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que rien ne leur paroît folide, s'il ne fait quelque impreffion fur leurs fens.

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fentit, nifi

Le peché du premier homme á tellement affoibli l'union de notre efprit avec Dieu, qu'el- Mens, le ne fe fait fentir qu'à ceux dont quod non le cœur eft purifié, & l'efprit cum purif éclairé; car cette union paroît fima & imaginaire à tous ceux qui fui- eft, nulli vent aveuglément les jugemens cohæret, des fens & les mouvemens des nifi ipfi ve ritati, qua paffions.

beatiffima

fimilitudo

litt

lib.

Au contraire, il a tellement & imagopatris, & fortifié l'union de notre ame a- fapientia vec notre corps, qu'il nous fem- dicitur. ble que ces deux parties de imp. de Aug. nous-mêmes ne foient plus Gen. adt qu'une même fubstance; ou plûtoft il nous a de telle forte affujettis à nos fens & à nos paf-fions, que nous fommes portez à croire, que notre corps eft la principale des deux parties dont nous fommes compofez..

Lorfque l'on confidére les différentes occupations des hommes, il y a tout fujet de croire qu'il ont un fentiment fi bas & fi groffier d'eux-mêmes. Car comme ils aiment tous la felicité, & la perfection de leur être, & qu'ils ne travaillent que pour fe rendre plus heureux & plus parfaits,ne doit-on pas juger qu'ils ont plus d'estime de leur corps & des biens du corps, que de leur efprit & des biens de l'efprit, lorfqu'on les voit prefque toûjours occupez aux chofes qui ont rapport aux corps & qu'ils ne penfent prefque ja mais à celles qui font abfolument néceffaires à la perfection de leur efprit ?

Le plus grand nombre ne travaille avec tant d'affiduité & de peine que pour foûtenir une miférable vie, & pour laiffer à

leurs enfans quelques fecours néceffaires à la confervation

de leur corps.

Ceux, qui par le bonheur, ou le hazard de leur naiffance, ne font point fujets à cette neceffité, ne font pas mieux connoître par leurs exercices & par leurs emplois, qu'ils regardent leur ame comme la plus noble partie de leur être. La chaffe, la danfe, le jeu, la bonne chére font leurs occupations ordinaires. Leur ame efclave du corps eftime & chérit tous ces divertiffemens, quoique tout à fait indignes d'elle. Mais parce que leur corps a rapport à tous les objets fenfi bles, elle n'eft pa's feulement ef clave du corps, mais elle l'eft encore, par le corps ou à caufe du corps, de toutes les chofes fenfibles. Car c'eft par le corps

qu'ils font unis à leurs parens, leurs amis, à leur ville, à leur charge, & à tous les biens fenfibles, dont la confervation leur paroît auffi néceffaire & auffi eftimable, que la conservation de leur être propre. Ainfi le foin de leurs biens & le défir de les augmenter, la paffion pour la gloire & pour la grandeur les agite & les occupe infiniment plus que la perfection de leur

ame.

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Les fçavans mêmes, & ceux qui fe picquent d'efprit, paffent plus de la moitié de leur vie dans des actions purement. animales, ou telles,qu'elles donnent à penfer qu'ils font plus. d'état de leur fanté, de leurs biens & de leur réputation, que de la perfection de leur efprit.. Ils étudient plûtoft pour acquerir une grandeur chiméri

que, dans l'imagination des au tres hommes, que pour donner à leur efprit plus de force & plus d'étendue. Ils font de leur tête une efpéce de garde-meuble,dans lequel ils entaffent fans difcernement & fans ordre,tour ce qui porte un certain caracté→ re d'érudition; je veux dire tout ce qui peut paroître rare & extraordinaire, & exciter l'admiration des autres hommes. Ils font gloire de reffembler à ces cabinets de curiofitez & d'antiques, qui n'ont rien de riche ni de folide, & dont le prix ne dépend que de la fantaisie, de la paffion & du hazard; & ils ne travaillent prefque jamais à fe rendre l'efprit jufte, & à regler les mouvemens de leur

cœur..

Ce n'eft pas toutefois que Les hommes ignorent entiere

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