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THIERRI. Ses Généraux les attaquérent, les défirent, les fubju guérent, & leur donnérent un Duc.

Varnacaire premier Maire du Palais de Bourgogne, étant mort en 603, Bertoald François d'extraction, fut élû à fa place. C'étoit un Seigneur réglé dans fes mœurs, prudent, modefte, vaillant, & qui gardoit religieufement fa parole. Clotaire, contre la foi du traité qu'il avoit fait avec Thierri, rentra dans les Païs qu'il lui avoit cédés. Thierri affembla fon armée, & l'envoya pour les reconquerir fous la conduite de Bertoald. Elle avoit à peine paffé le Loin, qu'elle rencontra les troupes de Clotaire commandées par Mérouée fon fils, & par Landri Maire du Palais de Neuftrie. L'on donna bataille, & l'armée de Thierri remporta la victoire. Méroüée fut fait prifonnier, mais Bertoald Maire du Palais de Bourgogne, perdit la vie dans cette occafion.

ne,

Protade Seigneur Bourguignon de famille Romaic'est-à-dire ancienne du Païs, & qui étoit, à ce que je crois, de Befançon, comme je le dirai dans l'Hiftoire de l'Eglife de cette Ville, fut élû Maire du Palais de Bourgogne, à la place de Bertoald. Il étoit Patrice de la Bourgogne Transjurane, & du Comté de Scodingue, en grand honneur à la Cour du Roi & Favori de Brunehaut; ce qui fit dire à leurs ennemis,qu'ils avoient enfemble un commerce d'amour. Il avoit beaucoup d'efprit & de hardieffe. Fertile en expédiens pour remplir les coffres du Roi, on prétend qu'il faifoit paffer dans les fiens, une partie de l'argent qu'il tiroit des Peuples. La hauteur qu'il affectoit avec les Grands, & particuliérement la faveur de Brunehaut, dont le crédit exceffif fur l'efprit du Roi avoit excité leur envie, le rendirent odieux, & une entreprise inconfiderée acheva de le perdre.

Brunehaut avoit une haine secrette contre Theodebert, depuis qu'il avoit confenti à ce qu'elle fût renvoyée

renvoyée de la Cour d'Auftrafie; elle détermina THIERRI. Thierri à lui faire la guerre, & à marcher contre lui avec une puiffante armée. Les Seigneurs du Royaume de Bourgogne voyoient avec douleur la naiffance de cette guerre entre deux freres, dans laquelle les раrens feroient expofés à fe donner réciproquement la mort. Cependant les armées étoient près l'une de l'autre & fur le point d'en venir à une action. Protade à l'instigation de Brunehaut, éludoit l'effet des remontrances que les Seigneurs faifoient au Roi de Bourgogne, pour l'engager à un accommodement. L'armée étoit campée à Quierfi, & Protade joüoit aux échecs dans la tente du Roi, lorfqu'on entendit les Soldats émûs, dire qu'il étoit plus à propos de fe défaire du Maire du Palais, que d'expofer l'armée & l'Etat. Le Roi ordonna à Uncilene Duc d'Allemagne, d'aller dire à l'armée, qu'il lui deffendoit d'attenter à la perfonne de Protade; mais Uncilene qui étoit fon ennemi fecret, dit au contraire, que le Roi commandoit qu'on tuât Protade. Alors les Soldats, qui fe crurent autorifés par un ordre de leur Souverain, entrérent en foule dans la tente du Roi, & massacrérent fous fes yeux, le Maire de fon Palais.

Thierri voyant la difpofition de fes troupes & fe trouvant fans Confeil, fe détermina aifément à faire la paix; mais il punit Uncilene qui avoit changé fon ordre, car il lui fit couper un pied, & le dépouilla de fes biens & de fes dignités.

* Premier tom.

206.

Claude, de famille Romaine, & que je crois encore d'une famille de Befançon, comme je l'ai dit ailleurs,* fut élevé à la dignité de Maire du Palais, après la de cette Hift.pag. mort de Protade.Les Historiens lui donnent de grands éloges; car ils difent, qu'il étoit fage dans les confeils, constant dans les entreprises, patient quand il convenoit de l'être, affable & aimé de tout le monde ; qu'il tenoit exactement fa parole, qu'il cultivoit les belles lettres, & qu'il étoit éloquent & enjoüé dans la conTome II.

C

1

THIERRI. Verfation; auffi les affaires de Thierri profpérérent fous fon gouvernement.. Cependant l'on n'eft infor mé ni du tems ni du genre de fa mort. L'on fçait feulement, que Garnier lui avoit fuccédé, & qu'il étoit Maire du Palais de Bourgogne, lorfque le Roi Thierri

mourut..

J'ai dit qu'Egila & Vandalmar, étoient revêtus de la dignité de Patrice dans la Bourgogne Tansjurane fous le regne de Gontran, & Leudegefile dans la Cisjurane. Leudegefile étant mort en 603, Colen fut mis à fa place. Quant à Ægila & à Vandalmar, ils moururent prefque en même tems, l'un en 607 & l'autre en 6ɔ8... Ricomer fuccéda à Ægila, & Protade à Vandalmar.. Après la mort de Ricomer, Alethée fut Patrice de la partie de la Bourgogne Transjurane qui confine les Alpes; & lorfque Protade eut été élevé à la dignité de Maire du Palais, Vulfe fut fait Patrice de l'autre partie de la Bourgogne Transjurane, qui comprenoit l'Evêché de Laufane & le Comté de Scodingue dans l'Archevêché de Befançon; mais le Roi ayant découvert qu'il avoit eu grande part au meurtre de Protade, il le fit tuer auprès de Faverné.

