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avec affez de pompe & avec une affez nombreufe affemblée de peuple, pour faire oublier à un Miffionaire étranger qu'il eft hors l'Europe & dans le centre du Mahometisme. Monfeigneur Pidoux de Saint-Olon, ReHigieux Theatin & Evêque de Babylone, prononça en Armenien le panégyrique du Saint; deux Evêques & tous les Miffionaires d'Ifpahan & de Julfa affifterent à la cérémonie.

Mellieurs les Cheriinanis, dont le Miffionaire a déja fait de grands éloges, le mirent en ce tems là dans l'occafion de leur marquer fa reconnoiffance d'une maniere effetive ils le prierent de fe charger de l'inftruction de leurs enfans, & de beaucoup d'autres des familles les plus diftinguées de Julfa lui & les autres Jefuites leur avoient trop d'obligation pour refufer de leur rendre ce fervice; le Pere accepta de bon cœur cette commiffion, il s'y porta avec ardeur, & l'école commençoit déja avec fuccès lorfqu'un de ces coups imprévûs, qui dérangent en un moment les projets les mieux concertez, renverfa toutes les mefures qu'il avoit prifes pour l'éducation chrétienne de prefque tous les enfans de Julfa.

On reçut inopinément la trifte nouvelle de la mort du Pere Roche, Supérieur Général des Millions de la Compagnie dans la Perfe & dans l'Armenie: il venoit de prodiguer fa

vie

vie au fervice des peftiferez à Erzerom, de forte que cette floriffante Miflion étoit reftée fans Prêtre & fans autre Jefuite qu'un Frere expert en Medecine, en danger de périr par conféquent faute d'ouvriers qui la foûtinffent & qui recueilliffent l'abondante moiffon qui étoit toute préparée. Des trois Miffionaires qui étoient à Julfa, le Pere le Vert, qui étoit Supérieur de la Miffion, venoit de partir pour les Indes; le Pere Bouchet ne pouvoit la quitter par les engagemens qu'il avoit pris avec les Armeniens les plus qualifiez, & qui étoient comme les arboutans de la Miffion. Le fort tomba donc fur notre Miffionaire : il adora la Providence qui le chargeoit de l'importante commiffion, de foûtenir & d'accroître tout le bien que fes Freres avoient fait depuis long-tems à Erzerom. Plein de confiance en cette même Providence, il partit dès le landemain pour Erzerom, & & ille fit avec tant de précipitation, qu'il n'eut ni le loifir, ni même la pensée de faire aucun préparatif pour fon voyage, qui étoit cependant de trois cens lieues, dans la faifon de l'année la plus rude,

H

I

Cinquième Voyage d'Ifpahan à
Erzerom.

L fe joignit le 5. Décembre de l'an 1690. à une petite caravane qui alloit à Tauris, avec laquelle il ne fit ce jour-là que traverfer pendant deux grandes heures la ville d'Ifpahan,, & s'arrêta à un Cara anfaras appellé Touchti. Le 6. à la pointe du jour on fe mit en chemin, & le gîte fut à un village nommé Rik, qui veut dire en Perfan gravier, parce que les avenues en font couvertes de fable, & femées de petites pierres qui ne laiffent pas de rendre le chemin incommode.

Le 7. quoique le froit fût affez piquant pour un commencement d'hyver, on partit vers le minuit ; & après une marche de dix heures on campa à un Caravanfaraş appellé Serdahan, qui fignifie la bouche du froid; on lui a donné ce nom parce que c'eft un lieu fujet à des vents fort froids; car il faut remarquer que par tout le Royaume de Perfe on fouffre autant de la froidure dès l'approche de la nuit, que de la chaleur pendant le jour.

Le 8. étant parti à trois heures après

minuit, on arriva yers midi à Howr Caravansaras vis-à-vis la petite ville de Natans, où l'année précedente le Pere fût obligé de s'arrêter à caufe de fa maladie; vers le milieu du chemin de Serdahan à Howr, on trouve un palais du Roi avec des jardins délicieux.

Le 9. la marche fut très-fatiguante; on fut à cheval depuis neuf heures du foir jufqu'à neuf heures du matin. Le Miffionaire dit qu'il fut fi accablé de fommeil, qu'il penfa cent fois tomber de cheval, & fe caffer la tête. En approchant du village de Mouzabad où l'on gita, il apperçût dans la campagne des troupeaux entiers de gazelles ou chevres fauvages, qui s'enfuient dès qu'elles voient un homme ; ce qu'elles font avec tant de viteffe, que le meilleur cavalier ne peut pas les atteindre. La chafle des gazelles fe fait avec le faucon: le chaffeur porte à la gauche une petite cymbale attachée au pommeau de la felle de fon cheval: dès qu'il apperçoît la gazelle il donne quelques coups de la baguette fur la cymbale, & lâche en même-tems le faucon : l'oifeau, animé par le fon de la cymbale & par la vûe de fa proie, fond für elle, & l'atteint bien-tôt par la rapidité de fon vol. Il fe place d'abord fur le derriere de la gazelle,

que

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de

de là fur fon dos', auquel il s'attache fi fort avec les griffes, que la gazelle, avec tous fes mouvemens ne peut le fecouer; du dos il s'avance à la tête, & à coups bec il lui creye & lui arrache les yeux : c'eft ainfi la chevre devient la proie du chaffeur. Cette chaffe n'eft permise qu'aux nobles Perfans, qui feuls ont droit de porter la petite cymbale, fufpendue à la felle de leurs chevaux, comme la marque de leur privilege. Les Perfans fe fervent encore de l'once pour la chaffe des gazelles; l'once eft un animal doux & privé de la groffeur d'un chien-couchant,tacheté comme le tigre,on le dreffe à cette chatfe; & comme il est encore plus vite que la gazelle, au premier fon de cymbale il part, il la pourfuit, il l'atteint, lui faute au cou & l'étrangle: mais ce qui eft affez particulier, c'eft que fi la gazelle lui échape, il demeure fur la place fi confus d'avoir manqué fon coup, qu'un enfant pourroit le prendre, le frapper, le tuer, fans qu'il fe défende.

Le io. on arriva de Mouzabad à Kachan, dont on a déja parlé dans le voyage précédent.

Le 11. de Kachan on vint camper au village de Padra.

Le 12. après une marche forcée de qua

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