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plus attentif, & faire comme fentir aux autres ce que l'on veut dire.

La matiere ou l'étendue renferme en elle deux proprietez ou deux facultez. La premiere faculté eft celle de recevoir differentes figures, & la feconde eft la capacité d'être mûë. De même l'efprit de l'homme renferme deux facultez; la premiere qui est l'entendement, eft celle de recevoir plufieurs idées, c'est-à-dire, d'appercevoir plufieurs choses; la feconde qui eft la volonté, eft celle de recevoir plufieurs inclinations, ou de vou loir differentes chofes. Nous expli querons d'abord les rapports qui fe trouvent entre la premiere des deux facultez qui appartiennent à la matiere, & la premiere de celles qui appartiennent à l'efprit.

L'étendue eft capable de recevoir de deux fortes de figures. Les unes font feulement exterieures, comme la rondeur à un morceau de cire: les autres font interieures, & ce font celles qui font propres à toutes les petites parties, dont la cire eft compofée; car il eft indubitable, que toutes les petites parties qui compofent un morceau de cire, ont des figures

fort differentes de celles, qui compofent un morceau de fer. J'appelle donc fimplement figure celle qui eft exterieure, & j'appelle configuration, la figure qui eft interieure, & qui eft neceffaire à toutes les parties dont la cire eft compofée, afin qu'elle foit ce qu'elle eft.

On peut dire de même, que les perceptions que l'ame a des idées, font de deux fortes. Les premieres que l'on appelle perceptions pures, font, pour ainfi dire, fuperficielles à l'ame: elles ne la penetrent & ne la modifient pas fenfiblement. Les fecondes qu'on appelle fenfibles, la penetrent plus ou moins vivement. Telles font le plaifir & la douleur, la lumiere & les couleurs, les faveurs, les odeurs, &c. Car on fera voir dans la fuite, que les fenfations ne font rien autre chofe que des manieres d'être de l'efprit; & c'eft pour cela que je les appellerai des modifications de l'efprit.

On pourroit appeller auffi les inclinations de l'ame des modifications de la même ame. Car puifqu'il eft conftant, que l'inclination de la volonté eft une maniere d'être de l'ame, on pourroit l'appeller modification de

que

l'ame; ainfi que le mouvement dans les corps étant une maniere d'être des mêmes corps, on pourroit dire le mouvement eft une modification de là matiere. Cependant je n'appelle pas les inclinations de la volonté, ni les mouvemens de la matiere des modifications, parce que ces inclinations & ces mouvemens ont ordinairement rapport à quelque chofe d'exterieur; car les inclinations ont rapport au bien, & les mouvemens ont rapport à quelque corps étranger. Mais les figures & les configurations des corps, & les fenfations de l'ame, n'ont aucun rapport neceffaire au dehors. Car de même qu'une figure eft ronde, lorfque toutes les parties exterieures d'un corps font également éloignées d'une de fes parties qu'on appelle le centre, fans aucun rapport à ceux de dehors: ainfi toutes les fenfations dont nous fommes capables pourroient fubfifter, fans qu'il y eût aucun objet hors de nous. Leur être n'enferme point de rapport neceffaire avec les corps qui femblent les caufer, comme on le prouvera ailleurs ; & elles ne font rien autre chofe que l'ame modifiée d'une telle ou telle fa

çon de forte qu'elles font propre ment les modifications de l'ame. Qu'il me foit donc permis de les nommer ainfi pour m'expliquer.

La premiere & la principale des convenances qui se trouvent entre la faculté qu'a la matiere de recevoir differentes figures & differentes configurations, & celle qu'a l'ame de recevoir differentes idées & differentes modifications, c'eft que de même que la faculté de recevoir differentes figures & differentes configurations dans corps, eft entierement paffive, & ne renferme aucune action: ainfi la faculté de recevoir differentes idées & differentes modifications dans l'efprit, eft entierement paffive, & ne renferme aucune action ; & j'appelle cette faculté, ou cette capacité qu'a l'ame de recevoir toutes ces chofes, ENTENDEMENT.

les

D'où il faut conclure, que c'eft l'entendement qui apperçoit ou qui connoît, puifqu'il n'y a que lui qui reçoive les idées des objets; car c'eft une même chose à l'ame d'appercevoir un objet, que de recevoir l'idée qui le reprefente. C'eft auffi l'entendement qui apperçoit les modifica

tions de l'ame, ou qui les fent, puifque j'entens par ce mot entendement, cette faculté paffive de l'ame, par laquelle elle reçoit toutes les differentes modifications dont elle eft capable. Car c'eft la même chofe à l'ame de recevoir la maniere d'être qu'on appelle la douleur, que d'appercevoir ou de fentir la douleur ; puifqu'elle ne peut recevoir la douleur d'autre maniere qu'en l'appercevant. D'où l'on peut conclure, que c'eft l'entendement qui imagine les objets abfens, & qui fent ceux qui font prefens ; & que les fens & l'imagination ne font que l'entendement, appercevant les objets par les organes du corps, ainfi que nous expliquerons dans la fuite.

Or parce que quand on fent de la douleur, ou autre chofe, on l'apperçoit d'ordinaire par l'entremife des organes des fens les hommes difent ordinairement, que ce font les fens qui l'apperçoivent, fans fçavoir diftinctement ce qu'ils entendent par le terme de fens. Ils penfent qu'il y a quelque faculté diftinguée de l'ame, qui la rend elle ou le corps capable de fentir car ils croyent que les organes des fens ont veritablement part

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