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MITES.

mencement de l'année 1156. il reçut un Difciple nommé Al- ORDRE DES bert qui vint fe renfermer avec lui & qui écrivit les der- GUILLEL nieres circonstances de fa vie, dont il fut le témoin. Ce Saint pratiquoit des aufterités furprenantes, il jeûnoit tous les jours, même les Fêtes trois fois la femaine il ne prenoit qu'un peu de nourriture & buvoit un peu de vin, mais fi trempé d'eau, qu'il n'y reftoit que la couleur de vin ; & les autres jours il jeûnoit au pain & à l'eau, y ajoûtant quelquefois des herbes cruës. Il avoit un petit plat qui lui servoit à mefurer fon manger & un petit vafe de bois pour mefurer fa boiffon, & quelque appetit ou quelque foif qu'il eût, il ne paffoit jamais ces mefures: encore en retranchoit-il le plus fouvent. Il portoit continuellement un cilice, & n'avoit point d'autre lit que la terre nuë. Il fut doüé fur la fin de fa vie du don de Prophetie. Son compagnon Albert en eut une preuve en fa perfonne. Car le voïant près de mourir & fe plaignant à lui-même de ce qu'il le laiffoit feuljil lui dit de fe confoler, & qu'avant qu'il lui rendît les derniers devoirs, Dieu lui envoïeroit une perfonne pour remplir fa place & lui tenir compagnie dans cette folitude. Albert avoit de la peine à ajoûter foi aux paroles du Saint ; mais il ne tarda guere à en voir l'accompliffement: car fortant de fa cellule, il vit arriver un nommé Renaud Medecin de profeflion,qui apprenant d'Albert l'extrémité de la maladie de faint Guillaume,lui témoigna le chagrin qu'il en avoit, parce que voulant renoncer au monde, il étoit venu dans le deffein de vivre fous fa conduite. Albert craignant que cette circonftance de la mort du Saint ne fît quelque changement dans fon cœur,fe jetta à fes pieds,le priant de ne point changer de deffein; & afin de le mieux engager à perfevérer dans fon bon defir,il lui dit qu'il fe foumettroit à lui, & lui confeilla de fe donner au Saint avant qu'il rendît l'ame. Guillaume le reçutavec beaucoup de joïe, & lui dit de retourner chez lui pour mettre ordre à fes affaires & de revenir au plûtôt; mais pendant que Renaud étoit y allé, faint Guillaume mourut entre les bras d'Albert le 10. Février 1157. après avoir reçu les Sacremens de l'Eglife que lui apporta un Prêtre de Châtillon, qui avoit été averti de fa maladie.

Renaud revint à l'Etable de Rhodes, comme il avoit promis, ✯ aida à enterrer le Corps du Saint dans fon petit jardin,

ORDRE DES Aprés la mort de ce faint homme, dont ils conferverent l'efGUILLEL- prit de penitence & de mortification qu'il leur avoit infpiré

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pendant fa vie, ils tâcherent de fuivre ses maximes & ses
exemples, & donnerent ainfi l'origine à l'Ordre des Guil-
lelmites. Ils bâtirent un petit Ermitage avec une Chapelle
fur le tombeau de S. Guillaume, & ils commencerent en ce
faint lieu une vie fi exemplaire & fi fainte qu'ils y attirerent
plufieurs perfonnes, qui abandonnant le monde venoient s'y
confacrer à Dieu & à la penitence. La Benediction que Dieu
verfa fur cette Congregation naiffante, fut fi grande,qu'elle
fe trouva répandue prefque par toute l'Italie, la France,
les Païs - Bas, & l'Allemagne, dès le fiécle fuivant. Ils ne
vécurent d'abord que felon les Instituts de faint Guillaume
qui étoient les exemples de ce Saint dont Albert avoit été le
fidele dépofitaire. Leurs jeûnes étoient prefque continuels,
& ils alloient nuds pieds. Mais le Pape Gregoire IX. modera
leurs grandes aufterités, leur permit de fe chauffer, & leur
donna la Regle de faint Benoît. Innocent IV l'an 1248.
leur accorda beaucoup de privileges par fa Bulle adreffée au
Prieur Général & aux autres Prieurs des freres Ermites de
l'Ordre de faint Guillaume, & il ordonna qu'aprés le decès
du Général ou de fes fucceffeurs on n'en élût aucun que par
le commun confentement des Freres, conformément à la
Regle de faint Benoît, dont ils faifoient profeffion, auffi bien
que
de l'Inftitut de faint Guillaume.

