Imágenes de páginas
PDF
EPUB

ORDRE DU

MONT-
OLIVET.

CHAPITRE XXI V.

De l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Olivet, avec la
Vie du Bienheureux Bernard Ptolomée ou Tolomei,
Fondateur de cet Ordre.

L

A Congregation des Moines Benedictins du MontOlivet en Italie, reconnoît pour fon Fondateur le Bienheureux Bernard Ptolomée ou Tolomei, Gentilhomme de Sienne, qui reçut au Batême le nom de Jean. Il s'attacha à l'étude de la Philofophie, qu'il enfeigna publiquement, & il étoit estimé un des plus fçavans Hommes de fon tems. Un jour qu'il fe préparoit à expliquer une queftion difficile, dans le tems qu'il demandoit l'attention à fes Ecoliers, il devint tout d'un coup aveugle: mais aïant recouvré la vûë, par l'interceffion de la fainte Vierge, il fit vœu de fe confacrer à son service, & de renoncer au monde. En effet, pour s'acquitter de fa promeffe, la premiere fois qu'il remonta dans fa Chaire après avoir indiqué le jour de la difpute,où il fe trouva un grand nombre d'Auditeurs, au lieu de leur parler des fciences profanes, il ne les entretint que des chofes celeftes, & leur fit un difcours fi pathetique fur le mépris du monde, & fur le bonheur de l'éternité, que plufieurs de fes Auditeurs en furent vivement touchez, & refolurent de changer de vie, & de renoncer à toutes les vanités du fiècle. Il leur en donna lui-même l'exemple l'an 1313. car abandonnant fes parens & fes amis, il fe retira dans la folitude, accompagné d'Ambroife Picolomini, & de Patricio Patrici, tous deux Senateurs de Sienne, qui aïant eu le bonheur de fe trouver dans cette Affemblée, où il avoit prononcé ce difcours fur le mépris du monde, lui étoient redevables de leur converfion, & le voulurent fuivre dans fa retraite.

Il y avoit un lieu nommé Acona, éloigné d'environ quinze milles de la ville de Sienne. Ce lieu qui appartenoit à Tolomei, étoit fort propre à leur deffein: car il étoit defert & inhabité; une montagne s'y élevoit au deffus de quelquesautres; des précipices qui s'y trouvoient en quelques endroits le rendoient en quelque façon affreux ; mais d'un au

tre

T.VI.P. 192

Benedictin du mont olivet

en

habit ordinaire dans la maison

OLIVES.

tre côté un feüillage épais d'une infinité d'arbres de toutes ORDRE D façons, qui en tout tems confervoient leur verdure, joint M ON Tau doux murmure de plufieurs petits ruiffeaux, qui en fe précipitant avec impetuofité, arrofoient ce lieu champêtre fui donnoient des attraits charmans pour des perfonnes qui vouloient vivre dans la folitude.

[ocr errors]

