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DE SEPT

fentimens que Dieu lui pourroit inspirer. L'Abbé de Sept- RELIGIEUX Fons, aprés plufieurs combats interieurs, qui lui faifoient FONS. toûjours differer au lendemain, confentit enfin à faire cette retraite. Ils choifirent pour cet effet la Maifon des Carmes Déchauffés de Nevers,où ils furent reçus avec beaucoup de joïe par le Prieur, qui fe trouva honoré d'avoir de tels Hôtes : cette retraité, qu'il entreprit plûtôt par complaifance pour fon frere, que par les fentimens d'une veritable pieté, ne laiffa pas de faire dans fon cœur ce que l'on n'auroit ofé efperer qu'aprés plufieurs années d'éloignement du monde: car en huit jours que dura cette retraite, non feulement il changea de vie, mais encore il devint un modele de pieté & de penitence, de maniere qu'il en fortit comme un autre homme, rempli des graces & des faveurs qu'il avoit reçues du Ciel avec tant d'abondance, que pénétré de l'amour de Dieu, & de zéle pour fa gloire, non content de se fanctifier foi-même, il demanda à Dieu par de ferventes prieres qu'il lui donnât la force de marcher devant lui dans l'efprit & la vertu d'Elie, pour lui préparer un peuple parfait. Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il fe convertiffe & qu'il vive, exauça fa priere, & lui infpira de rétablir dans fon Abbaïe l'Obfervance litterale de la Regle de faint Benoît, tant pour retirer du relâchement ses Religieux,que pour ouvrir le chemin de la penitence à ceux qui voudroient dans la fuite entrer dans la voïe étroite du falur. Il écouta cette voix du Seigneur, qui fe faifoit entendre dans fon cœur, & refolut de le faire malgré tous les obstacles que le Démon, le monde & la chair lui pourroient sus

citer.

La premiere chose qu'il fit en allant à Sept- Fons, fut de s'aller profterner devant le faint Sacrement, & aïant fait asfembler le Chapitre, il y parla à fes Religieux d'une maniere touchante de la refolution qu'il avoit formée, les exhortant de ne pas s'oppofer à la volonté de Dieu, & au bien de leur ame: mais ils y trouverent des difficultés, & ne voulurent point changer de vie. Ces Religieux qui n'étoient qu'au nombre de quatre, pour empêcher leur Abbé d'executer fon projet, l'accuferent d'avoir entrepris de fe défaire d'eux: par le poifon, comme des gens incommodes & qui s'oppofoient à fes deffeins. Ils lui firent fignifier par un Huiffier la Tome VI

C

FONS.

RELIGIEUX Copie d'un Arrêt prétendu du Parlement de Paris,par lequel DE SEPI- il étoit ajourné à comparoître cela l'obligea de faire un voïage à Paris, & quoique M. de Harlay, pour lors Procureur Général,eût découvert la fauffeté de cet Arrêt,& qu'il l'eût juftifié de cette accufation, l'Abbé de Sept- Fons voulut remettre fon Abbaïe entre les mains du Roi, & fe retirer à la Trape fous la conduite de l'Abbé Dom ArmandJean le Bouthillier de Rancé, qui venoit d'y établir la Réforme. Mais il en fut détourné,& il retourna à fon Abbaïe, où les Religieux profitant de fon abfence, avoient enlevé les meubles, vendu les bestiaux, abbatu les bois, & diffipé les bleds.

Tout cela ne fervit qu'à lui donner plus de confiance en Dieu, il rechercha fes Religieux, les attira par douceur, & leur propofa de leur païer une penfion, pourvu qu'ils vouluffent fe retirer dans des Maifons de la commune Observance de Cîteaux. L'accord étant figné, les Religieux fe retirerent, & laifferent leur Abbé feul plein d'efperance de se voir bien-tôt une nombreuse famille à la place de quatre brebis égarées. Il fongea enfuite à faire quelques bâtimens : car il n'y avoit pas un lieu Régulier qui fût en état : il n'y avoit plus que la place où avoient été le Dortoir & le Refe&toire, le tems & la négligence des Religieux n'aïant laissé par tout que des ruines.

Il ne fut point trompé dans l'efperance de fe voir une nombreuse famille: car après avoir refté quelque tems seul, Dieu lui envoïa d'abord du fond de la Guyenne trois Religieux de la commune Obfervance de l'Abbaïe de Bonnevaux ; mais il n'y en eut qu'un des trois qui refta, & qui eur affez de courage pour demeurer, les deux autres perdirent cœur. Quelques mois après deux perfonnes fe préfenterent encore & furent reçuës. Ce fut pour lors que ces trois Religieux conduits & animés par l'exemple de leur Abbé, entreprirent un travail dont la grandeur auroit effraïé une Compagnie de Pionniers : ce fut de défricher plufieurs arpens de terre qu'ils deftinoient pour leur jardin. Quoiqu'exténués par des aufterités continuelles, ils vinrent à bout de deffécher un marais, de nettoïer un champ heriffé de ronces & d'épines, de combler des foffés, de tranfporter des terres, d'arracher des arbres, de déraciner des fouches, de

dreffer & de planter un jardin d'une très vafte étendue, & RELIGIEUX tout cela en moins de deux ans, fans interrompre les exerci- DE SEPT ces prefcrits par la Regle, fans violer celle du filence, & fans difcontinuer de faire Oraifon.

