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demeura néanmoins trois ans dans cet endroit, pratiquant ORDRE DES des aufterités & des mortifications extraordinaires.

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CELESTINS.

Une vie fi cachée & un lieu fi retiré, n'empêcherent pas que sa sainteté ne fût connuë, & qu'il n'y fût visité par plufieurs perfonnes, qui jugeant par la force des difcours fpirituels qu'il leur faifoit, de quelle utilité il pourroit être à l'Eglife, lui confeillerent de fortir de ce lieu folitaire, & d'entrer dans l'Etat Ecclefiaftique pour y travailler au falut des ames. Il écouta ce confeil comme une infpiration de Dieu, qui le destinoit à ce grand miniftere : c'est pourquoi il en fortit, & alla dans ce deffein à Rome pour y prendre les Ordres facrés. Mais à peine les eut-il reçus, que l'amour de la retraite se reveillant en lui à mesure qu'il voïoit le faux éclat de la grandeur de cette Capitale du monde, il en fortit, & retourna dans la Poüille, où il fe retira fur le Mont de Mourhon ou de Mourono, & y prit pour fa demeure une caverne, où il y avoit un grand ferpent qui en fortit lorfqu'il vit entrer le Saint, & qui ne revint plus depuis. Il fut favorifé dans ce lieu de beaucoup de graces celeftes: cependant plus il en recevoit,plus il s'humilioit devant Dieu: en forte que fe jugeant indigne de célébrer les divins Mysteres, il refolut de ne plus dire la Meffe de fes jours, & d'aller à Rome pour en obtenir la difpenfe du faint Siége: mais comme il se disposoit à faire ce voïage, un faint Abbé qui étoit mort depuis peu, & qui lui avoit donné l'habit de Religion, s'apparut à lui, & le détourna de fon deffein. Il demeura pendant cinq ans fur la montagne de Mouron, d'où eft venu le furnom qu'on lui a donné ; mais comme on abbatit les bois qui environnoient fa demeure, & qu'on défricha ce lieu pour labourer les terres, le Saint ne s'y trouvant plus affez caché, il l'abandonna, & paffa au Mont-Majella, où il demeura d'abord feul dans une caverne: car deux Solitaires qui y vinrent avec lui, ne purent fe refoudre à y refter,aïant trouvé ce lieu trop affreux : néanmoins quelques jours après ils retournerent vers le Saint, & s'attacherent à lui comme à leur propre pere, le priant de leur fervir de guide dans la vie fpirituelle. Il n'y avoit rien de plus uni que cette petite focieté. Si les Compagnons de faint Pierre le regardoient comme leur pere, il les aimoit comme fes enfans: il compâtiffoit à toutes leurs foibleffes, & leur donnoit tous

ORDRE DES les fecours fpirituels & temporels qu'ils pouvoient attendre CELISTINS. de lui: mais l'ennemi commun ne les pouvant voir si unis, tâcha de les troubler par des inquiétudes, des craintes & des tentations. Il fit paroître un jour leurs cellules tout en feu; faint Pierre s'en étant apperçu le premier, avertit fes Compagnons d'en fortir avec ce qu'ils pourroient emporter. Ceuxci n'eurent pas plûtôt apperçu les flâmes, que s'imaginant que le feu étoit tombé du haut de la montagne, ils murmurerent contre le Saint, de ce qu'il les avoit fait demeurer dans cet endroit: mais faint Pierre aïant reconnu l'illufion du Demon, éleva les yeux au Ciel, demandant à Dieu le fecours de fes graces contre cet Efprit de tenebres & de divifion ; & ce feu imaginaire difparut tout d'un coup. Quelques perfonnes qui le vinrent vifiter dans cette folitude pour le confulter fur les moïens de travailler à leur falut, & recevoir fes inftructions, voulurent aufli le porter à quitter cette demeure, qui étoit de difficile accès pour eux ; ce qui les empêchoit d'y venir plus fouvent: il leur répondit que s'ils en trouvoient pour lors le chemin difficile,il leur paroîtroit doux & aifé dans la fuite, auffi-bien que la demeure agréable. En effet il y en eut plufieurs d'entr'eux qui renoncerent àu monde, & qui quitterent tout ce qu'ils avoient pour se venir renfermer avec lui dans cette folitude, & s'y confacrer au fervice de Dieu fous fa conduite.

C'est ainfi qu'il forma une Communauté vers l'an 1254. Il ne prefcrivit point d'abord de Regles particulieres à fes Difciples, il étoit lui même le modele & l'exemple qu'ils fuivoient. Il paffoit le jour & une partie de la nuit à la priere. Il fe levoit à minuit pour dire Matines & aprés les avoir dites, il recitoit encore le Pfeautier entier. Lorfqu'il ceffoit de prier, il s'emploïoit à quelque travail, il buvoit rarement du vin ; il jeûnoit prefque tous les jours. Il faifoit ordinairement fix Carêmes par an, durant lefquels il n'usoit que de chofes infipides. Il en paffoit trois au pain & à l'eau, se contentant même fouvent de feuilles de choux fans pain. Il portoit un cilice de crin de cheval tout rempli de noeuds avec une chaîne ou quelquefois un cercle de fer fur la chair nuë. Il couchoit en cet état fur la terre ou fur des ais fans autre chevet qu'un morceau de bois ou une pierre: ce qu'il obfervoit lors même qu'il étoit malade,n'aïant aucun égard

aux prieres qu'on lui faifoit de moderer de si grandes aufteri- ORDRE DES tés, au moins pendant la maladie.

