VALLADO ladolid n'eft pas moins confiderable que celle de Celle- CONGRENeuve. Elle fut fondée par Dom Garcias Roi de Navarre GATION DE l'an 1052. à un lieu où il trouva une Image de Nôtre Dame LID. proche la ville de Najara. Il y mit des Religieux de Cluni qu'il demanda à faint Hugues qui en étoit pour lors Abbé, & le Monaftere de Najara fut appellé Notre-Dame la Roïale. Le Roi y unit d'abord l'Evêché de Valpuefta, voulant que l'Evêque fût auffi Abbé. L'Evêché de Calahore y fut auffi uni dans la fuite; mais Dom Alfonfe VI. rendit à la ville de Calahore fon Evêque, à celle de Najara le Diocêse de Valpuesta,& conserva feulement à l'Abbaïe de Nôtre-Dame la Roïale les Monafteres qui lui étoient foûmis qui étoient au nombre de plus de foixante. Ce Prince voulut que les Religieux dépendiffent de l'Abbaïe de Cluni & fuffent gouvernés par un Prieur, ce qui dura jufqu'en l'an 1486. que les Religieux fans le confentement de l'Abbé de Cluni, élurent non un Prieur, mais un Abbé. L'Abbé de Cluni s'y oppofa: cette affaire fut portée à Rome, où Dom Paul Martinez de Urugnuela qui avoit été élu Abbé de Nôtre-Dame la Roïale de Najara reçut non feulement la confirmation de fon élection, mais obtint encore la défunion de fon Monastere d'avec celui de Cluni. Cependant il n'eut pas plûtôt pris poffeffion de cette Abbaïe que les Rois Catholiques Ferdinand & Ifabelle l'obligerent d'unir fon Monaftere à la Congregation de Valladolid, ce qui arriva l'an 1497. & l'Abbé Dom Paul Martinez remit cette Abbaïe entre les mains du Pape qui la rendit triennale. Celle de faint Pierre d'Eflonce au Roïaume de Leon fut auffi unie à cette Congregation par le Pape Jules II. l'an 1512 ce qui fut confirmé par Leon X. l'an 1513. Ce Monastere avoit été fondé des premiers en Espagne lorfque l'Ordre de faint Benoît y paffa. Ordogne 11. Roi de Leon У fit de grandes donations auffi-bien que Ferdinand I. & l'Infante Urraque fa fille. Prudent de Sandoval remarque une chofe affez finguliere touchant une affociation ou filiation qu'il y avoit entre l'Eglife Cathedrale de Leon & ce Monaftere. C'eft que le jour de faint Barnabé, auquel fe tenoit un Synode, l'Abbé d'Eflonce célébroit la Meffe, & avoit pour Diacre & Soû-Diacre deux Chanoines, & que le jour du Vendredi-Saint, le Monastere envoïoit au Chapitre de Tome VI. Hh VALLADO LID. CONGRE Leon, neuf poireaux en trois bottes liées chacune de trois GATION DE brins d'ofier, douze pains de deux livres chacun, & fix poignées de moluës liées deux à deux. Celui qui en étoit le porteur attendoit au milieu du Chœur des Chanoines que l'Evêque eût fini les cérémonies, & en lui prefentant ce que le Couvent envoïoit il lui difoit : Que votre Seigneurie reçoive l'Abbé & le Couvent d'Eflonce vous envoient, non par droit, mais par aumône & à cause de la confraternité qu'ils ont avec cette Eglife: le Procureur du Chapitre fortoit enfuite de fon fiége & recevant le préfent qu'on envoïoit, difoit, au Député du Couvent: Nous recevons ceci non pas par aumône, mais comme une chofe que vous nous devez de droit. ce que Mais de tous les Monafteres de cette Congregation il n'y en a point de plus célébre que celui de Notre-Dame de Mont-Serrat, où l'on vient de tous côtés,& même des païs les plus éloignés pour y reverer une Image de la fainte Vierge. L'on prétend que cette dévotion étoit en ufage dès le huitiéme fiécle. Mais que les dégats que firent les Šarrasins qui ravagerent l'Espagne & la Catalogne en ce tems-là, l'aïant fait ceffer,l'Image demeura cachée dans une caverne jusques vers la fin du neuviéme fiécle, & que quelques bergers la découvrirentson bâtit d'abord un Ermitage au même lieu, & peu de tems après l'an 888. un Monaftere, où on mit des Religieufes qu'on tira de celui de faint Pierre des Pucelles en Catalogne. Elles y demeurerent jufqu'en l'an 966. qu'on mit en leur place des Religieux Benedictins, & ce Monastere fut érigé en Abbaïe par l'Antipape Benoît XIII. l'an 1401. qu'il le défunit d'avec l'Abbaie de NôtreDame de Ripoli, à laquelle il avoit été foûmis jufqu'alors ce qui fut confirmé par le Pape Martin V. l'an 1430. Il fut enfin uni à la Congregation de Valladolid l'an 1493. fous les Regnes des Rois Catholiques Ferdinand & Ifabelle. Dom Garcias de Cifneros fut élu premier Prieur de la Réforme. Il fut enfuite nommé Abbé par le Pape Alexandre VI. lors qu'il accorda ce titre à tous les Superieurs de la Congregation. Ce célébre Monaftere de Nôtre-Dame de Mont-Serrat eft fitué dans la Catalogne à deux lieuës de Manrefe, & à neuf de