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vante, & laiffa un fils du même nom que lui, qui lui fuccéda au Royaume d'Aquitaine.

LOUIS LE

DEBON

L'Impératrice avoit conçu depuis quelque tems, le NAIRE. deffein de procurer à fon fils Charles encore fort jeune, la protection de Lothaire; & elle avoit probablement contribué dans cette vùë au pardon qu'il obtint fi facilement à l'entrevûë de Blois. Elle engagea l'Empereur qu'elle voyoit valétudinaire & caduc, à faire venir Lothaire à fa Cour, où il lui offrit de partager fes Etats avec Charles, s'il vouloit promettre de protéger ce jeune Prince & de lui conferver fa portion. Lothaire accepta ce parti, & l'Empereur fit le partage. Lothaire eut donc avec le titre d'Empereur, l'I talie & tout ce qui étoit à l'orient de la Meufe, de la Sône & du Rhone jufqu'aux deux mers, à l'exception de la Baviere réfervée à Louis, & de l'Aquitaine qui fut laiffée à Pepin. Le refte de la Monarchie devoit apartenir à Charles.

Louis mécontent de ce partage dans lequel il avoit été facrifié, prit les armes, & l'Empereur fon pere se difpofoit à le foumettre,lorfqu'il fut attaqué de la maladie dont il mourut à l'âge de foixante-huit ans,dans une ifle du Rhin, vis-à-vis de Mayence, le 28 Juin de l'an 840. Il envoya à Lothaire,fon épée & fa Couronne, lui recommandant fon fils Charles & l'Impératrice Judith.Son corps fut porté à Mets,& inhumé dans l'E-glife de S. Arnoul, auprès de celui de l'Impératrice: Hildegarde fa mere.

Il mérita d'être apellé pieux & débonnaire, par fon respect pour l'Eglife & par la bonté de fon cœur,. dont on a vu des exemples fignalés, dans la facilité qu'il eut toujours à pardonner à fes fils, & particulié-rement à Lothaire, qui l'avoit fait traiter indigne-ment. Mais cette bonté dégénera en foibleffe, & fut en partie caufe des rébellions prefque continuelles,qui agitérent l'Etat pendant les dernieres années de fa vie.. La tendreffe qu'il avoit pour fon fils Charles, & fai

LOUIS LE DEBONNAIRE.

trop grande condefcendance pour l'Impératrice,y contribuérent auffi. Indulgent & facile, il ne réprima pas les entreprises des Seigneurs qui gouvernoient les Provinces, & leur y laiffa prendre une autorité, qui leur donna lieu à la fuite de fe les rendre patrimoniales & héréditaires. Occupé de priéres & de pfalmodies, il ne s'apliqua pas affez au gouvernement de fon Etat. La délicateffe de fa confcience alla fi loin, qu'il fe foumit à une pénitence publique qu'on n'avoit pas droit de lui impofer, & qu'il ne crut en être quitte,que par des reconciliations réiterées; quoiqu'il n'y ait d'ailleurs qu'à voir les cas pour lefquels il avoit été condamné, pour fentir l'irrégularité & l'excès de cette condamnation.

Dans le fond, fes intentions étoient bonnes & fes vûës droites. Il bannit de fa Cour à fon avénement à l'Empire, les déréglemens qui étoient dans celle de fon Prédéceffeur. Il fit affembler differens Conciles, dans lefquels on fit d'excellentes régles pour la réformation du Clergé féculier & régulier, qui en avoit grand befoin, & il ufa de tout fon pouvoir pour les faire obferver. Il nomma des Commiffaires pour vifiter les Provinces, réformer les abus qui s'y commettoient dans l'adminiftration de la Juftice, & punir les Comtes & les autres Juges,qui fe trouveroient coupables de malverfation.

On apelloit Miffi Dominici ces Commiffaires, qui étoient de grands Seigneurs d'une probité reconnuë, tirés de l'ordre du Clergé & de celui de la Nobleffe. Ils n'avoient qu'une Juridiction déleguée, mais elle étoit fupérieure à celle des Evêques & des Comtes, dont ils réformoient les Jugemens, & ils ne rendoient compte qu'au Roi de leurs décifions. Cet emploi étoit connu dès le tems d'Augufte dans l'Empire Romain, & il se conferva dans les Gaules fous les Rois de la premiere race. Il devint ordinaire fous ceux de la feconde, car Charlemagne envoya des Commiffaires dans tous fes

Etats,pour y mettre la réforme.Il y en eut en Italie fous LOUIS LE le régne de Pepin,& en Aquitaine fous celui de Louis, DEBONqui étant devenu Empereur, en nomma pour tout NAIRE. l'Empire. Ses fils en uférent de même dans leurs Royaumes; mais enfin, les Ducs & les Comtes, Juges ordinaires, qui fuportoient impatiemment l'autorité de ces Juges délegués, à la cenfure defquels ils étoient foumis, étant devenus comme autant de Souverains fous les régnes fuivans, l'ufage de cette Charge fi utile au bien public, fut aboli.

L'on nommoit au moins deux de ces Commiffaires pour chaque Province, l'un Eccléfiaftique & l'autre Laïc, pour agir de concert & fervir cependant de furveillant l'un à l'autre. L'on trouve fous le regne do Louis le Débonnaire,que nôtre Archevêque Bernouin, Aimin Evêque & le Comte Monogolde,ont exercé cet emploi dans la Province de Befançon; mais l'on ne connoît pas les Comtes qui ont eu fous ce régne le gouvernement de cette Province, & qui y exerçoient la Juridiction ordinaire.

