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GONTRAN. étoit à Paris expofé à perdre la vie. Il en fut tiré fecrettement par Gondebaud, fujet fidéle & affectionné, qui le conduifit dans les Etats de Sigebert, & le fit déclarer Roi d'Auftrafie. Gontran embraffa fa défenfe, & après que Mommol fon Général eut remporté une grande victoire dans le Limofin fur les troupes de Chilperic, il fit venir Childebert à Pompierre, le fit affeoir dans fon Throne, déclara que n'ayant point d'enfans, il le regardoit comme fon héritier, & l'adopta pour fon fils.

Tant de bontés & de fi belles efpérances,n'empêchérent pas les Miniftres de ce jeune Roi, d'abufer de leur autorité, pour faire la guerre à fon bienfaiteur. Ils y étoient engagés par Chilperic, qui vouloit accabler Gontran, pour s'emparer après cela plus facilement des Etats de Childebert. Gontran fit connoître à fon neveu, les vuës de Chilperic; ils joignirent leurs armes contre ce Roi turbulent, qui n'ofant plus tenir la campagne, ordonna à fes Capitaines de fe renfermer dans les bonnes Places pour tirer la guerre en longueur. Il travailloit cependant à défunir les Rois de Bourgogne & d'Auftrafie, & il avoit conclu pour cela un traité avec les Miniftres de Childebert, lorfqu'il fut affaffiné à Chelles au retour de la chaffe, en 584. Frédegaire charge Brunehaut de ce meurtre: Aimoin & d'autres Auteurs l'imputent à Frédegonde même, parce que fuivant eux, Chilperic venoit de découvrir qu'elle avoit un commerce criminel avec un Seigneur de fa Cour, & qu'elle craignoit qu'il ne l'en punît.

Deux fils qui reftoient à Chilperic de fes premiers mariages, nommés Meroüé & Clovis, étoient péris de mort violente, par le fait & par les intrigues de Frédegonde leur marâtre, & ils avoient été enterrés en fecret. Gontran fit chercher leurs corps après la mort de Chilperic, & les ayant découverts, il leur donna une fépulture digne de leur naiffance. Il refufa cependant de livrer Frédegonde aux Envoyés de Chil

debert, qui la demandoit pour lui faire fubir la peine GONTRAN des crimes dont elle étoit foupçonnée. Il déclara qu'il vouloit conferver le Royaume de Chilperic à un fils qu'elle avoit, & qui n'étoit âgé que de quatre mois. Il le fit reconnoître pour Roi à la place de fon pere, le tint fur les fonts de Batême, & lui donna le nom de fon aïeul Clotaire, lui fouhaitant la profpérité de ce Prince, ce qui arriva à la fuite; car le jeune Clotaire devint Roi de toute la France, comme l'avoit été Clotaire Premier fon aïeul.

Gontran fut regardé après la mort de fes deux freres, comme le tuteur des deux Rois fes neveux, & le Chef de la Nation Françoife.Il profita de cette circonftance, pour réparer les injuftices que Chilperic avoit commises dans fes Etats, & rendre ce qu'il avoit ufurpé au dehors. Il convoqua une Affemblée de la Nation. à Paris, & rétablit l'autorité des Loix qui avoient été négligées.Cependant il préféra Childebert à Clotaire, foit parce qu'il avoit toujours été plus uni avec fon pere, qu'ils étoient freres germains, & que Chilperic n'étoit que leur frere confanguin; foit parce que le voyant plus âgé & plus puiffant que Clotaire, il le crût plus capable de foutenir l'honneur du nom François. Il l'engagea donc à une feconde entrevue, dans laquelle il confirma fon adoption, & le préfentant à fes Soldats; c'eft là mon fils, leur dit-il, c'est lui qui fera votre Roi,& j'entends que vous le regardiez

comme tel.

Mommol que le Roi de Bourgogne avoit élevé à la dignité de Patrice, & qui avoit long-tems fervi utilement, devint infidéle. Il s'affura de la protection des Miniftres de Childebert, pendant qu'ils faifoient

la

guerre à Gontran, s'empara d'Avignon qu'il fortifia, & fit entrer par furprife les troupes de Childebert dans Marfeille qui apartenoit aux deux Rois.Gontran irrité de cette perfidie, affiégea Avignon dans le deffein de fe faifir de Mommol & de le faire punir

GONTRAN, mais l'armée de Childebert étant venue au fecours, le fiége fut levé, & Mommol fe maintint dans Avignon.

Cependant comme il prévoyoit la reconciliation de l'oncle avec le neveu, & qu'il en feroit la victime, il fongea à fe faire un nouveau protecteur. Un nommé Gondebaud s'étoit dit fils de Clotaire Premier,qui fans l'avouer pour tel, l'avoit affez ménagé pour faire penfer que Gondebaud difoit la vérité. Childebert frere de Clotaire & Charibert l'un de fes fils, l'avoient reconnu fucceffivement, l'un pour fon neveu & l'autre pour fon frere. Mais comme Charibert l'avoit abandonné, il s'étoit retiré en Gréce.