Cependant une vie fi auftere & fi capable de rebuter les gens du monde ne laissa pas de lui procurer de nouveaux imitateurs qui animés par fon exemple, & touchés d'un fecret mouvement de la grace quitterent toutes les délicateffes du fiécle pour le fuivre dans le chemin étroit de la perfection. Le nombre de fes Difciples fe multiplia fi fort, que le Monaftere qu'il avoit été obligé de bâtir fur la montagne de Majella avec un Oratoire n'étant pas capable de les loger tous, ils furent contraints de bâtir de nouveaux Monafteres aux environs. Dom Lelio Marini, qui a été Genéral de cet Ordre, dit dans la vie de ce Saint que fon Ordre fut premierement approuvé l'an 1264. par le Pape Urbain IV.qui l'incorpora à l'Ordre de faint Benoît par une Bulle adreffée à l'Evêque de Theate pour la mettre en execution en cas que les chofes fuffent comme on les lui avoit expofées, ce que le Prélat executa, comme il paroît par un Acte du 28. Octobre de la même année qui eft confervé avec la Bulle de ce Pontife dans les Archives du Monaftere du faint Efprit de Sulmone, & ce même Genéral ajoûte que cet Ordre fut confirmé par le Pape Gregoire X. l'an 1274. dans le Concile de Lyon. Le Cardinal Pierre Dailly dit que ce Saint aïant appris que toutes les Congregations Religieufes qui n'étoient pas approuvées par le faint Siége feroient caffées dans le Concile General qui devoit bien-tôt se tenir à Lion, alla avec deux de fes Difciples trouver le Pape Gregoire X. & qu'il en obtint plus qu'il n'avoit même ofé efperer, car il n'approuva pas feulement fa nouvelle Congregation; mais il lui donna encore la Regle de faint Benoît. Ce qui détruiroit le fentiment de Lelio Marini ; mais nonobftant ce que dit le Cardinal,je crois qu'on doit plûtôt s'en rapporter à cet Ecrivain, qui, felon quelques Sçavans,eft un Auteur exact qui n'avance rien qu'il ne prouve par des Actes authentiques. En effet il n'y a pas d'apparence que faint Pierre eût attendu fi tard à demander l'approbation de fon Ordre puifqu'il y en avoit déja feize Monafteres en 1274. & il paroît même par Bulle de Gregoire X. adreffée au Prieur du faint Efprit de Majella qui étoit pour lors Chef de l'Ordre, que la Regle de faint Benoît y étoit déja observée : In primis fi quidem

la

CELESTINS

ORDREDES (dit ce Pape) ut ordo Monafticus, qui fecundum Deum & B. CELISTINS Benedicti Regulam in eodem Monafterio inftitutus effe dignofcitur, perpetuis ibidem temporibus inviolabiliter obfervetur. Ce Pape lui accorda encore beaucoup de privileges. Il l'exemta de la jurisdiction des Ordinaires & de païer la dixme des terres & des troupeaux. Quant à la fuppreffion des Ordres Religieux ordonnée par le Concile, elle ne regardoit que ceux qui n'avoient pas reçu leur approbation du faint Siége, & ceux qui par leur Regle & leurs Conftitutions ne pouvoient rien poffeder, excepté les quatre Ordres Mandians; fçavoir, ceux de faint Dominique, de faint François, des Carmes, & des Auguftins, encore le Concile ne permit-il ces deux derniers, qu'en attendant qu'on en eût autrement ordonné.

Aprés que faint Pierre de Muron eut obtenu cette feconde approbation du faint Siége, fon Ordre fit de nouveaux progrés, & l'on pretend qu'en paffant à Mantouë à fon retour en Italie,il y fonda encore un Monaftere. Il gouverna cet Ordre jufqu'en l'an 1286. que préferant la Solitude à ce Gouvernement, il s'en démit auffi-bien que de fon Prieuré du Monaftere du faint Efprit de Majella. Ce Monaftere fut d'abord dedié en l'honneur de la fainte Vierge, & il eft appellé dans la Bulle de Gregoire X. le Monaftere de fainte Marie de Majella; mais un pigeon blanc étant venu dans ce lieu, & s'étant rendu fi familier qu'il fe trouvoit dans tous les lieux où les Religieux étoient affemblés, ce qui dura pendant trois ans, cela donna lieu au faint Fondateur de donner le nom du faint Esprit à ce Monaftere, & d'en fonder plufieurs autres fous le même titre. Aprés s'être demis du gouvernement de l'Ordre, il établit en fa place un nommé Robert, tant en qualité de Prieur du faint Efprit de Majella que de Général de l'Ordre. Ce Monaftere fut ainfi gouverné par un Prieur jufqu'en l'an 1287. que les Religieux s'étant affemblés dans un Chapitre Général,élurent pour premier Abbé Général, François d'Adria, qui mourut peu de tems aprés,&eut pour fucceffeurRainaud Riga-Nigro;& aprés lui Onuphre deCôme qui fut élu dans leChapitre Général de l'an 1293.où il fut ordonné qu'àl'avenir le Monaftere du faint Efprit de Majella qui avoit pour lors le titre d'Abbaïe, ne feroit plus regardé comme le Chef

de

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