Louis le Débonnaire avoit eu de fon premier mariage trois filles; Giféle, mariée au Comte Everard, fils de Didier Roi de Lombardie, Alpaïde, époufe de Begon Comte de Paris,& Hildegarde femme du Comte Thierri.

LOTHAIRE I.

Uivant les réglemens faits par l'Empereur Louis, Lothaire & Charles devoient partager les Etats de leur pere, à l'exception de la Baviere, qui refteroit à Louis, & l'Aquitaine à Pepin. Mais Lothaire qui étoit ambitieux, Empereur & l'aîné, fe prépara à dépouiller fes freres de leurs Etats. II affembla dans cette vûë une armée formidable, & tenta fucceffivement d'en combattre un feul, pendant qu'il amufoit F'autre par des négociations. Pepin fon neveu s'étoit joint à lui, parce qu'il prenoit pour prétexte que les Etats que Pepin poffédoit, ne fuffifoient pas pour la

LOTHAIRE part qu'il devoit avoir dans la fucceffion de Louis le Débonnaire.

Cependant les deux freres Louis & Charlesjoignirent leurs armées,malgré les précautions de Lothaire pour les en empêcher. Les troupes des deux partis fe rencontrérent à Fontenai dans l'Auxerrois,& le carnage fut fi grand de part & d'autre, que les François,fuivant l'Annaliste de Mets, furent dèflors hors d'état de faire des conquêtes. L'on croit que c'eft parce que les Gentilshommes Champenois périrent prefque tous dans cette bataille, que la Nobleffe en Champagne fe tranfmet par les meres.

Quoiqu'on eftime que Louis & Charles eurent l'avantage dans cette action, elle ne décida cependanţ rien. Louis repaffa en Germanie, Charles tenta inųtilement de prendre l'Aquitaine fur Pepin, & Lothaire qui s'étoit d'abord retiré à Aix-la-Chapelle, vint à Vienne, où il affembla une nouvelle armée, avec laquelle if entra dans la Neuftrie, & pénétra jufques à S. Denis, où n'ayant pas pû paffer la Seine qui étoit débordée, pour attaquer Charles, il tourna du côté de l'Aquitaine pour joindre Pepin, qui lui amenoit des troupes.

Charles profita du relâche que lui donnoit l'éloignement de Lothaire,pour fe rendre à Strasbourg où Louis l'attendoit,& ces deux Princes y firent un traité le 22 Février 841, par lequel ils promirent avec ferment de fe fecourir mutuellement, & de ne jamais s'abandonner. Cette étroite union mit bien des Seigneurs dans leur parti, & Lothaire qui voyoit le fien diminuer chaque jour, confentit à faire un accommodement.

Les trois freres accompagnés chacun de quarante Seigneurs, fe trouvérent à Verdun, dans le confluent du Doux & de la Sône, & convinrent qu'à l'exception de l'Italie, la Baviere & l'Aquitaine, qui refteroient à Lothaire, Louis & Pepin, l'on feroit pour Lothaire, Louis & Charles, trois parts de tous les au

tres

tres Etats que Louis le Débonnaire avoit poffédés; LOTHAI que Lothaire auroit le choix,& que les fix-vingts Sei- RE I. gneurs qui fe trouvoient avec les Rois,les régleroient inceffamment, comme ils firent à Thionville le 16 Mars de la même année.

Lothaire choifit la part qui contenoit l'Italie, le Païs qui eft entre la Meufe & le Rhin, la Sône & le Rhone, la Provence, le Dauphiné, la Savoye & la Bourgogne Transjurane jufqu'au Ruff.

Louis eut la Germanie jufqu'au Rhin & au Ruff, avec l'Alface; & Charles la Neuftrie, qui comprenoit les Païs qui font entre la Meufe & la mer; Pepin fut facrifié dans ce partage, où il n'eut aucune part; & étant tombé à la fuite au pouvoir de Charles, il fut rafé & enfermé dans le Monaftere de S. Médard-lesSoiffons. Ce partage de la Monarchie Françoife mérite d'être remarqué, parce qu'il fubfifte encore en partie. C'est dèflors qu'on a apellé le côté oriental de la Sône terre d'Empire, parce qu'i léchut à l'Empereur Lothaire ; & l'autre côté terre de Roi, parce que le Roi Charles l'emporta.

Les Danois qui couroient les mers, & qu'on apelloit en langue tudefque, nort man, hommes du Nort, profitérent de la divifion des fils de Louis le Débonnaire, pour entrer par l'embouchure de la Seine dans la partie de la Neuftrie qui porte aujourd'hui leur nom. Ils s'y établirent fous le regne de Charles le Chauve, & défolérent la France pendant un fiécle par des incurfions continuelles qu'ils faifoient jusqu'à la Sône.

Lothaire obferva exactement le traité de partage qu'il avoit fait avec fes freres, & ne fongea plus qu'à gouverner fes Etats en paix. Cependant Solocrat Duc d'Arles fe révolta contre lui en 845,& fouleva tous les Comtes du Païs. Mais il y marcha en diligence, diffipa les factieux, & donna le gouvernement de la Provence,du Viennois & du Lyonnois,à Gerard de Roullillon. Tome II.

I

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