Imágenes de páginas
PDF
EPUB

au sommet de quelques montagnes très-élevées, la neige avait disparu, et une belle verdure couvrait leurs flancs, qui, en plusieurs endroits, étaient bien boisés.

« Les vaisseaux s'éloignèrent de la côte de Kamtchatka le 18 juin, et ils firent route au nord. Après avoir relevé quelques-unes des côtes du Kamtchatka, et du pays des Tchoutskis et des Koriaques, ils se trouvèrent le 21 juillet par 69° 34′ de latitude et 167° de longitude ouest : ils étaient environnés et arrêtés de tous côtés par les glaces; et c'est à ce point qu'ils terminèrent pour la seconde fois leurs recherches du passage au nord.

« Un champ de glace fixe et compacte rendant inutiles tous nos efforts, dit le capitaine King, pour approcher de la terre, et paraissant joint au continent de l'Amérique, nous dîmes adieu au projet de revenir en Angleterre par le nord - est. Le capitaine Clerke va exposer lui-même les motifs qui le déterminèrent à changer de route, et le plan de navigation qu'il forma alors : les lecteurs doivent l'écouter avec d'autant plus d'intérêt que 'ce sont les derniers détails que sa santé lui ait permis d'écrire.

<< Il est maintenant impossible de pénétrer plus avant au nord sur cette côte, et il est hors de toute vraisemblance que le reste de l'été puisse fondre cet amas prodigieux de glaces; il paraît qu'elles offriront toujours une barrière insurmontable à chacune

des tentatives que nous pourrions former. Je crois donc qu'il n'y a rien de mieux à faire pour le bien du service que de passer à la côte d'Asie, et de chercher sur cette route quelque ouverture qui nous mène plus loin; s'il n'y a point d'ouverture, de voir s'il est possible de passer le long de cette côte, où il est bien difficile d'espérer un meilleur succès; car la mer est maintenant si embarrassée de glaces, que l'impossibilité du passage me paraît absolument hors de doute. »

Les vaisseaux se portèrent en effet vers la côte d'Asie; ce ne fut que le 27 juillet que le capitaine Clerke se détermina à abandonner ses recherches du côté de l'Asie, ainsi qu'il les avait abandonnées du côté de l'Amérique. Nous n'avons pu indiquer les fatigues et les dangers de cette campagne, et il faut que le lecteur se contente du

résultat.

<<< Il était nécessaire alors, dit le capitaine King, de prendre une résolution sur la route que nous devions tenir, et le capitaine envoya les charpentiers à bord de la Découverte, afin de connaître en détail les avaries que les glaces lui avaient causées quatre jours auparavant. Le capitaine Gore et les charpentiers des deux vaisseaux pensèrent qu'il faudrait trois semaines pour le radoub, et qu'il serait indispensable d'y travailler dans un port. << Voyant que la mer fermée " par les glaces, ne nous permettait pas de nous élever davantage au

nord, ou d'approcher plus près de l'un ou l'autre. des continens, nous jugeâmes qu'il serait contraire au bien du service d'exposer les deux vais

et inutile au but de notre expédition de faire de nouvelles tentatives pour découvrir un passage au nord-est ou au nord-ouest. Ces motifs, joints aux représentations du capitaine Gore, déterminèrent le capitaine Clerke à ne plus perdre de temps sur des projets dont l'exécution était impossible, mais à gagner la baie d'Avatcha, afin de nous y réparer, et de reconnaître la côte du Japon avant que l'hiver nous ôtât les moyens de faire des découvertes.

que

la

« Je ne dissimulerai pas la joie qui se peignit sur la physionomie de chacun de nous dès résolution du capitaine Clerke fut connue. Nous étions tous fatigués d'une navigation très-dangereuse, où la persévérance la plus opiniâtre n'avait pas été suivie de la plus légère apparence de succès. Nous courions les mers depuis trois ans ; et malgré les ennuyeuses campagnes que nous avions encore à faire, et l'immense espace qu'il nous fallait parcourir, nous tournâmes nos regards vers notre patrie avec un plaisir et une satisfaction aussi réelle que si nous avions déjà vu les côtes d'Angleterre.

« Si le capitaine Cook avait vécu à cette époque; și, après une seconde tentative, il avait reconnu l'impossibilité du passage du nord-est ou du nordouest du grand Océan dans l'océan Atlantique, il

3

aurait sans doute mis sous les yeux du public un résultat général des obstacles qui ont fait manquer cet objet principal de notre expédition, et il aurait ajouté ses observations sur un sujet si important, qui fixe l'attention et qui partage les opinions des philosophes et des navigateurs depuis plus de deux siècles. Je sens combien je suis incapable de le remplacer ici; mais afin de répondre en partie à l'at tente du lecteur, je vais lui communiquer quelques remarques, que je le prie de recevoir avec indulgence.

« Il est très-probable qu'il ne peut y avoir de passage au nord-ouest de la mer Atlantique dans le grand Océan, au sud du 65o parallèle. Si donc il existe réellement un passage, ce doit être dans l'hémisphère occidental près de la baie de Baffin, ou en doublant la partie septentrionale du Groënland, ou bien dans l'hémisphère oriental par la mer Glaciale, au nord de la Sibérie ; et de quelque côté qu'il se trouve, les navigateurs doivent traverser le détroit de Behring. Il ne s'agit donc plus que d'examiner s'il est impossible de pénétrer dans la mer Atlantique par ce détroit, soit de l'un, soit de l'autre côté.

« D'après le résultat de nos deux campagnes, il paraît que la mer située au nord du détroit de Behring offre moins de glaces au mois d'août qu'au mois de juillet, et peut-être même qu'elle est plus libre encore au mois de septembre. Mais après

l'équinoxe, les jours diminuent si promptement, qu'il ne faut plus espérer le dégel, et il ne serait pas raisonnable de supposer que les chaleurs de la première quinzaine de septembre disperseront les glaces qui se trouvent sur les parties les plus septentrionales de la côte d'Amérique. En adoptant cette supposition, on conviendra toutefois qu'il y aurait de la folie à essayer de se rendre du cap Glacé aux parties connues de la baie de Baffin, c'est-à-dire de faire une route de quatre cent vingt lieues dans un espace de temps aussi court que celui où le passage serait ouvert.

« La côte d'Asie offre encore moins d'apparence de succès; on en sera persuadé comme moi, si on examine nos observations sur l'état de la mer, au sud du cap nord-est, et les détails que nous ont procurés sur la Sibérie les lieutenans de Behring (1) et le journal de Chalaouroff.

« Si le voyage de Dechneff est authentique, il prouve sans doute la possibilité de doubler la pointe nord-est de l'Asie; mais si l'on songe que depuis ce navigateur il s'est écoulé un siècle et demi; que durant cet intervalle, et à des époques où l'esprit humain était si curieux et si entreprenant, personne n'a encore pu faire la même route, on formera peu d'espérance sur les avantages qui pourraient en résulter. Si l'on suppose même que, durant une

(1) Voyez GMELIN, pages 369-374.

« AnteriorContinuar »