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leur a fait fouffrir; on n'avoit cependant apporté jusqu'ici d'autres motifs que les fautes prétendues du Prince Sourniama leur pere: mais aujourd'hui ce vain prétexte a disparu; on s'explique clairement, & on ne laiffe plus ignorer que c'eft uniquement de leur attachement à leur Religion qu'il s'agit.

Dès le commencement de cette année, l'Empereur à mis tout en œuvre pour les faire renoncer publiquement à la Foi; mais ni fon autorité, ni fes ordres, aufquels il n'avoit jamais trouvé de réfiftance, ni ses raisons qu'il croyoit invincibles,ni les Députez des Grands qu'il leur envoya pour les ébranler, ni les plus cruels traitemens dont on ufa à leur égard, ne purent faire la moindre impreffion fur des cœurs véritablement animez de

l'efprit du Chriftianisme. C'est ce que je vais raconter par ordre, & dans un détail, qui ne laiffera rien à défirer d'effentiel dans un fujet auffi intéreffant que celui-ci.

Dans la Lettre que je vous écrivis le 24 d'Août de l'année derniere, je vous mandai que cinq des fils du vieux Ré. gulo Sourniama, c'eft à-dire, le fecond, le quatrième, le neuviéme, le dixiéme, le treiziéme, & un fils du Prince aîné ayoient été transportez dans différentes Provinces, pour y être gardez auffi étroitement que le fixiéme & le douziéme Princes l'étoient à Peking ; que les autres fils & petits fils étoient reftez libres au Fourdane, pour y fervir en qualité de Soldats; qu'avant la conclufion de cette affaire le Général

du Fourdane avoit accufé ces illuftres exilez d'avoir élevé une Eglise à Sin-pou-tze ; & que l'Empereur conferva fon Mémorial, fans le donner à examiner aux Tribunaux, felon la coûtume.

Il paroiffoit que tout étoit terminé du moins pour quelque tems: c'est ce que le filence de l'Empereur fur ce Mémorial nous faifoit juger: mais nous nous trompions, ainsi que vous l'allez voir.

Pour vous mettre mieux au fait, il faut vous rappeller le fouvenir de ce que je vous ai déjà mandé touchant le zele du onziéme Prince nommé François Cou. Ce Seigneur qui a le cœur d'un Apôtre, eft parfai. tement inftruit des véritez de la Religion: il parle également bien le Chinois & le Tartare :

& avec l'autorité que lui donnoit fa naiffance, même dans fes malheurs, il étoit très-propre à annoncer Jefus - Chrift. Pour avoir occafion d'exercer ce zele, il avoit imaginé un expédient qui lui réüffiffoit : il avoit étudié plufieurs Livres de Medecine ; & il s'étoit fi fort appliqué à cette fcience, qu'il l'entendoit mieux que la plûpart de ceux qui en font profeffion.

Tout ce qu'il y avoit de malades dans les huit Bannieres l'invitoient à venir les voir : ils s'accommodoient fort d'un Médecin qui ne leur demandoit rien, ni pour fes peines ni pour fes drogues : & ils étoient comme forcez, du moins par politeffe & par reconnoiffance, de l'entendre parler des vériteż Chrétiennes, qu'ils voyoient

d'ailleurs être le principal motif de sa charité: plufieurs profiterent de fes inftructions; mais le fruit le plus folide qu'il retira, ce fut de mettre dans le Ciel plufieurs enfans moribonds, aufquels il conféra le Baptême.

Ces actions de zele ne pûrent fe faire long-tems, que les Mandarins fubalternes de fa Banniere ne s'en apperçûffent : le Thcam in * l'en reprit plufieurs fois, & le menaça même d'en porter fes plaintes au Général. Ces menaces ne produifirent aucun effet. Le Prince François fe croyoit obligé de faire connoître Jesus-Chrift & fa fainte Loy à tout le monde, & d'aller fecourir ceux à qui fes fervices pourroient être

* Centenier ou Capitaine d'un des Corps qui compofent une Banniere.

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