Le Patritiat que Vulfe avoit occupé, fut donné après la mort à Theudelane fœur de Thierri: elle fixa: fa demeure à Orbe dans le Diocèfe de Laufane; c'é-toit le lieu ordinaire de la réfidence des Patrices de cette partie de la Bourgogne, qui avoient auffi l'auto-rité für le Comté de Scodingue;car Frédegaire dit de Protade qui avoit précédé Theudelane, Protadius de-.. functo Vandalmaro Duce, in Pago Ultrajurano & Scotin-*Fredeg. ad Ann. gorum, Patritius ordinatur. * Et l'on verra que les fuc-9. Theuderici Re- ceffeurs de Theudelane commandoient au Comté de: Scodingue & dans l'Evêché de Laufane.

gis.

L'on commença alors à donner au Diocèfe de Be-fançon le nom de Haute Bourgogne, par comparaifon la premiére Lyonoife compofée de l'Archevêché de: Lyon & des Evêchés d'Autun, Langres, Chalon &

Mâcon, qui eft dans un païs plus bas & plus uni, & THIERRI. qu'on apelloit par cette raison la Baffe Bourgogne. Valdalene gouverna la Haute Bourgogne fous le regne de Thierri, à l'exception du Comté de Scodingue qui dépendoit des Patrices Transjurains. Il étoit de famille Romaine, pere de S. Donat Evêque de Befançon, où il demeuroit ; mais il ne porta que le titre de Duc, qu'on donnoit auffi en ce tems même, aux Gouverneurs de la Baffe Bourgogne.

Les Ducs étoient au deffus des Comtes, & en avoient plufieurs, les uns plus, les autres moins, dans l'étendue de leur Duché. Valfrid Strabon ancien Auteur, les compare aux Métropolitains qui ont des Evêques fous eux, & les Comtes aux Evêques. Il y avoit cependant des Comtes qui ne reconnoiffoient point de Ducs fupérieurs.

Theodebert fuportoit impatiemment,le démembrement que fon pere avoit fait de l'Alface & d'autres Païs qui dépendoient du Royaume d'Auftrafie, pour les unir à celui de Bourgogne. Il y entra avec une armée en 610, & Thierri fe préparoit à l'en chaffer, lorfque les Grands des deux Royaumes qui vouloient entretenir la paix entre leurs Souverains, ménagérent une entrevuë. L'on choifit pour la faire, le Chateau de Selts fur le Rhein, & Thierri y vint accompagné feulement de dix mille hommes que Frédegaire nomme Scarites. Mais Theodebert le trompa, car l'ayant fait inveftir par fon armée, il le força à lui céder les Païs qui faifoient l'objet de leurs différends. Il avoit fait entrer en même tems les Allemans fes fujets dans la Bourgogne Transjurane, où ils pénétrérent jufques à Avanche; & après avoir défait Abdelin, Herpin & les autres Comtes du Païs qui s'opofoient à leur paffage, ils pillérent & brulérent tout ce qui fe trouva fur

leur route.

Thierri juftement irrité de la mauvaise foi du Roi d'Auftrafie, affembla fon armée pour en tirer raifon.

* Les Scarires étoient des Sol

dats qui fervoient auprès de la per

fonne du Prince, comme ceux que

les

Germains apelqui ne quittoient point le Chef dans rites femble venir de falk qui fignifie celui qui fert,

loient Comites,

les combats. Sca

ou de fcarire,divifer, peut-être par

ce

que ces Soldats

étoient partagés

par Compagnies.

THIERRL. Il s'affura d'abord de Clotaire, en lui promettant de lui faire rendre le Duché de Dentelin, qu'il avoit cédé au Roi d'Auftrafie par un traité, & marcha fans réfiftance jufques à Toul, où ayant rencontré l'armée de Theodebert, il lui donna bataille, & remporta une victoire fi complette, que Theodebert fut obligé de fe retirer jufques à Cologne. Là, il ramaffa les débris de fon armée, & en fit venir une feconde d'au-delà du Rhein. Thierri le fuivoit à petites journées, & étant arrivé à Zulpik, Theodebert l'y vint attaquer. L'on combattit de part & d'autre avec fureur, & les Hiftoriens remarquent, qu'il ne s'étoit encore point donné de bataille entre les Rois François, dans laquelle les troupes des deux partis euffent montré tant de bravoure & d'acharnement. Mais enfin, la victoire fe déclara pour Thierri, qui entra tout de fuite à Cologne, où il fe faifit des tréfors de fon frere ; & l'ayant fait arrêter au-delà du Rhein où il s'en étoit fui, il le fit mourir avec Clotaire & Méroüée fes fils: Brunehaut lui avoit perfuadé que Theodebert étoit un enfant fupofé & fils d'un Jardinier.

Clotaire craignant peut-être que Thierri reconnu Roi d'Auftrafie après la mort de Theodebert, ne lui rendît pas le Duché de Dentelin, comme il le lui. avoit promis, s'en empara ; & foit que Thierri fût irrité de ce procédé, foit que pouffé par une ambition qui ne connoît point de régle, & qui n'étoit que trop ordinaire à nos Rois de la premiere Race, il eût formé le deffein de fe rendre maître de toute la Monarchie Françoife; il fe préparoit à faire la guerre au Roi de Neuftrie, lorfqu'il mourut à Metz en 613, à l'âge de 25 ans & dans le fein de la victoire.

Ce Prince faifoit fa réfidence ordinaire à Chalon, & demeuroit quelquefois à Autun & à Orleans. II avoit les qualités des Héros; mais fon incontinence & la trop grande autorité qu'il laiffa prendre à fon aïeule, qui en abusa, ont fait tort à fa mémoire.

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