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expédition dans le grand Océan, qui avait pour but d'observer le passage de Vénus sur le disque du soleil, et de découvrir ensuite de nouvelles terres.

«Ses, services depuis cette époque sont trop connus pour les rappeler ici ; et sa réputation s'est élevée en proportion à une hauteur à laquelle mes éloges ne pourraient rien ajouter. Il semblait né pour ces sortes d'expéditions: les premières habitudes de sa vie, l'expérience acquise par ses longs voyages, l'application constante de son esprit, tout concourait à lui donner un degré de connaissances pratiques qui ne peut-être le partage que d'un petit

nombre d'officiers.

« Il était d'une constitution robuste, endurci au travail, et capable de supporter les plus grandes fatigues. Son estomac digérait sans peine les alimens les plus grossiers et les plus désagréables. Il se soumettait aux privations de tout genre avec une indifférence si parfaite, que la tempérance ne paraissait pas être une vertu pour lui. Son esprit avait la trempe vigoureuse de son corps. Ses idées annonçaient la pénétration et la force. Son jugement, en tout ce qui avait rapport aux missions dont il était chargé, était prompt et sûr. Ses plans avaient de la hardiesse et de l'énergie, leur conception et leur exécution indiquaient un génie vaste et créateur. Une présence d'esprit admirable dans les mo

mens de danger accompagnait toujours son cou

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rage froid et déterminé. Ses manières étaient simples et franches. Son caractère, disposé à l'emportement et à la colère, aurait peut-être mérité des reproches, si un fonds extrême d'humanité et de bienfaisance n'eût tempéré l'ardeur de ces premiers mouvemens de vivacité.

<«< Mais la persévérance continue et infatigable avec laquelle il suivait ses idées et ses plans formait le trait le plus saillant de son caractère; les dangers ni les fatigues ne pouvaient l'arrêter; et il n'avait pas besoin de ces momens de distraction et de repos nécessaires à tout le monde. Durant ses longs et ennuyeux voyages, son ardeur et son activité ne se ralentirent jamais un instant : jamais les plaisirs ou les divertissemens qui se présentaient à lui ne l'occupèrent si les intervalles de récréation auxquels il était impossible de se soustraire, et que nous attendions avec un empressement bien excusable sans doute aux yeux de tous ceux qui ont éprouvé la fatigue du service, ne lui offraient pas un moyen de préparer efficacement la réussite de ses projets, il les passait avec une sorte d'impatience.

« Il n'est pas besoin de citer ici les occasions où il développa ses qualités au milieu des grandes et importantes entreprises qui ont rempli les dernières années de sa vie; je me contenterai d'exposer le résultat des services qu'il a rendus à la géographie et à la navigation.

<< Il n'y a peut-être pas de science qui ait eu

autant d'obligations à un seul homme que la géographie en a eu au capitaine Cook. Dans son premier voyage dans le grand Océan, il a découvert les îles de la Société ; il a prouvé que la NouvelleZélande forme deux îles; il a reconnu le détroit qui les sépare, et il en a relevé toutes les côtes ; il a parcouru ensuite la côte orientale de la NouvelleHollande, inconnue jusqu'à lui, et il a ajouté aux cartes de cette partie du globe, une étendue de terre de 27o de latitude, ou de plus de 2000 milles.

<< Son second voyage autour du monde a résolu le grand problème du continent austral; car il a traversé l'hémisphère sud entre le quarantième et le soixante-dixième parallèle; il a démontré qu'il ne peut y avoir de continent dans ces régions, à moins qu'il ne se trouve près du pôle et dans des parages inaccessibles aux navigateurs; il a découvert la Nouvelle-Calédonie, l'île la plus étendue du grand Océan, après la Nouvelle-Zélande, l'île de la Géorgie, et une côte nouvelle qu'il a appelée la terre de Sandwich, ou la Thulé de l'hémisphère austral; enfin, après avoir visité deux fois les mers du tropique, il a fixé la position des terres aperçues par les navigateurs qui l'avaient précédé, et il en a trouvé plusieurs qui étaient inconnues.

Mais son troisième voyage, dont nous offrons la relation, se distingue par l'étendue et l'importance de ses découvertes. Indépendamment de plusieurs petites îles qu'il a trouvées dans le grand

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Océan, il a découvert au nord de la ligne équinoxiale groupe des îles Sandwich, dont la position et les productions promettent plus d'avantages à la navigation des Européens qu'aucune autre des terres de cette mer; il a découvert ensuite et relevé la partie de la côte occidentale d'Amérique, depuis le 43° jusqu'au 70° degré de latitude nord, c'est-à-dire, une étendue de plus de trois mille cinq cents milles ; il a constaté la proximité des continens d'Asie et d'Amérique ; il a traversé le détroit qui les sépare; il a relevé les terres de chaque côté à une assez grande hauteur pour démontrer qu'il est impossible de passer de la mer Atlantique dans le grand Océan, ou par la route de l'est, ou par celle de l'ouest; enfin, si j'en excepte la mer d'Amour et l'archipel du Japon, sur lesquels on n'a encore que des détails imparfaits, il a complété l'hydrographie de la partie du globe qui est habitable.

<< Ses services, comme marin, ne sont peut-être pas moins brillans, et à coup sûr ils sont aussi importans et aussi utiles. Le moyen de conserver la santé des équipages, qu'il a découvert et qu'il a suivi avec tant de succès, forme une nouvelle époque dans l'histoire de la navigation, et les siècles futurs le mettront au nombre des amis et des bienfaiteurs du genre humain.

<«< Ceux qui connaissent l'histoire de la marine savent à quel prix on s'est procuré jusqu'à présent les avantages qui résultent des voyages sur mer; la

maladie terrible qui est la suite des longues navi-
gations, et dont les ravages ont marqué les pas des
hommes à qui nous devons la découverte des nou-
velles terres,
serait devenue un obstacle insurmon-
table à l'exécution des entreprises de ce genre, si
on n'avait exercé sur la vie des matelots une tyran-
nie qu'il est impossible de justifier. Il était réservé
au capitaine Cook d'apprendre au monde entier,
après des essais réitérés, qu'il existe des moyens
de prolonger des voyages en mer durant trois ou
quatre ans dans des parages inconnus, sous tous
les climats, même les plus rigoureux, non-seule-
ment sans nuire à la santé, mais sans diminuer le
moins du monde la probabilité de la vie des équi
pages. Il a rendu un compte détaillé de sa méthode
dans un Mémoire lu en 1776 à la Société royale. (1)

« Quant à ses talens pour la manoeuvre et les diverses parties de la marine, j'abandonne ce point au jugement des hommes qui connaissent le mieux la nature des entreprises dont on l'a chargé. Ils reconnaîtront tous que, pour conduire avec des succès si uniformes et si invariables, trois expéditions si dangereuses et si difficiles, d'une longueur si peu commune, et dans des situations si diverses et si périlleuses, il fallait non seulement une connaissance précise et profonde de sa profession, mais

(1) On a vu plus haut qu'on lui adjugea la médaille d'or de sir Godefroy Copley.

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