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découvrons avec les microfcopes, & par la raison. Nous n'appercevons point par nôtre vûë, de plus perit corps qu'un ciron, ou une mite. La moitié d'un ciron n'eft rien, fi nous. croyons le rapport qu'elle nous en fait. Une mite n'eft qu'un point de Mathé matique à fon égard; on ne peut la divifer fans l'anéantir. Nôtre vûë ne nous repréfente donc point l'étenduë, felon ce qu'elle eft en elle-même; mais feulement ce qu'elle eft par rapport ài nôtre corps: & parce que la moitié: d'une mite n'a pas un rapport confidérable à nôtre corps, & que cela ne: peut ni le conferver ni le détruire, nôtre vûë nous le cache entiérement.

Mais fi nous avions les yeux faits comme des microfcopes, ou plûtôt fi nous étions auffi petits que les cirons> & les mites, nous jugerions tout au→ trement de la grandeur des corps. Car fans doute ces petits animaux ont les yeux difpofez pour voir ce qui les en-i vironne, & leur propre corps beau coup plus grand ou compofé d'un plus grand nombre de parties que nous ne le voyons: puis qu'autrement ils n'en pourroient pas recevoir les impreffions néceffaires à la confervation de leur

vie, & qu'ainfi les yeux qu'ils ont, leur feroient entiérement inutiles.

Mais afin de fe mieux perfuader de tout ceci, nous devons confidérer, que nos propres yeux ne font en effet que des lunettes naturelles ; que leurs humeurs font le même effet que les verres dans les lunettes ; & que felon la fituation qu'ils gardent entr'eux, & felon la figure du cryftalin, & de fon C'eft le éloignement de la retine,nous voyons nerf optique les objets différemment. De forte qu'on ne peut pas affurer qu'il y ait deux hommes dans le monde, qui les voyent précisément de la même grandeur, ou compofez de femblables parties, puis qu'on ne peut pas affurer, que leurs yeux foient tout-à-fait femblables.

Tous les hommes voyent les objets de la même grandeur en ce fens, qu'ils les voyent compris dans les mêmes bornes, ou par des angles égaux. Car ils en voyent les extrémitez par des lignes droites, & qui compofent un angle vifuel qui eft fenfiblement égal, lorfque les objets font vûs d'une égale diftance. Mais il n'eft pas cerrain que l'idée fenfible qu'ils ont de la grandeur d'un même objer foit égal en eux ? parce que les moyens qu'ils ont de

juger de la diftance, dont dépend la grandeur de cette idée, ne font pas égaux. De plus, ceux dont les fibres du nerf optique font plus petites & plus délicates, peuvent remarquer dans un objet beaucoup plus de parties, que ceux dont ce nerf eft d'un tiffu plus groffier.

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Il n'y a rien de fi facile que de dé- Voyez la montrer géométriquement toutes ces de M. Def. Dioptrique chofes ; & fi elles n'étoient pas affez cartes. connuës, on s'arrêteroit davantage à. les prouver. Mais parce que plufieurs perfonnes ont déja traité ces matiéres, on prie ceux qui s'en veulent inftruire, de les confulter.

caractére

le

Puifqu'il n'eft pas certain qu'il y ait deux hommes dans le monde, qui voyent les objets de la même grandeur; & que quelquefois un même un de mes homme les voit plus grands de l'oeil amis veit gauche que du droit, felon les obfer-colore vations que l'on en a faites, qui font d'un Livre plus gros de rapportées dans le Journal des Sçavans Til droit de Rome, du mois de Janvier 1669. il que du gau eft vifible, qu'il ne faut pas nous fier che. au rapport de nos yeux pour en juger. Il vaut mieux écouter la raifon qui nous prouve, que nous ne fçaurions déterminer quelle eft la grandeur ab

folue des corps qui nous environnent, ni quelle idée nous devons avoir de l'étendue d'un pied en quarré, ou de celle de nôtre propre corps, afın que cette idée nous le repréfente tel qu'il eft. Car la raifon nous apprend, que le plus petit de tous les corps ne feroit point petit s'il étoit feul, puifqu'il eft compofé d'un nombre infini de parties, de chacune defquelles Dieu peut former une terre, qui ne feroit qu'un point à l'égard des autres jointes enTemble. Ainfi l'efprit de l'homme n'eft pas capable de fe former une idée affez grande, pour comprendre & pour embraffer la plus petite étendue qui foit au monde, puifqu'il eft borné, & que cette idée doit être infinie.

A

Il eft vrai que l'efprit peut connoître à-peu-prés les rapports qui fe trouvent entre ces infinis, dont le monde eft compofé; que l'un, par exemple, eft double de l'autre, & qu'une toife contient fix pieds: mais cependant il ne peut fe former une idée, qui représente ce que ces choses sont en elles-mêmes.

Je veux toutefois fuppofer, que l'ef prit foit capable d'idées, qui égalent ou qui mefurent l'étendue des corpe

que nous voyons; car il eft affez difficile de bien perfuader aux hommes le contraire. Examinons donc ce qu'on peut conclure de cette fuppofition. On en conclura fans doute, que Dieu ne nous trompe pas; qu'il ne nous a pas donné des yeux femblables aux lunettes, qui groffiffent ou qui diminuent les objets ; & qu'ainfi nous devons croire que nos yeux nous repréfentent les chofes comme elles font.

Il eft vrai que Dieu ne nous trompe jamais, mais nous nous trompons fouvent nous-mêmes, en jugeant des chofes avec trop de précipitation. Car nous jugeons fouvent que les objets dont nous avons des idées, éxiftent, & même qu'ils font tout-à-fait femblables à ces idées; & il arrivent souvent, que ces objets ne font point femblables à nos idées, & même qu'ils n'exiftent point.

De ce que nous avons l'idée d'une chose, il ne s'enfuit pas qu'elle exifté, & encore moins qu'elle foit entiérement femblable à l'idée que nous en avons. De ce que Dieu nous fait avoir une telle idée fenfible de grandeur, lors qu'une toife eft devant nos yeux, il ne s'enfuit pas que cette toife n'ait

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