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Elian. 1. 2.

c. 27.

nombre de connoiffances (d); Com me ceux qui mangent beaucoup, ne jouiffent pas d'une meilleure fanté que ceux qui fe bornent à leur néceffaire, de même ce ne font pas ceux qui ont lu davantage, ou appris plus de chofes, qui doivent paffer pour les plus habiles, mais ceux qui ont lû & appris les plus utiles.

III. Anniceris de Cyrenne (e) avoit

(d) La repartie d'Ariftipe eft fort fenfée. Il vaut mieux fçavoir peu, & pofféder quel que Science utile, que de fçavoir beaucoup & fe charger l'efprit d'une multitude de connoiffances inutiles. Un Poëte dit agréable

ment:

Die me garde d'être fçavant
D'une science si profonde;
Les plus doctes le plus fouvent,
Sont les plus ignorans du monde.

Nous avons dit qui étoit ce Philofophe dans le Chapitre 5, Livre II, lette a.

(e) Difciple d'Ariftipe, Auteur de la Secte des Annicériens, qui eft une branche de la Secte Cyrénaïque. Quelle occupation pour un Philofophe de conduire des chevaux! Quel rapport cet exercice a-t-il avec l'étude de la Philofophie? Le Jugement de Platon à fon fujet, eft une Leçon fort fage pour tous ceux qui négligeant les devoirs de leur état, se livrent à des amusemens frivoles, & dont ils ne tirent ni gloire ni avantage.

une grande opinion de lui-même, à caufe de fon habileté à monter à cheval, & à conduire un char. Voulant donc en donner une preuve à Platon (f), il fit plufieurs tours dans le manége, frayant avec tant d'adresse le premier cercle que les roues de fon chariot avoient tracé fur le fable, qu'il ne s'en écarta pas même d'une ligne. Tous les Spectateurs furent ébahis à la vue de ce prodige, & comblerent le Cocher de louanges. Il n'y eut que Platon qui jugea cette habileté plus digne de réprimandes que d'éloges, & qui dit, qu'il ne fe pouvoit pas faire, qu'un homme qui avoit donné tant de temps d'application à des bagatelles, & à des choLes qui ne font d'aucune utilité, n'eût négligé pour cela le foin de chofes plus avantageufes, & véritablement dignes d'admiration.

Il y a une industrie qui n'eft qu'une Quintil. I. fauffe imitation de l'Art, où l'homme 2. c. 21. épuife vainement fon travail. Telle a été l'adreffe d'un homme qui fichoit dans la pointe d'une aiguille, à plufieurs coups réitérés, fans jamais en

(f) Voyez plus haut, Chap. 2. lettre c.

Martial. 1. 2. Epig. 86.

De Cor.Eloq.

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manquer un feul, des grains de pois,
qu'il fouffloit de fa bouche dans un
éloignement affez confidérable (g).
Alexandre l'ayant regardé quelque
temps, lui fit donner en préfent un
boiffeau de cette même légume: di-
gne récompenfe, & fagement propor-
tionnée à fon objet.

C'est le travail d'un Fou, d'épuifer fa cervelle
Sur des riens fatiguans, fur quelque bagatelle.

(h) Quelle place peuvent trouver les beaux Arts dans l'efprit d'un jeune homme totalement obfédé & envahi par les paffions de la Comédie & de

(g) Nous en avons parlé dans les Notes du Livre I, Chapitre 6, lettre e.

(b) L'Evangile dit que perfonne ne peut fervir deux Maitres, nemo poteft Dominis fervire duobus, & l'on voit des peres affez déraifonnables pour vouloir que leurs enfans en fervent quatre ou cinq, & même plus à la fois. Souvent, pour trop exiger d'eux, on n'en tire rien. Les Etudes fuffisent pour occuper tout le temps de la jeuneffe, & pour attirer toute l'attention dont cet âge ell сараble, fans le diftraire par d'autres exercices, ou inutiles, ou même préjudiciables aux Belles-Lettres. Age quod agis, dit un ancien Proverbe, c'eft-à-dire, que pour bien faire une chofe, il n'en faut point faire d'autre, & s'employer uniquement à celle-là.

l'exercice, foit des Gladiateurs (i), foit des Chevaux?

IV. Quand la vie de l'homme fe- Senec. Ep. roit plus longue qu'elle ne l'eft en ef- 48. fet, il devroit néanmoins en ufer avec épargne, pour fuffire à fes devoirs effentiels. Quel excès de folie eft-ce donc dans une fi grande difette de temps, de s'appliquer à des connoiffances inutiles!

per

La Nature ne nous a pas fait pré- Ep. 117. fent du temps avec tant de bonté & de libéralité, pour qu'il nous fût mis d'en perdre la moindre partie. Voyez pourtant combien il en échappe à ceux qui en font les plus ménagers. La maladie en emporte d'un

(i) Ce mot vient du Latin, Gladius,Epée, parce que l'exercice des Gladiateurs confiftoit à fe battre à coup d'épées fous un Maître d'efcrime dans les Jeux publics. Il n'y eut d'abord que des Efclaves qui fuivirent cette malheureuse profeffion; mais l'avidité du gain, qui poffede également les personnes libres, y attira beaucoup de jeunes gens de toute forte de condition. Il n'étoit point permis aux Gladiateurs de jetter le moindre cri quand ils fe fentoient bleffés, & ils étoient obligés de fouffrir la mort fans fe défendre, quand le Prince ou le Peuple l'ordonnoit. On donnoit au vainqueur une récompenfe d'argent, & on les couronnoit folemnellement.

côté, celle de nos amis en emporte de l'autre. Nos affaires particulieres en dérobent quelque portion, & les affaires publiques occupent le refte. Le fommeil partage la vie de moitié avec nous. Quel avantage avons-nous donc à employer à fonds perdu la plus grande partie d'un temps fi étroit, fi rapide, & qui nous enlevé fi-tôt peu de temps (k)!

(k) Cette réflexion de Seneque eft fort judicieufe. Les Vers fuivans ont avec elle une fi grande conformité, que j'ai cru devoir les citer, pour enrichir la mémoire des jeunes

gens.

Le tems, d'un infenfible cours,
Nous porte à la fin de nos jours,
C'est à notre fage conduite,
Sans murmurer de ce défaut,
De nous confoler de fa fuite,
En le ménageant comme il faut,

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