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même ce qu'on leur donneroit chaque jour; fçavoir qu'on leur apporteroit la troifiéme partie de ce qu'un homme mange communément de ris vingt deniers pour des herbes, & de l'eau à difcretion. Quarante foldats avec leurs Officiers furent mis en faction, pour garder nuit & jour les Prifonniers (car leurs prifons font isolées) & pour empêcher que perfonne n'en approchât. H paroît bien qu'on ne vouloit pas leur laiffer une longue vie.

Il y en a qui prétendent que P'Empereur avoit dit qu'ils ne feroient pas là huit jours, fans changer de ton: mais j'ai peine à le croire. Ce Prince étoit trop bien inftruit de leur inébranlable fermeté, pour se perfuader que les plus mauvais traitemens puffent affoiblir leur

conftance. Quoiqu'il en foit 3 les voilà enfevelis tous vivans, jufquà ce qu'il plaife au Seigneur, de couronner une perfeverance, qui a été mise à de fi rudes & de fi longues épreu

yes.

La fuite des Actes que je n'ai pas voulu interrompre, m'a fait omettre plufieurs particularitez édifiantes, que je ne dois pas vous laiffer ignorer ; non plus que les Lettres que je reçus de ces Seigneurs avant qu'ils partiffent du Four. dane, pour être conduits Prifonniers à Peking. Les moindres actions de ces généreux Confeffeurs de Jefus-Chrift ont de quoy toucher & inftruire.

Quand l'ordre fut arrivé au Fourdane de conduire à Peking les Princes Prifonniers, comme ils étoient fur le point de

monter fur leurs charettes, la Princeffe Cecile fit prier le Général de lui permettre de dire le dernier adieu au Prince Jean fon époux. Cette permission lui fut refufée. Elle jugea que la nature lui donnoit ce droit : elle fe mit en chemin; & s'étant préfentée à la porte de la prifon où étoit le Prince, elle entra fans écouter ce que luy dirent les Gardes, qui n'oferent par refpect ufer de violence pour l'arrêter.

Auffi-tôt qu'elle apperçut fon mari, elle se mit à genoux ; & d'un air modefte & tranquille, elle lui demanda quel ordre il lui laiffoit, «gardez, dit le " Prince, les commandemens du « Seigneur du Ciel. Ayez foin " de bien inftruire votre famille, & ne vous mettez nullement " en peine de ce qui me regarde: "

» je ne fuis point à plaindre: » & après ce peu de mots la Princeffe fe retira.

Ces Seigneurs étant arrivez le 27 de May au Faux-bourg de Peking, on les enferma dans une hôtellerie, dont on avoit fait fortir tout le monde jufqu'au Maître de la maifon. Ce lieu devint inabordable : la porte étoit continuellement gardée par fix foldats & un Officier qui les commandoit. Il n'étoit permis qu'aux deux deux chartiers chartiers qui avoient amené les Prifonniers de fortir & d'aller acheter audehors ce qui étoit néceffaire pour la nourriture de leurs chevaux: encore avoit-on grand foin de les fouiller lorfqu'ils rentroient.

Quelques Chrétiens domeftiques de ces deux Princes étoient allez audevant d'eux: mais ils

he purent les voir ni en che min, ni dans l'hôtellerie, où leurs Maîtres étoient gardez avec une telle rigueur, qu'ils n'ofoient en approcher. Ils fe contentoient d'obferver de loin ce qui fe paffoit : & après avoir attendu long-tems, ils virent un des chartiers qui fortoit avec un fac fur l'epaule, & alloit acheter de la paille & des féves pour fes chevaux. Deux le fuivirent dans la boutique où il devoit faire la provifion. Ils prirent leur tems, & lui découvrirent franchement qu'ils appartenoient aux Prifonniers. Le Chartier de fon côté leur dit qu'il avoit amené le Prince François, mais qu'il n'ofoit lui rien porter, parcequ'en rentrant dans le logis, il ne manqueroit pas d'être vifité avec la derniere rigueur. « 11

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