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GATION DE

les Eglifes qui dépendoient de celle de Savigni, dont il étoit CONGRE le Fondateur, & qui fe trouvoient déja au nombre de cin- TIRON quante, tant Abbaïes que Prieurés. Il s'est Prieurés. Il s'eft peut-être fondé fur ce que dans la vie de faint Bernard compofée par Geoffroi-Groff, l'un de fes difciples, on y lit que Vital aprés avoir bâti l'Abbaïe de Savigni en Normandie, la ceda enfuite à Bernard avec tous les Monafteres qui en dépendoient: Vitalis vero de Mauritonio fuum fabricabat in Normania nempe Savencium in diœcefi Abrincenfi, quod poftea Domno Bernardo ceffit cum Monafteriis inde pendentibus. Mais M. Baillet n'eft pas le feul qui s'eft trompé. Il eft vrai que Savigni aprés la mort de Vital avec trente Monafteres qui en dépendoient fut cedé à faint Bernard Abbé de Clairvaux, comme nous avons dit dans le Chapitre précédent, mais non pas faint Bernard de Tiron : & cette union de la Congregation de Savigni à l'Ordre de Cîteaux ne fut faite. que l'an 1148. prés de trente ans aprés la mort du Bienheureux Vital, qui ne fonda que la feule Abbaïe de Savigni pour des hommes, & celle des Blanches-Dames pour des filles. Il y en a même qui ont prétendu que Savigni étoit de l'Ordre de Tiron : c'étoient cependant deux Congregations différentes. Souchet a donné le Catalogue des Monafteres de ces deux Con gregations, en parlant de l'union qui fut faite de Savigni & de trente de fes Monasteres à l'Ordre de Cîteaux, il dit que cet Ordre fut éteint prefque dans fon berceau, & que les deux autres qui furent fondés dans le même tems,fçavoir Tiron & Fontevraud fubfiftoient encore de fon tems, c'eftà-dire l'an 1649. qui eft le tems qu'il écrivoit. Atque ita celebris ordo ipfis pene incunabulis periit, & in alios mores tranfiit: duobus aliis, Tironenfe, fcilicet, & Fonte-Abraldenfe in hunc diem in priori inftituto permanentibus,

Pour revenir au Bienheureux Bernard & à fes difciples, ils vivoient dans une pauvreté univerfelle. A peine avoientils dans les commencemens ce qui étoit nécessaire à la vie. Souvent il falloit partager une livre de pain pour deux Religieux,quelquefois pour quatre. Ils furent même quelques jours qu'ils n'en avoient point, & furent contrains de vivre d'herbes & de racines. Ils ne bûvoient point de vin, & pratiquoient des austerités prefque incroïables, qui n'empêcherent pas un grand nombre de perfonnes de venir à Tiron

GATION DE

CONGRE- pour y vivre fous la conduite du Bienheureux Bernard, qui TIKON. en moins de trois ans fe vit pere de plus de cinq cens Religieux. La fainteté de ce Fondateur fe répandit bien-tôt jusques dans les lieux les plus éloignés : il y eut plufieurs Pro vinces en France qui lui demanderent de fes Religieux, & même Henri Roi d'Angleterre & Duc de Normandie, lui envoïa Thibaud Comte de Blois, & Rotrou Comte du Perche pour lui en demander auffi.Ce Prince pour marquer l'eftime qu'il faifoit de sa personne & de fon Inftitut, donna à fon Monaftere de Tiron à perpetuité quinze marcs d'argent tous les ans, outre cinquante à foixante autres qu'il donna tous les ans jusqu'à la mort, aprés leur avoir fait bâtir un Dortoir avec beaucoup de magnificence.

Le Roi de France Louis le Gros aprés une conference qu'il eut avec ce S. Fondateur,n'eut pas moins d'eftime pour lui, & lui donna tout le territoire de Covitrey. Thibaud Comte de Blois,outre deux Prieurés qu'il avoit fait bâtir du vivant du Saint, donna encore aprés la mort au Monastere de Tiron un grand nombre d'ornemens d'Eglife, & y fit bâtir l'Infirmerie. Il y eut auffi une infinité de Princes qui vinrent pour voir Bernard dans fa Solitude, & qui non feulement lui firent de grand préfens, mais même bâtirent de fon vivant, & aprés fa mort des Monafteres qu'ils foûmirent à celui de Tiron; comme Guillaume Duc d'Aquitaine, Foulques Comte d'Anjou qui futenfuite Roi de Jerufalem, Gui le jeune, Comte de Rochefort, Robert, Martin & Guichard de Beaujeu, Geoffroi Vicomte de Châteaudun & plufieurs autres. Rotrou Comte du Perche rendit aux Religieux de Tiron, le Monaftere d'Arciffes, qui fut depuis érigé en Abbaïe. Robert que l'on croit être le même que celui dont nous venons de parler, & auquel le Roi d'Angleterre avoit donné des terres en ce Roïaume, y conduifit treize Religieux de Tiron, aufquels il fit bâtir l'Abbaïe de Notre-Dame de Cameis au Diocéfe de faint David. David Duc de Northumbre qui fut enfuite Roi d'Ecoffe, aïant entendu parler du Bienheureux Bernard, voulut auffi avoir de fes Religieux, aufquels il fit bâtir l'Abbaïe de Kaburk dans le Diocéfe de faint André. Ce Prince paffa en France pour y voir ce Saint, mais il le trouva mort. Il confirma les donations qu'il avoit faites à fon Monaftere, & même il les augmenta

