,, leur dit : Ourtchen fe mocque

», de vous, & il a raison,

parce» que vous l'avez mal interrogé, faute d'avoir compris ma penfée : écoutez - bien ce que je

» vais vous dire, & retournez lui » porter mes ordres.

99

"

Le Seigneur du Ciel, & le ,, Ciel, c'est une même chofe : toutes les Nations du monde honorent le Ciel, mais chacune ,, a fon rite particulier pour lui rendre fes honneurs. Le rite des Tartares Mantcheoux eft le Tiaochin. Il n'y a perfonne qui le premier jour de l'an ne brûle des odeurs & du papier, & ce,, la pour honorer le Ciel.

23

Nous autres Mantcheoux

» nous avons nos rites particu»liers; les Mongous, les Chinois,

* Le Tiaochin eft une cérémonie qui n'a rien de fixe ni d'arrêté; chaque famille la fait à fa maniere.

ર

les Mofcovites, les Européans, « &c. ont auffi chacun le fien qui ce lui eft propre. Quand on fait at- « tention aux réponses d'Ourt- « chen, on voit qu'il fe fâche, « comme fi l'on vouloit qu'il cef- « fât d'honorer le Ciel. Ce n'eft « pas-là ce que j'ai prétendu lui dé- « fendre mais j'ai dit que chacun « avoit fa maniere de l'honorer, « & que lui étant Mantcheou, il « devoit fuivre le rite des Man- « tcheoux. Or, non-feulement il « refuse de s'y conformer: mais « il l'abandonne pour fuivre la « fauffe Loi des Européans, c'eft « un renversement total de con- «< duite.

Ourtchen ayant donc aban- «< donné le rite de fes ancêtres ; « & foutenant contre toute rai- « fon, que celui d'Europe, qu'il « a embraffé, eft le feul véritable, « imire la conduite insensée de «

"fon pere, qui abandonna fon » véritable Maître, pour entrer » dans la faction d'Akina & de » Se-Bi-ke. Voici fans doute quel » eft le raisonnement d'Ourtchen. "C'est fait de moi; je dois mou» rir; fi, en m'attachant opiniâ» trement à la Loi du Seigneur du » Ciel, l'Empereur me condamne » à la mort, je rendrai fa perfon» ne odieufe, & il aura la mau» vaife réputation de m'avoir fait » mourir, parceque j'honore le » Seigneur du Ciel. Son pere & » lui ont commis des fautes énor»mes, qui méritoient la mort : "yous autres Grands, vous me préfentâtes un Mémorial, par lequel vous me fuppliïez de les » traiter en rebelles je n'ai pas » encore répondu à ce Mémo

כל

rial. Si je voulois le faire mou»rir, ce feroit pour les crimes » de rébellion, dont fon pere &

lui font coupables, & non pas « parcequ'il honore le Seigneur du Ciel. Vous fçavez que les «< Grands m'ayant préfenté une «<< Requête contre les quatre Do- « meftiques qui s'étoient faits « Chrétiens, afin qu'on les jugeât féverement; je répondis que « c'étoit une canaille ignorante, « & qu'il falloit leur pardonner..« Je n'ignore pas que plufieurs autres font auffi profeffion de «< cette Loi: mais il n'y a nul in- « convénient par rapport à l'Em- « pire; car s'il y en avoit réelle- « ment, eft-ce que l'Empereur,« mon pere, eût fouffert les Eu- « ropéans à la Cour? & moi-mê- « me ne l'aurois-je pas défendu «< dès le commencement de mon « Regne Mais parcequ'Ourtchen, qui eft Mantcheou, & qui étoit «<

* Quand l'Empereur parle en particulier, & non pas par la voye du Tribunal

ર

'

» ci-devant du Sang Royal, a pré,, feré la Loi Chrétienne aux Rites » de fes ancêtres; il a non-feule» ment violé les Loix de l'Em-' » pire; il a encore offensé le Ciel » même : & c'eft pourquoi j'avois » ordonné qu'il abandonnât cette » Loi.

Au fortir de cette Audience; les Grands mirent par écrit les paroles de l'Empereur ; & avec ces nouvelles armes ils allerent pour la troifiéme fois attaquer le généreux Néophyte. Ils redoublerent leurs efforts: ils lui répéterent tout ce que l'Empereur leur avoit dit ; & ils y ajoûterent d'eux-mêmes tout ce qu'ils crurent de plus convainquant & de plus capable de le gagner: ils le flatterent: ils lui des Rites, il dit toûjours qu'il n'a pas profcrit là Loi de l'Europe; mais qu'il a feulement défendu que les Européans demeuraffent dans les Provinces.