Alexandre IV. l'an 1256 aïant fait l'union de plufieurs Ermites de differens Ordres, dont la plupart fuivoient la Regle de faint Augustin, pour n'en faire qu'un feul fous le nom des Ermites de faint Augustin, les Religieux Guillelmites furent compris dans cette union ; mais aïant reprefenté au Pape qu'ils avoient toûjours fuivi les Inftituts de faint Guillaume avec la Regle de faint Benoît qui leur avoit été donnée par Gregoire IX. ce qui avoit été confirmé par Innocent IV. ils prierent ce Pontife de les laiffer toûjours dans le même état. Le Pape eut égard à leur demande, & leur permit l'an 1256. de vivre toûjours fous la même Regle de faint Benoît, & felon l'Inftitut de faint Guillaume. Cela n'empêcha pas que plufieurs Couvens de l'Ordre des Guillelmites ne fe foûmiffent aux Augustins ; mais Alexandre IV. fur les remontrances des Superieurs de l'Ordre des Guil

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Jelmites défendit aux Religieux du même Ordre de paffer ORDREDES dans un autre fans le confentement du Chapitre Général. Nonobftant ces défenses,les Auguftins ne laifferent pas d'ufurper des Couvens de Guillelmites, fous le même prétexte de l'union générale qui avoit été faite par l'autorité de ce Pontife. Mais Urbain IV. par une Bulle de l'an 1263. défendit aux Religieux qui avoient fait profeffion dans l'Ordre des Guillelmites de paffer dans celui des Auguftins fans la permiffion du faint Siége. Cette derniere Bulle donna du scrupule à quelques Guillelmites, qui avec leurs Couvens entiers, avoient abandonné les Inftituts de faint Guillaume & la Regle de faint Benoît, pour embraffer celle de faint Auguftin. Il y avoit entre les autres, les Monafteres de Semanshaufem & de Schontall dans le Diocêse de Ratisbonne qui étoient dans ce cas là. Les Religieux qui y étoient, allerent pour ce sujet trouver l'Evêque de cette Ville pour le conful. ter fur ce qu'ils avoient à faire. Ce Prélat par fes Lettres de la même année 1263. leva leur fcrupule & prétendit qu'ils étoient obligés de s'unir aux Auguftins. Le Général & le Prieur des Guillelmites s'en plaignirent au Pape & de ce que quelques autres Monafteres dans les Diocêfes de Maïence, de Constance, de Prague & plufieurs autres d'Allemagne avoient fait la même chose. Ces conteftations durerent quelques années, & ne furent terminées que l'an 1266. par Sentence du Cardinal Etienne de Hongrie Evêque de Palestrin protecteur des Guillelmites, qui comme Commiffaire Apoftolique du Pape Clement IV. ordonna que les Monafteres d'Ibifeborne du Diocêse de Mayence, de Fuvifen au Diocêfe de Constance, & de quelques autres endroits qui avoient pris la Regle de faint Auguftin, retourneroient à l'Ordre de faint Guillaume, & que les Religieux feroient obligés de reprendre les Inftituts de ce Saint & la Regle de faint Benoît, avec l'habit qu'ils portoient avant que d'avoir paffé à celui des Auguftins, & que les autres Maifons qui étoient en contestation, auffi-bien que celles qui étoient en Allemagne & en Hongrie, qui s'étoient unies aux Auguftins, leur resteroient. Če qui fut confirmé par le Pape.

Les Guillelmites obtinrent du Concile de Bafle l'an 1435. la confirmation de leurs privileges. L'Ordre étoit pour lors divifé en trois Provinces. La premiere de Toscanne, la se