GATION DE

TIKON.

augmenta. Il emmena encore avec lui douze autres Reli- CONGREgieux avec un Abbé, aufquels il fit bâtir un fecond Monaitere en Ecoffe, & l'on y donna le nom de Tiron. Ce fut l'an 1116 que le Bienheureux Bernard mourut, felon Souchet; mais Henschenius ne met fa mort que l'an 17. Le nombre des Monasteres de fa Congregation augmenta confiderablement aprés la mort. Il y avoit dix Abbaïes, outré celle de Tiron qui en étoit le Chef. Les Abbaïes étoient celle des Arciffes au Diocêfe de Chartres, occupée prefentement par des Religieufes ; la Peliffe & le Guai de Launai dans celui de Poitiers, Joudieu dans celui de Lyon, le Tronchai dans le Diocêfe de Dole, Notre-Dame de Cameis en Angleterre, Rokaburk & Tiron en Ecoffe. Il y avoit auffi dix Prieurés & quinze Cures dans le Diocêfe de Chartres, huit Prieurés & quatre Cures dans le Diocêfe du Mans, quatre Pricurés dans le Diocêfe de Paris, neuf Prieurés & deux Cures dans le Diocêfe de Rouen, deux Prieurés & deux Cures dans le Diocêfe d'Avranches, deux Prieurés dans le Diocêfe de Nantes, & fept Cures & cinq Prieurés dans le Diocêfe de Poitiers, un dans celui de Meaux, deux dans le Diocêfe d'Orleans, & un dans celui de Soiffons, outre trois Offices Clauftraux de l'Abbaïe de Tiron qui étoient ceux de Camerier, de Sacriftain & d'Infirmier. Les Religieux de cette Congregation étoient habillés de gris cendré, & ne prirent le noir que dans la fuite : mais quoique Souchet dife que cette Congregation fubfiftoit en 1649. il est certain que l'Abbaïe de Tiron qui étoit tombée en Commende dès l'an 1550. & dont le Cardinal du Bellai avoit été le premier Abbé Commendataire, fut aggregée à la Congregation de faint Maur l'an 1629. ainfi au tems que Souchet écrivoit, il pouvoit y avoir encore quelques Monafteres où l'Institut de Tiron étoit toûjours en pratique: mais la Congregation ne fubfiftoit plus, aïant perdu fon Chef, & une partie des autres Monafteres aïant auffi paffé à d'autres Ordres, ou aïant été fupprimés.

Gaufridus Groff, Vit. B. Bernardi de Tironio cum notis Joann. Bapt. Souchet. Bolland. Tom. 11. Aprilis. Baillet, Vies des SS. 14. Aprilis.

Tome VI.

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ORDRE DU
MONT-
VIERGE.

CHAPITRE XVI.

De l'Ordre du Mont-Vierge, avec la Vie de S. Guillaume de Verceil, Fondateur de cet Ordre.

S

AINT, Guillaume Fondateur de l'Ordre du MontVierge, nâquit à Verceil en Piémont, de parens nobles & recommandables par leur vertu. Les aïant perdus presque au fortir du berceau, il fut élevé par un de les proches parens jufqu'à l'âge de quinze ans, que commençant à fentitir dans fon cœur un grand amour pour Dieu & un penchant pour la rétraite,il réfolut dans un âge fi tendre de foûtmettre fa chair à l'efprit, avant qu'elle lui livrât des alfauts pour engager fon cœur dans les liens d'un monde corrompu, qu'il méprisoit avant même que d'en connoître bien la vanité, au moins par experience. C'eft pourquoi malgré les biens que fes parens lui avoient laiffés en mourant, il prit le parti d'embraffer une vie penitente, de renoncer à toutes chofes, & d'abandonner jufqu'à fon païs pour l'amour de Jesus-Chrift qui faifoit tout l'objet de ses defirs, il se revêtit pour cet effet d'un habit d'Ermite, & entreprit le voïage de faint Jacques en Galice. La longueur & la difficulté d'un fi grand pellerinage, la groffiereté de fon habit, auquel il n'étoit pas accoûtumé, la pauvreté volontaire qu'il exerça pendant toute la route, étoient fans doute une penitence bien rude pour un enfant qui avoit été élevé jufqu'alors d'une maniere fort délicate. Cependant toutes ces peines ne furent pas fuffifantes pour contenter fon cœur déja infatiable de mortifications. Car il voulut faire ce chemin nuds pieds,portant sur fa chair deux cercles de fer qui ne lui donnoient aucun relâche ni jour ni nuit. Quand il fut de retour à fon païs, bien loin de fonger à fe procurer quelque foulagement en quittant ces cercles, & en fe dédommageant de toutes les autres peines, qu'il avoit endurées par la faim, la foif & les autres incommodités, il fe propofa un autre pelerinage en Palestine, pour aller vifiter le faint Sepulchre à Jerufalem ; mais Dieu qui l'avoit choifi pour le Fondateur d'un Ordre Religieux lui ôta la penfée de faire ce voïage lorfqu'il s'y préparoit, & lui infpira celle de fe retirer dans une Solitude

T.VI.P. 122

Religieuse du mont Vierge

en habit ordinaire dans la maison

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