Des factieux le rapellérent en France, & Mommol le reçut dans Avignon, l'emmena dans le Limofin, & le fit reconnoître pour Roi. Gontran assembla une armée, & le pourfuivit fi vivement, qu'une partie des Seigneurs qui l'accompagnoient,fe virent obligés de l'abandonner. Il fe retira à Comminges avec Mommol, & il auroit tenu long-tems dans cette Place qui étoit forte & bien munie, fi Leudegefile qui commandoit l'armée du Roi de Bourgogne, n'avoit fait dire à Mommol, que le Roi lui pardonneroit s'il abandonnoit Gondebaud. Mammol le crut, & livra Gondebaud: mais il fouffrit bientôt après, la peine que méritoit fa double perfidie; car Gontran ayant refufé de le recevoir en grace, il fut tué par les Soldats.

La difficulté que Gontran avoit trouvée à réduire Mommol, lui avoit fait connoître que le Gouvernement des Bourgognes Transjurane & Cisjurane, réunis dans un même fujet, le rendoit trop puiffant. Cette réflexion le détermina à partager ce Gouvernement, & à faire Ægila Patrice de la Bourgogne Tranfjurane, & Leudegefile de la Cisjurane.

Leudegefile étoit Comte du Palais, lorqu'il fut élevé à la dignité de Patrice. Garnier ou Varnacaire, qui porta depuis la qualité de Maire du Palais de Bourgogne,

Bourgogne, lui fuccéda en celle de Comte du Pa- GONTRAN, lais, & c'eft celui qu'on croyoit Fondateur ou Reftaurateur de l'Abbaïe de Baume les-Dames en Franche-Comté.

Les Villes & les Contrées du Royaume de Bourgogne, avoient fous Gontran des Comtes qui y rendoient la Justice, fous les Patrices & les Ducs. Mais FHiftoire ne nous a pas tranfmis leurs noms, non plus que ceux des Ducs de la Baffe Bourgogne; & l'on trouve que Gontran sur la fin de fon regne, nomma Vandalmar Patrice de la Bourgogne Transjurane, à la place de Theudefroi ; ce qui peut faire conjecturer, que ce Roi avoit fous-divifé le Gouvernement de cette partie de la Bourgogne, puifque Ægila qui étoit auffi.Patrice Transjurain, vivoit encore.

Après la défaite & la mort d'Amalaric dernier Roi des Vifigots dans les Gaules, Theudas qui avoit été fon tuteur, releva leur Royaume en Espagne, & fes Succeffeurs recouvrérent le Languedoc. Cette belle Province convenoit aux Rois François, pour faire des Pirenées une barriere à leurs Etats; & ils avoient un prétexte de faire la guerre à Leuvigilde qui la poffédoit, & qui regnoit fur les Vifigots en Efpagne. Son fils Hermenigilde, avoit époufé Ingonde fœur de Childebert, & abjuré l'Arianifme à la follicitation de cette Princeffe. Sa converfion fut un fujet de guerre entre lui & fon pere, qui l'ayant pris & enfermé dans une prifon, lui fit donner la mort, parce qu'il avoit refufé de recevoir l'Euchariftie aux Fêtes de Pâques, des mains d'un Evêque Arien. D'ailleurs Hermenigilde avoit un fils d'Ingonde nommé Athanaric, & Leuvigilde les perfécutoit. Childebert qui en étoit irrité, fit entrer le Roi de Bourgogne dans fon reffentiment, & l'engagea à porter la guerre dans les Etats du Roi des Vifigots, dont il étoit plus proche que lui. Gontran envoya donc trois armées dans le Languedoc, mais elles y trouvérent tant de réfistance, Tome II.

B

GONTRAN. qu'elles firent des pertes confiderables, & retourné rent fans autre fruit de cette entreprife, que le ravage du Païs ennemi. Elles n'épargnérent pas à leur retour, les Etats même de leur Souverain, où elles pillérent jufques aux Eglifes..

Gontran moins touché des pertes qu'il avoit faites, que des défordres aufquels fes Soldats s'étoient abandonnés, reprocha à fes Généraux, qu'ils avoient plus fait la guerre à Dieu qu'aux hommes, & leur dit que s'il ne les faifoit pas punir, il craindroit d'en répondre à la Justice divine. Il nomma en effet des Commiffaires pour faire leur procès; mais cette commiffion n'eut point de fuite, parce qu'on fit entendre au Roi, que la licence des Soldats étoit devenuë fi grande pendant les guerres civiles des Rois François qu'ils ne refpectoient plus les Généraux, & qu'ils maffacroient leurs Capitaines, quand ils fe mettoient en devoir de les contenir.. II faloit d'ailleurs ménales troupes, parce qu'on étoit menacé d'une irrup-tion de la part des Vifigots, qui prenoient des Places au Roi de Bourgogne..

ger.

Recaréde avoit fuccédé à fon pere Leuvigilde, & il faifoit la guerre avec d'autant plus d'avantage, qu'ayant abjuré l'Arianifme, les Sujets qu'il avoit dans les Gaules, & qui étoient Catholiques, le fervoient avec affection.Cependant il fouhaitoit la paix, & ayant fait agréer à la Cour d'Auftrafie, les excufes qu'il fit fur le meurtre d'Hermenigilde, & fur les perfécutions que fon pere avoit faites à Ingonde & à fon fils; Gontran qui n'étoit entré dans le Languedoc qu'à la follicitation de Childebert, s'accommoda dès qu'il le vit fatisfait,& qu'on lui reftitua fes Places..

Il ne voulut plus entrer dèflors dans aucune guerre, & refufa de fe joindre à Childebert, lorfqu'il la porta chez les Lombards. Il lui étoit cependant alors d'autant plus attaché, qu'il lui voyoit deux fils. C'é toit, difoit Gontran, un préfent du Ciel, qui vouloit

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