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ORDRE DES Conde d'Allemagne,& la troifiéme de Flandres & de France, quoiqu'il n'y eût qu'uneMaifon de cet Ordre dans ceRoïaume,toutes les autres étant fituées dans les Païs- Bas. Le Pere Henschenius a donné le Catalogue des Maisons de ces trois Provinces, & entre celles d'Allemagne, il ne s'en trouve pas une de Religieufes Guillelmites. Cépendant il y a encore à prefent un Monaftere de ces Religieufes à Montpellier, dans le Languedoc. Ces Religieux vinrent s'établir au Village de Mont-Rouge près Paris l'an 1256. dans le Monaftere des Machabées, d'où ils furent transferés à Paris l'an 1298. le Roi Philippe le Bel leur aïant donné le Monaftere des Religieux Blancs Manteaux, ainfi appellés à caufe des manteaux blancs qu'ils portoient,mais dont le veritable nom étoit celui de Serviteurs ou Serfs de la fainte Vierge. Comme cet Ordre étoit un de ceux qui furent abolis dans le Concile de Lyon, le Pape Boniface VIII. obligea les Religieux de cet Ordre ou d'entrer dans celui des Guillelmites, ou de leur céder le Monaftere qu'ils avoient à Paris. Ces Guillelmites y refterent jufques vers l'an 1618. que le Prieur de ce Monaftere y introduifit les Benedictins de la Congregation de faint Maur, fous prétexte de le réformer. Ceux-ci obligerent une partie des Religieux Guillelmites qui y étoient, d'embraffer leur Ordre, & renvoïerent ceux qui s'y oppoferent. Les Guillelmites plaiderent contre les Benedictins pour rentrer dans la poffeffion de cette Maison. Les Recteurs & Suppors de l'Univerfité de Paris intervinrent pour eux dans la caufe contre les Benedictins, fur ce que les Guillelmites étoient membres de leur Corps. Le Plaidoïer de l'Umiverfité est rapporté tout au long dans le fecond Tome de la Bibliotheque Canonique, auffi bien qu'une longue Requête que le Provincial des Guillelmites préfenta au Roi à ce fujet: mais toutes ces procédures furent inutiles. Le Monaftere des Blancs-Manteaux fut adjugé aux Benedictins de la Congregation de faint Maur, qui étoient encore en quelque façon unis en ce tems-là avec ceux de la Congregation de faint Vanne. C'eft pourquoi M. Baillet dans la vie de faint Guillaume au 10. Février, dit qu'il fut cedé aux Religieux de S. Vanne; ceux des Guillelmites qui ne voulurent point embraffer la Réforme des Benedictins,fe retirerent à Mont-Rouge, où le dernier mourut en 1680. Le Pelletier

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dans fon Hiftoire des Ordres Religieux, dit que dès l'an ORDRE DIS 1615. fix Religieux Guillelmites avoient paffé contrat le 29. MITES Janvier avec le Provincial des Feüillans pour lui remettre entre les mains le Monaftere des Blancs- Manteaux à condition de leur païer une penfion, mais que les autres Reli gieux s'y oppoferent, & que l'an 1618. fept autres Religieux Guillelmites y introduifirent les Benedictins. Chopin dit qu'ils ont encore eu une Maison en France dans la Ville de Reims : ainfi ce feroit au plus deux Maifons qu'ils auroient eu dans ce Roïaume, ce qui eft bien different de ce qu'a avancé Silveftre Maurolic, lors qu'il a dit, que faint Guil laume Duc de Guïenne, voïant que l'Ordre de faint Auguftin étoit prefque aboli en France, fit en forte par fes prédications que cet Ordre fût rétabli en ce Roïaume, qu'il y fit plufieurs établissemens, & qu'il fut le premier qui par privilege des Papes Anastase IV. & Adrien IV. abandonna la folitude pour fe retirer avec fes Religieux dans les Villes, & qu'il fit bâtir un magnifique Monaftere à Paris, qui fut le premier de fa Congregation & de la Réforme, bâti dans une Ville, leur demeure étant auparavant dans des Ermitages; mais cet Auteur fe trompe dans tous ces articles. Car premierement faint Guillaume Duc de Guienne n'a jamais été, ni Fondateur, ni Réformateur d'aucune Religion, puisqu'il est mort dans fon voïage de faint Jacques qu'il e treprit auffi-tôt qu'il fut converti, c'est-à-dire en 1136. ( ce qui fait voir une autre erreur de ce même Auteur, qui dit qu'il vivoit encore en 1178.) fecondement le Monaftere des Blancs Manteaux, qui eft le feul que les Guillelmites ont occupé à Paris, ne fut bâti pour ces premiers Religieux que plus de 120. ans aprés la mort de ce Saint, c'eft-à dire fan 1258. outre que les ReligieuxGuillelmites n'y font entrés que l'an 1298.

Cet Ordre n'a prefentement qu'environ douze Maifons en Flandres, aïant perdu tous les Monafteres qu'il avoit en Allemagne & en Italie. L'Etable de Rhodes ou Malaval,qui en étoit le Chef & où réfidoit le Général, fut détruit durant les guerres des Siennois & des Florentins. On a rétabli dans la fuire ce Monaftere, auquel on a donné le nom de faint Guillaume. Il a été érigé en Abbaïe & donné aux Ermites de l'Ordre de faint Auguftin, & le Pape Pie IV. la

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