FONS

Le nombre des Religieux augmentant, l'Abbé de SeptFons fit des Réglemens pour fon Monaftere, dont les principaux confiftent dans la ftabilité dans le Monaftere, le travail des mains, le filence perpetuel, l'abstinence de viande, de poiffon & d'œufs, l'hofpitalité, l'exclufion des études, la privation de tout divertiffement & de toute récréation,& en plufieurs autres pratiques femblables à celles qui s'obfervent à la Trape. La difference qu'il y a entre les Obfervances de la Trape & celles de Sept- Fons, c'eft que les Religieux de Sept- Fons fe levent pour Matines à quatre differens tems, les Fêtes folemnelles à minuit, les Fêtes des Apôtres à une heure, les Dimanches à une heure & demie, & les jours de Feries ou de Fêtes fimples à deux heures. Mais à quelque heure qu'ils entrent au Choeur, ils n'en fortent qu'à qua. tre heures & demie. La cuifine eft au milieu de cinq Réfeatoires qu'on peut fervir en même tems fans en fortir. Ces cinq Réféctoires font celui des Religieux, celui des Convers celui des Donnés, celui des Infirmes & celui des hôtes. Let pain qu'on leur donne eft fait de farine dont on n'a ôté que le gros fon, & où il entre beaucoup plus de feigle que de froment. Ils ont pour tout le jour dix onces de vin, partagées en deux portions égales qu'ils prétendent être la veritable hemine ordonnée par la Regle de faint Benoît. On leur donne à dîner un potage d'herbes, où il n'entre que du fel pour tout affaisonnement, un plat de legumes & un autre de racines. Depuis Pâques jufqu'à la Fête de l'Exaltation de la fainte Croix, on leur fert quelque fois une tranche de beurre, qui tient lieu de la feconde portion. Le fel & un peu d'huile de noix ou de navette, font le feul affaifonnement de ces mets fimples & tels que la terre de leur jardin les fournit. Les jours qu'ils foupent, ils ont un morceau de fromage & une falade pour leurs deux portions, ou un plat de racines & un autre de lait cru. La collation des jours de jeûne de la Regle, eft de quatre onces de pain & un peu de fruit celles des jours de jeûnes de l'Eglife, eft seulement de deux onces fans fruit, & ils ont du deffert en tout tems au dîner

DE SEPT

FONS.

RELIGIEUX & au foûper, & ce deffert confifte en fruits crus ou fecs. Chaque Religieux a fa cellule feparée, & n'y entre qu'aux heures destinées au fommeil : elle eft meublée d'un lit compofé de deux planches mifes fur deux tréteaux, d'une paillaffe piquée, d'un traverfin de paille longue, & de deux couvertures,une chaife de bois,une table, quelques images & un benitier. Une feule lampe éclaire tout le Dortoir, & c'est à la faveur de cette lumiere que chacun entre dans fa chambre & fe couche tout habillé, après avoir ôté seulement fa coule. L'Abbé, ou en fon abfence un des Superieurs fubalternes, tient trois fois la semaine le Chapitre des coulpes. Tant qu'il fait beau, on s'occupe au jardin à bêcher, farcler, émonder, tailler les arbres, planter, femer, cuëillir les legumes & les fruits. Si le tems eft mauvais, & ne leur permet pas de travailler à la terre à découvert, ils demeurent dans leurs chaufoirs où ils s'appliquent à teiller du chanvre, à éplucher des legumes, à piquer des couvertures pour des lits, finon ils tirent le fumier des étables, scient du bois, ou font des fagots. Tous les Samedis au foir immediatement avant la lecture des Complies, on lave les pieds à tous les Religieux, & pendant cette cerémonie qui fe fait l'été dans le cloître & l'hyver dans le Chapitre, on chante quelques Répons. On fait des Conferences fpirituelles trois fois la femaine. Les Religieux y parlent chacun à leur tour, & n'y difent précisement que ce qu'ils ont lû dans les Livres de pieté qu'ils reçoivent des mains de l'Abbé. Ils le difent fimplement fans citer le paffage autrement qu'en François, & fans y mêler leurs propres penfées. On a un fort grand foin des malades, & ils reçoivent tous les foulagemens qu'on peut leur donner fans bleffer la pauvreté & la mortification. On leur accorde l'ufage du poiffon & des œufs & même de la viande quand la maladie est confiderable.

Il y a ordinairement près de cent Religieux au Chœur. On ne peut aflifter à leurs Offices fans fentir fon cœur penétré de la douceur d'une Pfalmodie qui enleve. Cent voix paroiffent n'en faire qu'une, tant elles finiffent & reprennent ensemble dans le même moment. La pieté de ces faints Religieux fe fait fentir & fe communique à tous ceux qui les entendent chanter jour & nuit les louanges de Dieu. Les paufes au milieu des versets font très longues, pour laiffer le

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