Ce fut au milieu de ces rochers que Tolomei fe donna entierement à la contemplation des chofes divines,macerant fon corps par des veilles & des jeûnes continuels, portant le cilice, & couchant fur la dure. Ils devinrent en peu de tems un modele de perfection: ce qui fit que plufieurs perfonnes attirées par la fainteté de leur vie, renoncerent auffi au monde pour se joindre à eux. Quoique ces faints Solitaires vêcuffent dans une grande retraite, & s'occupaffent uniquement de l'affaire de leur falut, il y eut neanmois des gens mal intentionnés qui formerent des accufations contre eux, & les dénoncerent au Pape Jean XXII. comme des Novateurs, & des perfonnes qui femoient des Herefies. Le Pape les fit venir devant lui pour rendre compte de leur conduite. C'étoit l'an 1319. ce Pontife tenoit pour lors fon Siége à Avignon; Tolomei y envoïa deux de fes Religieux pour informer fa Sainteté de leurs fentimens touchant les Dogmes de l'Eglife ; & ce Pontife n'y aïant rien trouvé que de très or thodoxe, confentit qu'ils demeuraffent enfemble dans leur folitude, & les envoïa à Gui de Pietramala, Evêque d'Arezzo, afin qu'il leur donnât une des Regles déja approuvées par l'Eglife. Ce Prélat eut dans le même tems une vifion, dans laquelle il lui fembla voir la fainte Vierge, qui luż mettoit en main la Regle de faint Benoît, & lui ordonnoit de la donner avec un habit blanc à des perfonnes qui étoient devant lui. Il connut peu de tems après ce que fignifioit cette vifion, lorsque ces Ermites qui avoient été trouver le Pape à Avignon, lui préfenterent les Lettres de ce Pontife, par lesquelles il lui ordonnoit de leur donner une Regle. 11 ne douta point alors que la volonté de Dieu ne fût qu'ils fuiviffent celle de faint Benoît, & que ce nouvel Ordre devois être fous la protection de la fainte Vierge. Mais avant que d'ériger ce nouvel Inftitut en Ordre Regulier, conformé ment aux intentions du Pape, il voulut encore confulter le Seigneur, & joignit à la priere un jeûne de trois jours,après»

Tome VI.

Bb.

OLIVET.

ORDRE DU lefquels ne doutant plus que ce ne fût la volonté de Dieu,il MONT alla la même année 1319. au Val d'Acona,où il revêtit d'habits blancs Tolomei & fes Compagnons, leur ordonnant de fuivre la Regle de faint Benoît. Il voulut que cette Congregation fut fous la protection de la fainte Vierge; & comme il donna le nom de Mont-Olivet à ce Val d'Acona, peutêtre à caufe des Oliviers dont cette montagne étoit remplie, peut-être auffi pour faire ressouvenir les Religieux que par la mortification ils devoient être crucifiés avec Jefus-Christ, qui la veille de fa Paffion avoit fué fang & eau dans le jardin des Olives. Cette Congregation fut fondée fous le titre de Nôtre-Dame de Mont- Ölivet, & Tolomei prit le nom de Bernard, au lieu de celui de Jean, qu'il avoit reçu au Batême.

Il ne reftoit plus que de donner un Superieur à cette nouvelle Congregation. Tous les Religieux jettoient les yeux fur leur digne Fondateur: mais fon humilité l'empêcha d'accepter cette Charge,aimant mieux obéïrque de commander. A fon refus le premier Superieur & Général de cet Ordre fut le Pere Patrice Patrici, qui fut élu la même année. Ambroife Picolomini lui fucceda l'année fuivante 1320. Simon de Thure fut élu pour troifiéme Général en 1321. mais après fon année d'exercice,il falut enfin que le Bienheureux Bernard Tolomei cedât aux follicitations de fes Freres, qui ne voulurent point élire d'autre Superieur que lui en 1322. & il exerça cette Charge pendant vingt-fept ans, quoiqu'il fît tous les ans de nouvelles tentatives pour être déchargé de cet Emploi, afin de se remettre sous le joug de l'obéïffance.

Les Hiftoriens de cet Ordre parlant de la ferveur de ces Religieux dans le commencement de leur établiffement, difent qu'ils ne pratiquoient pas feulement des mortifications en fecret,mais qu'ils en faifoient plufieurs en public. A peine donnoient-ils un peu de repos à leurs corps, ils fe levoient la nuit pour dire Matines, & croïoient que c'étoit une chose indigne de leur état & trop fenfuelle que de fe reposer après avoir dit leur Office: ils emploïoient à l'oraifon le tems qui leur reftoit jufqu'à Primes. Ils étoient extrémement fobres dans leur manger. Outre les jeûnes ordonnés par l'Eglife & par la Regle de faint Benoît, ils en obfervoient encore beaucoup d'autres, ne fe contentant ces jours-là que de pain &

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »