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PEPIN. Siége. Mais à peine eut-il repaffé les monts, qu'Aftolphe oubliant fa promeffe,s'aprocha de Rome pour l'affiéger. Pepin retourna en Italie, & réduifit le Roi des Lombards à lui demander la paix, & à fe foumettre à un tribut. Aftolphe mourut quelque tems après, & les Lombards élevérent fur le Trone à sa place, Didier l'un de leurs Ducs, par l'avis & du confentement de Pepin.

Ce Prince remporta encore quelques victoires fur les Saxons, Nation belliqueufe & portée à la révolte. Il fit la guerre à Guaiffre Duc d'Aquitaine, depuis l'an 761 jufqu'en 768, que Guaiffre, après plufieurs défaites fut tué par les fiens, & Pepin reconnu Souverain dans tout ce Païs qu'il réunit au Royaume.

Pepin au retour de cette expédition, tomba malade à Xaintes, & fe fit porter à Paris, où fentant fa fin prochaine, il affembla les Ducs, les Comtes & les Evêques, & partagea, de leur confentement, le Royaume entre Charles & Carloman fes deux fils: il mourut peu de jours après, le 24 Septembre de l'an 768, à l'âge de 54 ans, & fut inhumé à S. Denis. Je crois que la Reine Bertrade étoit de la Bourgogne Transjurane, parce qu'elle y a fait de grands biens aux Villes & aux Eglifes. Le Comte de cette partie du Royaume de Bourgogne s'apelloit Théodon.

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CHARLES & CARLOMAN.

HARLES & CARLOMAN fils de Pepin, furent proclamés Rois d'abord après fa mort, l'un à Noyon & l'autre à Soiffons : la Bourgogne, l'Alface, la Souabe, la Provence, le Languedoc & une partie de l'Aquitaine, avoient été deftinés à Carloman, & tout le refte du Royaume à Charles qui étoit l'aîné. Carloman parut mécontent de ce partage. L'on en projetta d'autres qui ne furent pas exécutés, & les deux freres feroient probablement entrés en guerre, parce que Carloman y étoit follicité par les Seigneurs

du Royaume de Charles, qui craignoient fa trop CHARLES grande puiffance; mais il mourut le 4 Décembre de & CARFan 771, & Charles s'empara de fes Etats, quoiqu'il LOMAN. laiffât deux fils de Gerberge fon épouse légitime, nommés Pepin &Siagre.

C

CHARLEMAGNE feul.

HARLES avoit renvoyé Himiltrude fa concubine, dont il avoit eu un fils nommé Pepin, pour époufer par le confeil de fa mere, la fille de Didier Roi des Lombards; mais il la répudia bientôt après, fous prétexte qu'elle étoit inhabile à avoir des enfans. Didier piqué de cet affront, ou par un efprit de justice, donna retraite dans fes Etats, તે Gerberge veuve de Carloman & à leurs enfans, & fit tous les efforts pour engager le Pape à les protéger, mais inutilement.

Il parut de la derniere conféquence à Charles, de fe rendre maître des deux Princes. fes neveux, qui avoient droit à une partie de fes Etats. Il paffa donc en Italie, prit Pavie en 774, & le Roi des Lombards qu'il emmena prifonnier en France, après avoir foumis & réuni la Lombardie à fon Royaume. Gerberge veuve de Carloman, fe voyant fans apui,s'abandonna à la clémence de Charles, & remit entre fes mainsfes deux fils, qu'il traita avec humanité. Siagre le plus. jeune, fe retira à Nice dans l'Abbaïe de S. Pons,que Charles fonda en fa faveur. Le Pape Adrien I. édifié de la pureté de fes mœurs & de la fainteté de fa vie, le tira du Cloitre pour le faire Evêque de Nice, où il mourut en odeur de fainteté, le premier Juin de l'an 797. Quant à Pepin qui étoit l'aîné, l'on n'a rien de certain fur fa vie ni fur le tems de fa mort. Charles ainfi réuni tous les Etats de la Monarchie Françoife, mérita par fes exploits & par fa conduite, le furnom de Grand; & il a été en effet le plus grand Roi que la France ait eu, car il n'y en a

ayant

MAGNE.

CHARLE- point qui ait fait tant de guerres & de conquêtes, & ce qu'il y a de plus loüable, il les fit fans fouler fes Sujets, dont il avoit tellement gagné l'affection & la confiance,qu'ils le fervoient de leurs biens & de leurs perfonnes par affection, & ne fe rebutoient par aucune peine ni difficulté, parce qu'ils étoicnt animés par fon exemple, & engagés par fes bontés.

Son amour pour la juftice & pour fes Sujets,éclata principalement dans le rétablissement des Parlemens de la Nation, qui ont fubfifté long-tems dèflors fous le nom d'Etats Généraux, où il permit qu'on délibérât fur toutes les affaires importantes de l'Etat ; & il en tira lui-même un grand avantage, en ce qu'il fut aidé dans fes entreprises par les lumieres des perfonnes qui compoférent ces auguftes Affemblées, & que les Grands de fon Royaume qui en avoient formé les délibérations, concoururent fincérement à les faire exécuter, parce qu'ils les regardoient comme leur propre ouvrage.

Il calma les mouvemens que Hunaud ancien Duc d'Aquitaine caufoit dans ce Païs, après avoir quitté l'habit monaftique qu'il avoit pris, pour céder fa place au Duc Guaiffre fon fils. Il foumit les Bretons, qui refufoient de payer le tribut accoutumé.

Taffilon Duc de Baviere & fon coufin, ayant été condamné comme criminel de léze-Majefté par la Nation affemblée, il le fit enfermer dans un Monaftere avec Theodore fon fils, & réunit la Baviere au Royaume. Il en chaffa les Huns & les Alains qui y étoient entrés, & étendit par differentes conquêtes les frontieres de fes Etats, jufques à la mer Baltique & aux Monts Carpathiens.

Auffi puiffant que l'avoient été les Empereurs d'Occident, il ne lui en manquoit que le titre. Il avoit déja celui de Patrice Romain, lorfqu'étant à Rome en 800, & affiftant à la Meffe le jour de Noël dans l'Eglife de S. Pierre, le Pape le falua Empereur, lui mit une Couronne fur la tête, & tout le Peuple

s'écria,

s'écria, Vie & victoire à Charles Augufte, couronné de CHARLE Dieu,Grand & Pacifique Empereur des Romains. Charle- MAGNE. magne prit dèflors la qualité d'Empereur & d'Augufte, & fa réputation vola jufqu'à l'extrémité de L'Afie, d'où un Calife de Babilone lui envoya des Ambaffadeurs. Il en reçut auffi d'un Prince Africain. Le fouvenir de la terreur de fes armes & de la majefté de fa Cour, fe conferve encore dans les Païs éloignés. Conftantin VI. Empereur d'Orient lui demanda fa fille Rotrude en mariage, & l'Impératrice Iréne lui offrit fa main. Mais ces mariages ne fe conclurent pas, & Nicéphore nouvel Empereur de Conftantinople, après avoir détroné Iréne, obtint la confirmation de la paix entre les Grecs & les François.

Il foutint une guerre de trente-trois ans contre les Saxons, & il ne put la finir, qu'en faisant transporter en France tous ceux de cette Nation qui demeuroient au-delà de l'Elbe, quoiqu'il eût déja réduit quelques années auparavant Vitikind leur Chef, à fe foumettre & à embraffer le Chriftianifme.

Il étoit entré en Espagne en 778 avec une armée compofée en partie de Bourguignons, pour faire la guerre aux Sarrafins, & avoit foumis tout le Païs jufques à l'Ebre. Il fit abattre les murs de Pampelune, afin d'ôter aux Gafcons qui l'occupoient, ce moyen de foutenir leurs révoltes ordinaires. Mais dans le tems qu'il repaffoit les Pirenées, fon arriere-garde encore engagée dans les défilés des montagnes, fut attaquée à Roncevaux. Les Gafcons armés à la légere, avoient tout l'avantage contre des troupes pefamment armées. Les Commandans y accoururent & périrent prefque tous. L'on voit encore en cet endroit, une Chapelle entourée d'un Cloitre fort ancien, dans lequel il y a trente Tombeaux élevés fans Infcription. L'on tient dans le Païs, que ce font ceux des principauxSeigneurs de l'armée de Charlemagne,qui furent tués dans la retraite de Roncevaux; & on y Tome II.

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MAGNE.

CHARLE lit fous des peintures à frefque qui font dans le Cloitre, les noms de Gui de Bourgogne, d'Olivier de Vienne, & de Roland Comte d'Angers, fi fameux dans les Romans.

Charlemagne remit les Lois de la Nation en vigueur, & rétablit fes immunités. Il eut grande attention à faire rendre la juftice dans fes Etats, & d'y proportionner l'exercice de fon pouvoir, aux ufages anciens & au génie des differens Peuples aufquels il commandoit. Les Germains n'avoient point encore été fujets à une fouveraineté abfoluë, & ceux même qui depuis le commencement de la Monarchie Françoife faifoient partie du Royaume d'Auftrafie,avoient confervé une partie de leur indépendance. Il y auroit eu du danger à faire fentir tout d'un coup l'affu jettiffement à un Peuple paffionné pour la liberté. Il convenoit cependant au bien de l'Etat & au leur propre, de les foumettre à des régles. Notre Empereur s'y prit avec adreffe. Il divifa le Païs en divers Cantons, fur lefquels il établit des Comtes comme en France, qui accoutumérent infenfiblement les Germains à la police & à l'obéiffance. Il y fonda d'ailleurs un grand nombre d'Evêchés & d'Abbaïes, dont les Prélats inftruifant les Peuples & les prenant par le motif de la Religion, les rendirent bons & dociles. Les Evêques & les Comtes,furent auffi chargés dans tout l'Empire, de veiller les uns fur les autres, & d'avertir le Prince de ce qui fe passeroit contre la Religion, l'Etat & la Juftice. Ôn croit qu'ayant gouté l'ufage des Fiefs qu'il trouva déja établi chez les Lombards, & parmi les Peuples du Nord dont il fit la conquête, il l'introduifit en France.

Charlemagne parloit les langues latine, gréque, fyriaque, hébraïque & efclavone. Il fçavoit les Mathématiques, l'Aftronomie & l'Arithmétique, la Théologie & les Ecritures faintes. Il fe faifoit lire

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