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procha avec beaucoup de respect du capitaine Cook; il lui jeta sur les épaules un morceau d'étoffe rouge qu'il avait apporté; il fit quelques pas en arrière, et il lui présenta un petit cochon, qu'il tint dans ses mains en prononçant un long discours. Cette cérémonie fut souvent renouvelée durant notre séjour à Óouaïhy, et nous parut, d'après plusieurs circonstances, une sorte d'adoration religieuse. Nous vîmes toujours leurs idoles revêtues d'une étoffe rouge pareille à celle qu'on avait mise sur le capitaine Cook, et ils offraient ordinairement de petits cochons aux eatouas. D'ailleurs, ils récitaient leurs discours ou leurs prières avec une prestesse et une volubilité qui semblaient indiquer un formulaire établi.

« Quand cette cérémonie fut achevée, Koah dîna avec le capitaine Cook ; il mangea avidement tout ce qu'on lui servit. Aussi réservé que les autres habitans des îles de ces mers, nous ne pûmes le déterminer à goûter une seconde fois de notre vin ou de nos liqueurs fortes. Le capitaine alla le soir à terre, et nous l'accompagnâmes, M. Bayley et moi. Nous débarquâmes sur la grève, et nous fùmes reçus par quatre hommes qui portaient des baguettes garnies de poil de chien à l'une des extrémités; ils marchèrent devant nous, en déclamant à haute voix une phrase très-courte, dans laquelle nous ne distinguâmes que le mot orono (1). La

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(1) Les habitans d'Oouaïhy donnaient en général ce nom

foule qui s'était assemblée sur le rivage se retira dès qu'elle nous vit approcher, et nous n'aperçûmes personne, si j'en excepte un petit nombre d'insuJaires prosternés la face contre terre aux environs des huttes du village voisin.

« Avant de parler des hommages religieux qu'on rendit au capitaine, et des cérémonies singulières avec lesquelles il fut reçu sur cette île funeste, il est nécessaire de décrire le moraï situé à la côte méridionale de la plage de Kakoua. C'était une construction de pierre, solide et carrée, d'environ cent vingt pieds de long, de soixante de large et de quarante de hauteur; le sommet, aplati et bien pavé, était entouré d'une balustrade de bois, sur laquelle on voyait les crânes des captifs sacrifiés à la mort des chefs du pays; le centre de l'édifice offrait un vieux bâtiment de bois tombant en ruine, et réuni de chaque côté à la balustrade par un mur de pierre qui divisait en deux parties l'espace vide. Le côté qui faisait face à l'intérieur du pays présen tait cinq poteaux de plus de vingt pieds d'élévation qui soutenaient un échafaud d'une forme irrégu

au capitaine Cook; mais nous n'avons pu en découvrir la signification précise. Ils l'appliquent quelquefois à un être invisible, qui, disent-ils, habite les cieux. Nous reconnûmes aussi que c'est le titre d'un grand personnage très-puissant dans l'île, lequel a de l'analogie, avec le dalaï-lama des Tartares, et l'empereur ecclésiastique du Japon.

lière : il y avait au côté parallèle à la mer deux petites maisons communiquant l'une à l'autre par un chemin qu'un pavillon défendait des injures de l'air.

« Koah nous mena au sommet de cet édifice par un chemin d'une pente douce, qui commençait au bord de la grève, et aboutissait à l'angle nord-ouest de la cour du bâtiment. Nous aperçûmes à l'entrée deux grosses figures de bois dont les traits du visage offraient des contorsions bizarres; une longue pièce de bois sculptée en forme de cône renversé s'élevait du sommet de leurs têtes, et le corps était enveloppé d'une étoffe rouge. Nous y rencontrâmes un jeune homme d'une haute taille qui avait la barbe fort longue; il présenta cès figures au capitaine, et après avoir chanté, de concert avec Koah, une espèce d'hymne, il nous conduisit à l'extrémité du moraï, où étaient les cinq poteaux dont j'ai parlé. Douze figures étaient rangées en demi-cercle au pied de ces poteaux, et devant la figure du milieu s'élevait une haute table qui ressemblait exactement aux ouhattas des Taïtiens: Sur cette table était étendu un cochon pourri, et au-dessous on voyait des morceaux de cannes à sucre, des cocos, du fruit à pain, des bananes et des patates. Koah ayant placé le capitaine sous la table, prit le cochon entre ses mains; et après avoir adressé à notre commandant un second discours aussi long que le premier, et prononcé avec

beaucoup de véhémence et de rapidité, il laissa tomber le cochon par terre. Il engagea ensuite le capitaine à monter sur l'échafaud; ils y montèrent l'un et l'autre, non sans avoir couru de grands risques de se laisser tomber. Dix hommes qui apportaient un cochon en vie et une grande pièce d'étoffe rouge, arrivèrent alors en silence et en procession à l'entrée du sommet du moraï; ils s'arrêtèrent lorsqu'ils eurent fait quelques pas, et ils se prosternèrent. Kaïrikia, le jeune homme dont je parlais tout à l'heure, alla à leur rencontre; et ayant reçu l'étoffe rouge, il l'apporta à Koah, qui cp revêtit le capitaine, et qui lui offrit ensuite un cochon en observant le même cérémonial.

«Tandis que notre commandant était sur l'échafaud, emmaillotté dans l'étoffe rouge, et ayant peine à se tenir sur des morceaux de bois pourris, Kairikia et Koah chantèrent quelquefois tous deux ensemble, et d'autres fois alternativement. Cette partie de la cérémonie fut très-longue. Koah laissa enfin tomber le cochon, et descendit avec le capitaine. Il le mena auprès des douze figures; et après avoir dit quelque chose à chacune d'un air ricaneur, et fait claquer ses doigts à mesure qu'il passa devant elles, il le conduisit à celle du centre, pour laquelle les naturels semblaient avoir plus de respect que pour les autres, puisqu'elle était couverte d'une étoffe rouge. Il se prosterna devant cette figure, et il la baisa. Le capitaine, à qui on dit.

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d'en faire autant, se conforma à tout ce que lui prescrivit Koah.

« On nous ramena à l'autre division du moraï, où il y avait un espace de dix ou douze pieds en carré, creusé d'environ trois pieds, au-dessous du niveau du terrain de l'emplacement. Nous y descendîmes, et on assit le capitaine entre deux idoles de bois; Koah soutint l'un de ses bras, et moi je soutins l'autre. Nous vimes arriver une seconde procession des insulaires; ils apportèrent up, cochon cuit au four, un poudding, du fruit à pain, des cocos et des légumes. Lorsqu'ils furent près de nous, Kaïrikia se mit à leur têté, et ayant présenté le cochon à notre commandant avec les cérémonies que j'ai déjà décrites, il commença des chants pareils à ceux que nous avions déjà entendus, et ses camarades répondirent à chacun de ses versets. Nous observâmes que la longueur des versets et des répons diminua peu à peu; que, vers la fin, Kaïrikia ne disait plus que deux ou trois mots, et que les autres lui répondaient seulement par l'expression d'orono.

«<"Quand cette offrande, qui durá un quart d'heure, fut terminée, les insulaires s'assirent en face de nous; ils se mirent à découper le cochon, à peler les végétaux et à casser les cocos. Quelquesuns firent de l'ava: ils suivent dans la composition de cette liqueur le procédé des habitans des îles des Amis. Kairikia prit ensuite une portion de

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