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puerorum a

10. Chap.1

Il est inutile de combattre par des forum quam écrits publics des erreurs groffiéres, more comproparce qu'elles ne font point conta- baretur. gieufes. II eft ridicule d'avertir les Quintilien 1. hommes, que les hypocondriaques fe trompent, ils le fçavent affez. Mais fi ceux dont ils font beaucoup d'eftime fe trompent, il eft toûjours utile de les en avertir, de peur qu'ils ne fuivent leurs erreurs. Or il est visible que l'efprit de Seneque eftun efprit d'orgueil & de vanité. Ainfi puifque l'orgueil, felon l'Ecriture,eft la fource du peché, Initium peccati fuperbia, L'efprit de Seneque ne peut être l'efprit de l'Evangile, ni la Morale s'allier avec la Morale de Jefus-Christ, laquelle feule eft folide & véritable.

Il est vrai que toutes les pensées de Seneque ne font pas fauffes, ni danigereufes. Cet Auteur fe peut lire avec profit par ceux qui ont l'efprit jufte,& qui fçavent le fond de la Morale Chrêtienne. De grands hommes s'en font fervi utilement, & je n'ai garde de condamner ceux qui pour s'accommoder à la foibleffe des autres hommes, qui avoient trop d'eftime -pour lui, ont tiré des ouvrages de cet Auteur, des preuves pour défendre la Ya y

Morale de Jefus-Chrift,& pour combattre ainfi les ennemis de l'Evangi le par leurs propres armes.

Il y a de bonnes chofes dans l'AIcoran, & l'on trouve des Propheties véritables dans les Centuries de Noftradamus: on fe fert de l'Alcoran pour combattre la Religion des Turcs; & l'on peut fe fervir des Propheties de Noftradamus, pour con vaincre quelques efprits bizarres & vifionnaires. Mais ce qu'il y a de bon dans l'Alcoran, ne fait pas que l'AL coran foit un bon livre, & quelques véritables explications des Centuries. de Noftradamus ne feront jamais. paffer Noftradamus pour un Prophete; & l'on ne peut pas dire què ceux qui fe fervent de ces Auteurs les approuvent, ou qu'ils ayent pour eux une eftime véritable.

On ne doit pas prétendre combattre ce que j'ai avancé de Seneque, en rapportant un grand nombre de paffages de cet Auteur, qui ne contiennent que des véritez folides & conformes à l'Evangile: je tombe d'ac-cord qu'il y en a, mais il y en a auffi dans l'Alcoran & dans les autres méchans livres. On auroit tort de mê

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me de m'accabler de l'autorité d'une infinité de gens qui fe font fervis de Seneque, parce qu'on peut quelquefois fe fervir d'un livre que l'on croit impertinent, pourvû que ceux à qui l'on parle, n'en portent pas le même jugement que nous,

Pour ruiner toute la fageffe des Stoïques, il ne faut fçavoir qu'une feule chofe, qui est assez prouvée par l'expérience & par ce que l'on a déja dit: c'eft que nous tenons à nôtre corps, à nos parens, à nos amis, à nôtre Prince, à nôtre patrie par des liens que nous ne pouvons rompre, & que même nous aurions honte de tâcher de rompre. Nôtre ame est unie à nôtre corps, & par notre corps à toutes les chofes vifibles par une main fi puiffante, qu'il eft impoffible: par nous-mêmes de nous en détacher.. Il eft impoffible qu'on pique nôtre corps, fans que l'on nous pique, & que l'on nous bleffe nous-mêmes, parce que dans l'état où nous fommes, cette correfpondance de nous avec le corps qui eft à nous, eft abfolument nécellaire. De même, il eft impoffi ble qu'on nous dife des injures & qu'on nous méprife, fans que nous

en fentions du chagrin: parce que Dieu nous ayant faits pour être en focieté avec les autres hommes, il nous a donné une inclination pour tout ce qui eft capable de nous lier avec eux, laquelle nous ne pouvons vaincre par nous-mêmes. If eft chimerique de dire que la douleur ne nous bleffe pas, & que les paroles de mépris ne font pas capables denous offenfer, parce qu'on eft audeffus de tout cela.. On n'est jamais au-deflus de la nature, fi ce n'eft par la grace; & jamais Stoïque ne mé prifa la gloire & l'eftime des hommes, par les feules forces de fon efprit.

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Les hommes peuvent bien vaincre leurs paffions par des paffions contraires. Ils peuvent vaincre la peur, ou la douleur par vanité ; je veux dire feulement, qu'ils peuvent ne pas fuir ou ne pas fe plaindre, lorfque fe fentant en vûë à bien du monde, le: defir de la gloire les foûtient,. & arrête dans leur corps les mouvemens » qui les portent à la fuite. Ils peuvent : vaincre de cette forte; mais ce n'eft pas là vaincre, ce n'est pas là fe dé livrer de la fervitude: c'est peut-

être changer de maître pour quelque tems; ou plûtôt c'est étendre fon efclavage: c'est devenir fage, heu- reux, & libre feulement en apparence, & fouffrir en effet une dure & cruelle fervitude. On peut résister à l'union naturelle que l'on a avec fon corps, par l'union que l'on a avec les hommes; parce qu'on peut résister à la nature par les forces de la nature on peut résister à Dieu par les forces que Dieu nous donne. Mais on ne peut réfifter par les forces de fon efprit: on ne peut entierement-vaincre la nature que par la grace; parce qu'on ne peut, s'il eft permis de parfer ainfi, vaincre Dieu, que par un fecours particulier de Dieu.

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Ainfi cete divifion magnifique d toutes les chofes qui ne dépendent point de nous, & defquelles nous ne devons point dépendre, eft une divifion, qui femble conforme à la raifon; mais qui n'est point conforme à l'état déréglé, auquel le peché nous a réduits. Nous fommes unis à tou-tes les créatures par l'ordre de Dieu, & nous en dépendons abfolumént. par le défordre du peché. De forte: que nous ne pouvons être heureux

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