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DISSERTATION.

'Ai acquis une Romaine, trouvée à Befançon en 1734 en creufant des fondations. Comme elle eft certainement antique, &

qu'elle peut fervir à éclaircir quelques points d'Hiftoire & de Littérature, j'ai crû que le Public me fçauroit gré, fi je lui en donnois la description.

La verge de cette Romaine, a fept pouces & demi de longueur, fur deux lignes & demie de largeur à chacune de fes quatre faces. Elle a pour poids, le Bufte d'un Magiftrat Romain, revêtu de la Trabea. L'on voit dans la partie inférieure de ce Bufte, un trou destiné à être rempli d'une matiere étrangere, pour en augmenter le poids & le régler à volonté. Tout y eft de bon goût, bien confervé & couvert d'un vernis, qui en garantit l'antiquité.

Elle fervoit à pefer de trois côtés. Le fort, le moins fort & le foible; en quoi elle différe des notres, qui ne péfent que par deux côtés.

Les onces font marquées dans le côté du foibleIl commence par douze onces, & continuë d'once en once & de livre en livre, jufques à cinq livres dix onces. Les onces y font diftinguées par des traits fur l'arrête de la verge; les demies livres par des lignes. de points; les livres par des lignes continuës; & les cinq livres par le chiffre romain V.

Sur le côté du moins fort, l'on ne trouve que les demies livres & les livres, marquées par des points & des lignes. Il commence par le chiffre romain VI. & finit par vingt deux livres. Les dix, les quinze & vingt livres, y font auffi marquées en chiffre romain.

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Les demies livres ne font pas fur le coté du fort mais feulement les livres ; les cinq & les dix marqués

en chiffres romains. Ce côté commence par vingtcinq livres, & finit par foixante-quatre; enforte qu'avec cette Romaine, qu'on portoit aifément dans fa poche, on pouvoit pefer, depuis une once,jufques à foixante-quatre livres romaines.

Dom de Montfaucon convient, que l'étude des anciens poids renferme des fujets de contestations infinis; & qu'il eft auffi difficile de les concilier entre L'Ant. expl. eux, que de les réduire aux poids modernes. * L'on tom. 5, p. 166. fçait bien en effet, que la livre romaine ancienne, n'étoit que de douze onces. Mais la difficulté refte à déterminer, fi l'once romaine d'aujourd'hui, eft du même poids que l'ancienne.

autres Savot

dailles.

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Des Sçavans ont eftimé, que les douze onces anciennes, n'en pefoient que dix & demie des notres. Ils l'ont prouvé principalement, par le poids des Médailles, & par celui dupied cubique d'eau commuVoyez entre- ne, réglé fur le pied antique. Ma Romaine foutient dans fon Dif. Cette opinion; car les épreuves que j'ai fait faire fur cours fur les Mé- fes différents numero, réduifent les livres de douze onces fuivant qu'elles y font marquées, à peu près à dix onces & demie des notres. Je dis à peu près, parce que la Romaine n'est pas fi jufte de fa nature que la balance; que n'étant pas deftinée à pefer les chofes de prix, on ne la régle pas avec la derniere exactitude; & qu'il eft impoffible que le tems n'ait aporté quelque changement à celle dont je parle, comme il a fait à tous les poids antiques. C'est une des raifons qui font qu'ils ne conviennent pas entre eux. Mais il fuffit que cette Romaine aproche autant qu'elle fait, du poids de dix onces & demie des notres, par chaque livre; pour qu'on en puiffe conclure, que c'étoit le poids de la livre ancienne de douze onces. Premier avantage, que les Sçavans peuvent tirer de ma Romaine.

En voici un second. C'est qu'elle aprend à connoî

tre l'habillement que les anciens apelloient Trabea, & qui étoit réfervé aux premiers Magiftrats de la Ville de Rome; habit d'honneur, dont la forme n'est guére moins incertaine, fuivant Dom de Montfaucon, que celle du Latus clavus. * C'étoit une Toge L'Ant. expl fort pliffée & ornée de bandes, non feulement par les tom-s, pag. 24. bords, mais encore autour du corps. Trabea per totum, purpura fafciis virgifque,veluti trabibus tranfverfis,diftinc ta. Ces bandes qui avoient d'abord été de pourpre, furent dorées à la fuite; * & il n'étoit permis qu'aux veftianá, lib. z, Confuls, aux Préteurs & à ceux qui triomphoient, Aufon in Grat de porter l'habillement nommé Trabea. Il refte à act. rofin. antiq. voir qui eft le Magiftrat qui en eft revêtu, & repréfenté par le poids de ma Romaine.

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* Ferrar. de

cap.5.

lib. 5, cap.34. *Aufon. Ferr. ibid

Il me paroît plus que probable, que c'est un de ceux qui ont fait des Réglemens fur les poids; car par quelle raifon auroit-on attaché à une Romaine le Bufte d'un Magiftrat avec lequel elle n'auroit eu aucune relation? Or on lit dans Ammien Marcellin, que Prétextatus Préfet de Rome fous les Empereurs Valentinien & Valens qui ont regné après le milieu du troifiéme fiécle, avoit reformé les poids dans tout l'Empire. Pondera, per regiones inftituit univerfas, quum aviditati multorum, ex libidine trutinas componentium, occurri nequiver.* D'où je conclus, que le poids Amm. Marcell de ma Romaine, repréfentoit Prétextatus Préfet de Rome, dont on a jetté le Bufte, pour fervir de poids, à des Romaines portatives réformées fuivant fon Réglement, les autorifer & les embellir.

L'on en peut conclure auffi, que les Préfets de Rome avoient droit de porter la Trabea comme les Confuls; conféquence fondée d'ailleurs,fur la grande confidération de la Charge dont ils étoient revêtus.

Cette Charge étoit plus ancienne que celle des Confuls; puifqu'on lit dans Tacite, que lorfque les Rois s'abfentoient de Rome, ils nommoient des Préfets pour rendre la Justice à leur place.Les Con

ib.

27, cap.

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