikia et ses confrères arrivaient tout de suite avec des cochons, des cocos, du fruit à pain, etc., qu'ils lui offraient en observant le cérémonial ordinaire. Ce fut dans ces occasions que des chefs inférieurs

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nous demandèrent souvent la permission de présenter une offrande à l'Orono : lorsque nous le leur permettions, ils offraient un cochon d'un air qui annonçait la timidité et la frayeur : sur ces entrefaites, Kaïrikia et les prêtres chantaient leurs hymnes.

Les politesses de cette société de prêtres ne se bornèrent pas cependant à de pures cérémonies et à de vaines parades; ils donnèrent chaque jour des cochons et des végétaux à ceux d'entre nous qui se trouvaient à terre, et ils envoyaient avec la même exactitude diverses pirogues chargées de provisions. Ils ne demandèrent jamais rien en retour, et jamais ils n'insinuèrent d'une façon indirecte qu'ils désiraient quelques présens de notre part. La régularité des leurs annonçait plutôt l'accomplissement d'un devoir religieux que la simple libéralité; et lorsque nous voulûmes savoir quel était l'individu ou le corps qui nous traitait avec tant de magnificence, on nous répondit qu'un grand personnage, appelé Kaou, chef des prêtres, et aïeul de Kaïrikia, qui voyageait avec le roi, faisait tous ces frais.

« L'affreux malheur qui nous arriva dans cette fle, devant inspirer beaucoup d'intérêt au lecteur sur tout ce qui est relatif au caractère et à la con-→ duite de ce peuple, il est à propos de dire que nous n'avions pas lieu d'être aussi contens des chefs guerriers ou des éris, que des prêtres. Dans toutes

les occasions, nous reconnûmes que les premiers s'occupaient de leurs propres intérêts, et outre les vols habituels qu'ils se permettaient, et qu'on peut excuser en quelque sorte, vu l'universalité de ce défaut parmi les insulaires du grand Océan, nous les trouvâmes coupables de quelques artifices aussi déshonorans. Je ne citerai qu'un délit, dont notre ami Koah était le principal complice. Comme les chefs qui nous apportaient des présens de cochons, s'en retournaient toujours avec une récompense honnête, nous en recevions pour l'ordinaire une quantité plus considérable que celle que nous pouvions consommer. Koah, qui alors ne manquait jamais d'arriver près de nous, avait coutume de demander des choses dont nous n'avions pas besoin, et il était sûr de les obtenir. Un homme qu'il nous présenta comme un chef qui voulait nous rendre ses devoirs, nous offrit un jour un petit cochon; nous reconnûmes que ce cochon avait été donné à Koah un moment auparavant. Cette observation nous donnait lieu de soupçonner du manége; nous sûmes, après quelques recherches, que ce prétendu chef était un homme du peuple, et ce fait, rapproché de plusieurs autres pareils, nous donna lieu de penser que nous avions déjà été trompés de la même manière.

<< Nos affaires demeurèrent jusqu'au 24 dans la même position : nous fûmes très-surpris, ce jourlà, de voir qu'on ne permettait à aucune embar

cation de partir de la côte, et que les naturels se tenaient près de leurs cabanes. Après quelques heures d'attente nous apprîmes que l'arrivée de Terriobou avait fait tabouer la baie, et défendre toute espèce de communication avec nous. Nous n'avions pas prévu les incidens de cette espèce, et les équipages de la Résolution et de la Découverte n'eurent pas ce jour-là les végétaux qu'on leur servait ordinairement. Nos gens employèrent le lendemain les menaces et les promesses afin de déterminer les naturels à venir le long des vaisseaux : quelques-uns eurent enfin la hardiesse de se mettre en route; mais nous aperçûmes un chef qui s'y opposa. Ne voulant pas qu'il exécutât son projet, nous tirâmes tout de suite un coup de fusil qui produisit. l'effet que nous en espérions, et bientôt après nous pûmes acheter des rafraîchissemens. Nous reçûmes l'après-midi la visite de Terriobou; il n'avait avec lui qu'une pirogue dans laquelle se trouvait sa femme et ses enfans. Il demeura à bord jusqu'à près de dix heures, et il retourna au village de Kaouroua.

« Le 26, à midi, le roi s'embarqua sur une grande pirogue, et étant parti du village avec deux autres de sa suite, il prit en pompe la route des vaisseaux. Son cortége avait de la grandeur et une sorte de magnificence. La première embarcation était montée par Terriobou et ses chefs, revêtus de leurs casques et de leurs riches manteaux de

XXIV.

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plumes, et armés de longues piques et de dagues: la seconde portait des prêtres, le respectable Kaou, un de leurs chefs, avec des idoles chamarrées d'étoffes rouges. Ces idoles étaient des bustes d'osier, d'une proportion gigantesque, chargés de petites plumes de diverses couleurs, travaillées de la même manière que leurs manteaux : de gros morceaux de nacre de perle, et une noix noire fixée au centre, représentaient les yeux ; leurs bouches étaient garnies d'une double rangée de dents incisives de chien, et l'ensemble de la physionomie offrait des contorsions bizarres. Des cochons et divers végétaux remplissaient la troisième pirogue. Durant la marche, les prêtres, occupant la pirogue du centre, chantaient des hymnes avec beaucoup de gravité; et après avoir pagayé autour des vaisseaux, ils ramèrent vers la plage où j'étais à la tête de mon détachement, au lieu d'aller à bord comme nous nous y attendions.

ils

« Dès que je le vis approcher, j'ordonnai à ma petite troupe de se mettre en bataille pour recevoir le roi. Le capitaine ayant remarqué que ce prince venait à terre, le suivit, et il arriva presque au même instant. Je les conduisis dans la tente; y furent à peine assis que le prince se leva, et jeta d'une manière gracieuse sur les épaules de notre commandant le manteau qu'il portait; il lui mit aussi un casque de plumes sur la tête et un éventail eurieux dans les mains, et étendit ensuite à ses

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