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J'ai raifon de placer cette démarche, & cette expédition, dès le commencement de fon tegne vers l'an 490. L'autre révolution arrivée de fon tems regarde les François, & la guerre qu'ils firent aux Armoriquains fes fujets. C'est Procope, qui nous en apprend les citconftances en parlant des Arborichs, qu'on ne doit point diftinguer des Armoriquains, comine je le fais voir ailleurs dans le nombre 18. & ce qu'il dit fur ce fujet s'accorde parfaitement avec ce que nous lifons dans Grégoire de Tours, des guerres des Childeric & de Clovis; joint à ce que des Conciles entiers ont avancé fur les Traités faits dès le commencement, entre les François & les Bretons, & enfin à ce que les plus anciens Auteurs rapportent en particulier du tegne de Budic. Tâchons de raflembler toutes ces preuves, & de nous en fervir pour éclaircir, & pour appliquer à notre fujet le paffage de Procope. Selon cet Auteur, les François voifins de ce peuple, qu'il appelle Arborichs, l'avoient fréquemment attaqué, tantôt avec une partie de leurs troupes feulement, & tantôt avec toutes leurs forces. Mais tous ces efforts furent inutiles. Ce peuple fe défendoit toujours

avec la même vigueur, & cette guerre duroit encore lorfque les François étoient Chrétiens; ce qui n'arriva pour toute la nation, qu'après la converfion de leur Roi l'an 496. Il femble que ce font ces mêmes expéditions, que Gregoire de Tours avoit en vûë, lorsqu'il faifoit le récit, à la vérité fort confus & fort abregé, des ravages, que Childeric fit far les frontieres des Armoriques, depuis les Villes d'Orléans & d'Angers jufqu'aux Iles de la Loire, & lorfque fous le regne de Clovis il reconnoiffoit, que ce Conquérant entreprit plufieurs guerres. D'un autre côté la Chronique des Rois Bretons Armoriquains, dans le peu qu'elle nous apprend de Budic,nous fait entendre,qu'il défendit courageufement fon Royaume. contre les attaques des ennemis: on voit que les témoignages de ces trois différens Auteurs s'accordent parfaitement. Procope ajoûte, que cette guerre ne put fe terminer, que par un Traité d'alliance, auquel on ajoûtoit la liberté de contracter indifféremment des mariages dans l'une & dans l'autre nation, de maniere qu'elles ne faifoient plus en quelque forte qu'un même peuple. Grégoire de Tours garde à la vérité fur cet.

article un profond filence. Vous diriez qu'il affecte de diffimuler tout ce qui regarde la premiere union des François & des Bretons. Mais ce Traité n'étoit pas moins une chofe conftante, puifque Loup Abbé de Ferrieres dans fa Lettre 84. ou comme quelques uns le difent,plufieurs Prélats de France affemblés à Paris vers l'an 8 49. parlent d'une négociation concertée dès le premier établiffement des François entre ces: deux nations, comme d'un fait conftant & notoire. Nos propres Hiftoriens, je veux dire, un des plus exacts, & des plus fidéles, qui a cité les plus anciens Auteurs, qu'il avoit lûs avec foin, ne nous éloignent pas beaucoup de cette idée, lorfqu'il donne au Roi Budic la gloire d'avoir confervé fon Royaume en paix, depuis la mort de Hengift & long-tems après, c'eft-à-dire, après l'an 494. Certes un Roi tel que Budic, fi voifin de Clovis, ne pouvoit demeurer en paix, qu'à la faveur de quelques Traités & de quelque alliance. Et pour celle qui venoit des mariages, que ces peuples pouvoient contracter enfemble, conformément aux conditions de ces Traités, l'Hiftoire en fournit plus d'un exemple. Il eft vrai que

cette union ne fubfifta pas long-tems, comme j'en ai déja touché quelque chofe dans le Nombre précédent. Et que les Rois Bretons, & leurs fujets perdirent plus dans cette apparence de paix, qu'on n'avoit pû leur enlever dans la plus opiniâtre guerre. On en verra la preuve & le détail fous le regne fuivant. Je paffe à l'alliance de Budic.

X.

Alliance de Budic.

C'eft dans la vie de Saint Oudocée l'un des enfans de ce Roi, qu'on doit chercher véritablement le nom de fon époufe, & les autres particularités, qui regardent la famille d'où elle fortoit. On peut croire que l'Auteur, qui s'étend beaucoup fur ces circonftances en étoit mieux informé qu'un autre. Il l'appelle Anaumed, quoique d'autres lui donnent les noms d'Anne ou d'Enime, qui font à la vérité plus différens dans le fond. Elle étoit, dit-il, fille d'Enfie & de Guenhah, & par fa mere petite fille de Linonuus, & fœur de Pilluftre Saint Theliane, qui remplit fi dignement les premiers fiéges de la

que

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Grande Bretagne,ayant par conféquenr comme lui pour oncle le fameux Saint David Evêque de Menevic, defcendu des anciens Princes du pays de Walle, & qui étoit lui-même oncle d'Artur fouverain de la Grande Bretagne,fi renommé dans les Hiftoires de cette Ifle. Puifqu'elle étoit niéce de l'oncle d'Artur, elle étoit au moins coafine de te Roi. C'eft, ce me femble, tout ce qu'on peut conclure des vies de Saint David, de Saint Theliane, & de Saint Oudocée. Et c'eft auffi ce qu'on peut dire de plus jufte fur cette matiere. Car je crois le faux Geffroi de Monmouth, ou Interpolateur de cet ouvrage, tel que nous l'avons, qui l'appelle Anne, pouf fe la chofe trop loin, quand il dit qu'elle étoit propre fœur de ce Roi née du même pere, & de la même mere. Il ne paroît pas, fur-tout fi l'on s'en tient-à fes propres termes, qu'Artur ait été fils d'Enfie,ni apparemment de Guenhaf, fi ce n'eft qu'on veuille que Guenhaf fur le même que la Reine Gueneevrs, qui n'auroit pas été la feconde femine d'Artur, mais la mere, dite pour cela fa Reine, Regina fua, & la même que Geffroi nomme Igerna. Ce ne fut point auffi Budic qu'Anne fœur d'Artur

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