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toutes les sciences. Elle a parloit ellemême fa langue très - purement: & le langage de fes enfans s'en reffentoit, & faifoit honneur à celle dont les foins maternels avoient ce femble moins eu pour objet de former leurs corps, que leur ftyle. Ses Lettres font citées avec éloge par Cicéron & par Quintilien. C'eft une juftice qu'on rend aux Dames, qu'elles excellent dans le ftyle épiftolaire, qui doit avoir un air simple, intelligible, naturel, accompagné d'élégance & de délicateffe.

Cornélie avoit beaucoup d'autres grandes qualités, qui la rendoient trèsrefpectacle. Juvénal lui attribue un air de hauteur & de fierté, qui, felon lui, diminuoit beaucoup de fon mérite, lorfqu'il dit,, que dans le choix d'une » Epouse on devroit préférer une fim» ple citoyenne de Venouse à Corné» lie mére des Gracques, fi celle-ci, » avec les rares vertus, apportoit un » front fourcilleux, & fi elle prétendoit » que les Triomphes de fon pére duf» fent être comptés dans fa dot.

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a Legimus epiftolas Cornelia matris Gracchorum. Apparet filios non tam in gremio educatos, quàm in fermone matris.Id.ibidem.

211.

Malo

Gracchorum eloquentiæ multum contuliffe accepimus Corneliam matrem, cujus d tiffimus fermo in pofteros quoque eft epiftolis traditus, Quintil.l.1.

Malo Venufinam, quàm te, Cornelia, mater
Gracchorum, fi cum magnis virtutibus affers
Grande fupercilium, & numeras in dote trium-
phos..

entreles

Il faut revenir à fes enfans. A tra-Reffemvers la reffemblance de ces deux fréres blance & diffépour tout ce qui regardoit le coura- rence ge, la tempérance, la, libéralité, lade camagnanimité, on ne laiffoit pas d'ap- racetére percevoir en eux des différences très- deux marquées. Premiérement pour ce qui frères. eft des traits du vifage, du regard, de Plut. la démarche & de tous les mouvemens, Tibérius étoit plus doux & plus pofé, Caius plus vif & plus véhément: de forte que, quand ils parloient en public, le premier fe tenoit toujours dans la même place avec une contenance fage & raflife; & l'autre fat le premier des Romains qui commença à fe donner du mouvement dans la Tribune, allant & revenant d'un côté à un autre, & fe fervant de geftes forts & violens. Cette diverfité s'obfervoit a ff dans le caractére de leur éloquence, véhémente & enflammée dans Caïus, douce & plus prope à émouvoir la compaffion dans Tibérius. La diction de celui-ci étoit pure & extrêmement travaillée; celle de

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Caïus libre & hardie. La même différence fe trouvoit encore dans leur table & dans leur dépense ordinaire. Tibérius étoit fimple & frugal: Caïus, comparé aux autres Romains, étoit fobre & tempérant; mais en comparaifon de fon frère, il paroiffoit donner dans le goût nouveau de fafte & de fomptuofité.

Leurs mœurs n'étoient pas moins différentes dans tout le refte. Tibérius étoit doux, modéré, & poli: Caïus rude, violent, emporté, s'abandonnant dans fes harangues à des mouvemens exceffifs de colére dont il n'étoit plus maître, & à des termes & des tons de voix qui y répondoient. Pour a remédier à cet inconvénient,. toutes les fois qu'il parloit en public, un joueur de flageolet fe tenoit toujours derrière lui; & quand le Muficien fentoit à l'éclat de la voix de Caïus, qu'il s'emportoit, & fe laiffoit dominer par fon feu, il prenoit fur fon inftrument un ton doux, qui ra

me

a C. Gracchus... quoties faut plus jufto concitatos apud populum conciona-re vocando: quia ipfum catus eft, fervum poft fe mu-lor & impetus actionis atfica artis peritum habuit, tentum hujufce temperaqui occultè eburneâ fi-menti æftimatorem effe ftulâ pronunciationis ejus non patiebatur. Val. Max. modos formabat, aut ni- VIII. 10. Vide Cic. de Orat. mis remiffos excitando III. 225.

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menoit l'Orateur à une prononciation plus modérée. Quand au contraire il tomboit dans la langueur, ce qui étoit bien plus rare, ce même Muficien prenant un ton plus haut & plus vif, le réveilloit pour ainfi dire & le ranimoit. C'étoit a une chose bien extraordinaire, que dans une affemblée publique, au milieu de ces actions turbulentes où Caïus jettoit la terreur parmi les Nobles, & où il avoit tout à craindre pour lui-même, il prétât une oreille docile à ce joueur de flageolet, hauffant ou baiffant la voix felon le ton qui lui étoit donné.

Tibérius étoit plus âgé que fon Plut. frére de neuf ans. De là vint que leur entrée dans la conduite des affaires fut féparée par un intervalle confidérable. Et c'est, comme l'observe Plutarque, ce qui contribua le plus à ruiner toutes leurs entreprises & tous leurs deffeins, parce qu'ils ne fleurirent pas ensemble, & qu'ils ne purent unir leur puiffance, qui feroit devenue très-grande, & peut-être même invincible, par cette union.

Tibérius en

core

Tibérius, prefque au fortir de l'enfance, fe rendit fi célébre & fi recom- tout jeu

a. Hæc ei cura inter turbidiflimas actiones, vel

A 6

man

ne eft nommé terrenti optimates, vel ti menti, fuit. Quintil. 1.8. Augure

mandable, qu'on le jugea digne d'être affocié au Collége des Augures, bien plus à caufe de fa vertu, qu'à cause de fa grande naiffance. Et Ap. Claudius, qui avoit été Conful & Cenfeur, & qui étoit actuellement Prince du Sénat, s'empreffa de l'unir à fa famille en lui donnant fa fille en maIl fert riage. Il fervit en Afrique fous Scipion, en Afri- qui avoit époufé fa fœur : & vivant que fous avec lui, il eut lieu d'étudier de près Scipion. ce grand modéle, fi capable d'enflammer fon émulation. Il en profita, & fit preuve de bonne conduite & de bravoure. Il eut la gloire de monter le premier de tous fur le mur de Carthage. Sa douceur & fes maniéres prévenante le firent aimer des troupes, & quand il quitta l'armée, il laissa un très-grand regret dans tous les cœurs.

Puis en

Devenu Quefteur, il eut pour déEfpagne partement l'Espagne, & pour Géné fous ral l'infortuné Mancinus, dont les difMan- graces donnérent occafion à Tibérius comme d'augmenter fa réputation, en monQuef- trant non feulement fon activité & teur.. fon intelligence dans les affaires, mais

cinus

un refpect qui ne lui permit jamais d'oublier ce qu'il devoit à fon Consul', pendant que Mancinus lui-même, at

terré

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