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beaucoup de peine : j'en ai lä un affez grand nombre ; & je fuis encore à y remarquer une expreffion louche: mais j'y ai fenti par tout une netteté & une politeffe, qui ne le cede gueres à nos livres les mieux écrits.

Après ces deux manieres de s'exprimer, l'une pour le petit peuple, qui eft moins foigneux de l'arrangement de fes paroles; & l'autre qui devroit être celle des mandarins, & des Lettrez, vient le langage des Livres qui ne font point écrits en ftile familier ; & il y a dans ce genrecy bien des degrez pour parvenir à la briéveté majeftueufe & fublime des anciens livres appellez King. Ce n'eft plus icy une langue qui fe parle, mais feulement qui s'écrit, & qu'on n'entendroit pas aisement faną

le fecours des Lettres qu'on a fous les yeux, & qu'on lit avec plaifir car on trouve un ftile net & coulant; on ne fint rien qui choque une oreille délicate, & la variété des accens ménagez avec art, rend toûjours un fon harmonieux & doux.

M. Voffius avoit raifon de dire, que l'abondance de la Langue Chinoife vient de la múltitude des caracteres. 11 faut ajoûter qu'elle naît auffi des fens divers qu'on leur donne & de l'affemblage qu'on en falt les mariant le plus ordinairement deux à deux, affez fouvent trois à trois, & même quelque fois quatre à quatre. J'ai un Dictionnaire fait par les ordres du feu Empereur: il ne comprenoit pas toute la langue puifqu'on a été obligé d'y ajoû ter un fupplement en vingt-qua

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tre volumes, & cependant il avoit déja quatre-vingt-quinze tomes, la plupart fort épais & d'une écriture très menuë. Il n'y a pas, je crois, de langue au monde qu'on ne pût épuifer en beaucoup moins de Tomes. II n'y a donc point de langue au monde, ni qui foit plus riche que la langue Chinoise, ni qui phiffe fe vanter d'avoir regne plus de trois ou quatre mille ans, comme elle regne enco re aujourd'hui.

III. Pour venir aux fciences des Chinois, & à l'antiquité de leurs livres, M. l'Abbé R ***. ne fait nulle difficulté de mettre le fçavant Voffius bien audeffous de fes deux Marchands Arabes: & il regarde cet habile critique, comme un homme entierement livré à la prévention. C'est le jugement d'un hom

me, dit-il, qui n'avoit jamais été à la Chine, qui ne connoiffoit ni la langue, ni les livres du Payis, que par des traductions, dont il n'étoit pas capable de ju ger. Or les Arabes auteurs de ces deux Relations étoient allez à la Chine: ils avoient connoiffance de la langue, & par conféquent ils étoient plus capables de juger de la fcience des Chinois, que M. Voffius, dont la prévent on étoit exceffive. M. l'Abbé R***. n'avoit pas prévû fans doute, que ce raifonnement fe tourneroit contre lui-même: car enfin estil allé à la Chine? Connoît-il la langue & les livres du Payis? Eft-il capable de juger des traductions qui en ont été faites ? Il faut donner une legere idée de ces livres fi anciens, que Confucius, Mencius, & les autres Philofophes n'ont fait qu'in

terpreter, & qui ont toûjours été, & font encore dans la plus grande vénération parmi les Chinois. Il paroît que M. l'Abbé R***. n'en a jamais eu de connoiffance.

Ces livres fi refpectez de la Nation Chinoife s'appellent King, qui fignifie une doctrine fublime, vraye & folide. Il y en a principalement trois d'un ordre fupérieur, & admirez de tous les Chinois dans tous les tems, fans diftinction de fectes & d'opinions particulieres. Le premier s'appelle ri King ; c'eft un ouvrage purement fymbolique, c'est une image de ce monde vifible. Le peuple ignorant ne voit que ce qui frappe les fens, un Ciel, une terre, des plantes, des animaux, &c. Les fages y découvrent bien d'autres merveilles. Le fecond

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