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terent avec eux les livres qu'ils avoient reçûs de leurs Peres ; & qu'ainfi ils ne s'amuferent point à chercher d'autres Lettres que celles de ces monumens antiques. On fçait que les Babyloniens, les Egyptiens & autres anciens peuples avoient leurs Lettres jeroglyphiques mais je crois que la plûpart n'étoient que de pures peintures énigmatiques témoin l'Infcription que l'on voyoit fur la porte du Temple de Diofpolis; un jeune enfant, un vieillard, un Epervier, un poiffon, & un Crocodile : le tout pour exprimer cette Sentence morale: O vous qui naiffez, & qui mourez prefque en même tems, fouvenez vous que Dieu a en haine l'impudence. Du moins c'eft ainfi que Clement Alexandrin l'explique. Ce que

:

les Egyptiens exprimoient d'u ne façon fi obfcure, fi difficile, fi bornée, & fans aucune regle certaine; les vrais jeroglyphes de la Chine le font d'une maniere plus aifée, plus noble, plus univerfelle, & plus méthodique. Je dis plus aifée;car il est bien plus facile d'écrire ce caractere que fi on vouloit faire un arbre tout entier: plus noble, car avec peu de traits on peint les idées les plus fublimes: plus univerfelle,car ils comprennent tout: & plus méthodique, car ce ne peut pas être le fruit du hazard; ils ont été faits fur des regles certaines ; & il y a des claffes générales, aufquelles ils doivent fe rapporter.

Il eft certain que plus les intelligences font parfaites, elles pensent & communiquent leurs penfées avec des efpeces plus

générales, plus fécondes, & en même-tems plus fimples. Attachez à un corps materiel, nous avons besoin de fons & de paroles , pour entretenir commerce les uns avec les autres. Les Anges d'un ordre plus élevé n'ont pas befoin d'un fecours fi groffier. Les jeroglyphes dont je parle, tiennent comme le milieu. Les yeux ne font pas fi purs ni fi legers que l'efprit: mais ils vont & plus vite & plus loin que l'oüie. Les jeroglyphes ne font point du reffort de l'oreille: c'est par les yeux qu'ils vont à l'efprit: & dans les peintures racourcies qu'ils lui préfentent,il conçoit d une maniere vive & claire, ce que la bouche ne pourroit lui dire qu'imparfaitement avec le fecours de beaucoup de paroles, Si donc M. l'Abbé R***. a

raifon de dire que l'invention. des vingt-deux lettres de l'AL phabet Hebreu paroiffant au deffus des forces de l'homme, doit venir d'infpiration divine; cela doit fe dire de même des jeroglyphes mais il foutient qu'il eft bien plus merveilleux d'avoir compofe une infinité de mots avec vingt ou trente figures, que d'en multiplier les figures en fi grand nombre, que la vie de Phomme ne fuffife pas pour les connoitre toutes c'est ce qu'ont fait les Chinois qu'on admire tant: &avec leurs foixante ou quatrevingt mille caracteres, il leur manque encore quelques Lettres comme R. Sans doute que M. l'Abbé R ***. s'imagine que ce fon qu'on a donné à nos Lettres, entre dans l'effence des jeroglyphes Chinois ; parcequ'il ne fçait pas que n'étant point

faits pour parler aux oreilles; ils n'ont d'eux-mêmes aucun fon; & qu'on pourroit les connoître tous, fans le fecours d'aucune langue, s'arrêtant aux feules idées qu'ils préfentent à l'efprit.

Mais quand M. l'Abbé R ***, admire, comment avec un Alphabet de vingt quatre figures on a pû former tous les mots de la Langue Grecque ou Arabe; s'il fçavoit ce que c'eft que les jeroglyphes, il admireroit avec bien plus de raison, comment de trois élémens, fçavoir le point unique,

deux points tiere

la ligne de

& la ligne en

qui en contient trois, on a pû tirer ce prodigieux nombre de divers caracteres. Au refte toutes ces figures ne doivent pas tant l'effrayer: c'est vouloir effaroucher les

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