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1.24

DE

L'HISTOIRE GÉNÉRALE

DES VOYAGES.

CINQUIÈME PARTIE.

VOYAGES AUTOUR DU MONDE ET DANS LE GRAND OCÉAN.

SUITE DU TROISIÈME VOYAGE DU CAPITAINE

COOK.

CHAPITRE V.

Seconde reláche aux tles Sandwich. Récit de la mort du capitaine Cook. Remarques sur ces îles et sur leurs habitans.

« Dès que les habitans s'aperçurent que nous voulions mouiller dans la baie (c'est le capitaine King (1) qui parle), ils vinrent près de nous: la

(1) Je remarquerai avec douleur que le capitaine King n'a

XXIV.

foule était immense. Ils témoignèrent leur joie par des chants et des cris, et ils firent toutes sortes de gestes bizarres et extravagans. Ils ne tardèrent pas à couvrir les côtés, les ponts et les agrès des deux vaisseaux; une multitude de femmes et de petits garçons, qui n'avaient pu se procurer des pirogues, arrivèrent à la nage, en formant sur la surface de la mer de vastes bancs. La plupart, ne trouvant point de place à bord, passèrent la journée entière à se jouer au milieu des vagues.

<< Parmi les chefs qui vinrent sur la Résolution, nous distinguâmes un jeune homme appelé Paria; nous reconnûmes bientôt qu'iljouissait d'une grande autorité. Lorsqu'il se présenta devant le capitaine Cook, il dit qu'il était djakani (1) du roi de l'île ; que le prince était occupé à une expédition militaire à Mooui, et qu'il devait arriver dans trois ou quatre jours. Quelques présens l'attachèrent complétement à nos intérêts, et il nous servit beaucoup pour contenir ses compatriotes. Nous aperçûmes bientôt que la Découverte, surchargée d'insulaires, penchait trop d'un côté, et que son équipage ne

pas survécu long-temps à la publication du troisième Voyage de Cook. Il est mort à Nice en 1784.

(1) Nous rencontrâmes ensuite plusieurs autres insulaires qui portaient le même titre; mais nous n'avons jamais pu savoir d'une manière précise si le terme de djakani désigne un emploi ou un degré d'alliance ou de parenté avec le roi.

pouvait écarter la foule nombreuse qui continuait

à

y entrer. Le capitaine Cook, craignant les suites de cet empressement, fit part de ses inquiétudes à Paria. Celui-ci se rendit sur-le-champ auprès du capitaine Clerke; il chassa un assez grand nombre de ses compatriotes, et il obligea les pirogues à se tenir à une certaine distance.

« Cet incident nous fit juger que les chefs, ont sur le bas peuple un pouvoir très-despotique : nous en eûmes le même jour un autre exemple arrivé à bord de la Résolution. La foule y était si considérable, que les matelots ne pouvaient faire le service, et nous fùmes obligés de recourir au chef Kaninê, qui, ainsi que Paria, s'était attaché au capitaine Cook. Lorsque nous lui eûmes expliqué l'embarras où nous nous trouvions, il ordonna tout de suite à ses compatriotes de sortir du vaisseau, et nous fùmes très-surpris de les voir sauter à la mer sans hésiter un moment. Un seul homme ayant essayé de se cacher, et ne paraissant pas disposé à obeir, Kaninê le prit de force et le précipita, au milieu des vagues.

« Ces deux chefs étaient d'une staturé forte et bien proportionnée, et d'une physionomie trèsagréable; Kaninê surtout était un des plus beaux hommes que j'aie jamais vus. Il avait environ six pieds de haut, des traits réguliers et pleins d'expression, des yeux vifs et noirs, le maintien aisé, ferme et gracieux.

« Les habitans s'étaient jusqu'à ce moment conduits avec beaucoup de loyauté et de droiture envers nous, et n'avaient pas montré la plus légère disposition au vol. Nous en avions été d'autant plus étonnés, que nous ne communiquions guère qu'avec des gens des dernières classes, c'est-à-dire avec des domestiques ou des pêcheurs. Il n'en fut plus de même. La multitude immense des insulaires qui remplissait chaque partie des vaisseaux leur procura des occasions fréquentes de nous piller sans risque d'être découverts; et comme ils étaient trèssupérieurs en nombre, ils espéraient sans doute que leurs vols demeureraient impunis, si nous venions à nous en apercevoir. Nous attribuâmes d'ailleurs ce changement de conduite à la présence et à l'encouragement de leurs chefs; car, en général, nous trouvâmes dans les mains des grands personnages de l'île les choses qu'on nous avait dérobées, et nous eûmes bien des raisons de croire que larcins avaient été commis à leur instigation.

les

« La Résolution fut à peine au mouillage, que nos deux amis Paria et Kaninê amenèrent à bord un troisième chefnommé Koah, qui, selon ce qu'on nous dit, était prêtre, après avoir été dans sa jeunesse un guerrier distingué. C'était un petit vieillard fort maigre; il avait les yeux très-rouges et trèsmalades, et le corps couvert d'une gale blanche, lépreuse, effet d'un usage immodéré de l'ava. On le conduisit dans la grande chambre, et il s'ap

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