Barcelone. Il eft prefque tout au haut d'une montagne appellée de Mont-Serrat, felon quelques-uns,à caufe qu'il eft J GATION DE entouré de pointes de rochers feparées les unes des autres CONGREqui s'élevent en forme de dents de fcie que les Latins appel- VALLADO lent Serra. Il y a ordinairement foixante-&-dix Religieux du LID. Chœur dans ce Monaftere, quatre-vingt-dix Freres Oblats ou donnés qui ont foin des metairies & de recueillir les aumônes, dix-huit ou vingts Solitaires qui demeurent dans des Ermitages féparés les uns des autres fur la montagne & doivent venir à certains jours au Monaftere qui leur fournit tous leurs befoins, & trente Seminaristes, tous de familles nobles qu'on nomme les Pages de la fainte Vierge. Les Seminaristes des robes noires & des furplis à l'Eglife, portent où ils fervent les Mefles par semaines & chantent la Meffe & les Hymnes qui fe difent tous les jours en l'honneur de la fainte Vierge. pro Pour ce qui eft des Ermites, ils font de deux fortes : les premiers font ceux qui dès le commencement ont pris l'habit en intention d'être Ermites, & ceux-ci font le même Noviciat que les Religieux de la Communauté & font auffi feffion de ftabilité, avec cette difference qu'ils y promettent de ne jamais fortir du circuit de la montagne pour quelque affaire qui leur puiffe arriver, ni pour aller vivre en quelqu'autre Monaftere de la Congregation, & renoncent dans leur profeffion au droit de voix active & paffive. Après leur profeffion ils reftent encore fept ans dans le Monaftere où ils font exercés dans l'obéïffance, l'humilité & la mortification ; & pendant tout ce tems-là ils vont au` Chœur nuit & jour, mais ils n'y chantent point. Après cette épreuve l'Abbé prend l'avis des anciens de la Maison pour fçavoir s'ils font propres pour la vie Eremitique, & s'il le juge à propos il les envoïe dans un Ermitage. Leur habit est de drap de couleur brune & ils portent la barbe longue s'ils ne font pas Prêtres. Que fi on éleve quelqu'un d'entre eux au Sacerdoce, ce qui ne fe fait que très rarement, ils prennent l'habit noir,se rasent la barbe & portent la couronne comme les Religieux de la Communauté. L'autre efpece d'Ermites, eft des Religieux qui après avoir fait profeffion de la vie Cœnobitique & afpirant enfuite à une plus grande perfection, demandent de paffer leur vie dans quelques Ermitages; ce qui ne leur est facilement accordé. On leur fait défirer cette grace plufieurs années, & pas CONGRE fi l'on remarque que le retardement leur fait fouhaiter ce GATION DE bien avec ardeur, on les envoïe en un Ermitage où ils paffent feptou huit mois pour s'éprouver; & fi après cette épreu VALLADO LID. ve ils perfiftent dans leur defir, on leur accorde leur demande & ils renoncent auffi à la voix active & paffive. Ils font vêtus de noir,fe rafent la barbe & portent la couronne comme les Religieux de la Communauté. Tous ces Ermites font fujets à l'Abbé du Monaftere. Ils lui obéïffent comme à leur Superieur, & il les change d'Ermitage quand il le juge à propos. Il nomme un Vicaire d'entre fes Religieux qui les gouverne,leur fait des exhortations & leur dit la Meffe tous les Dimanches, les Fêtes & les Jeudis de l'année dans l'Eglise de sainte Anne. Il leur adminiftre auffi le Sacrement de Penitence & la Communion, Aux Fêtes folemnelles, ils defcendent à l'Abbaïe pour affifter à la Proceffion & à la grande Meffe à laquelle ils communient. Ils font un Carême perpetuel & ils obfervent si rigoureusement l'abftinence de la viande, qu'il n'est pas permis aux Religieux & aux Séculiers d'en manger aux environs de la montagne où font fitués les Ermitages. On leur porte trois fois la semaine des vivres, & lorfqu'ils tombent malades on les porte à l'Abbaïe & on les met à l'Infirmerie, Ils y font fervis comme les Religieux de la Communauté, & après leur mort ils ont la même fepulture. Ils fe levent à deux heures, ils difent leur Office, vaquent à l'Oraifon jufqu'à environ cinq heures du matin, & ils emploïent le refte de la journée à des lectures fpirituelles & au travail des mains. Il ne leur eft pas permis de nourir ni chiens, nį chats, ni oifeaux. Le Tréfor que l'on montre dans la Sacriftie de ce Monaftere n'a point fon femblable en toute l'Espagne: on y admire principalement deux pieces dont la premiere eft une couronne d'or maffif d'un affez grand poids toute chargée de diamans. Elle a au deffus un petit arc de douze pierres de grand prix en forme d'étoile, & on admire fur tout au milieu de cet arc une pierre prétieufe taillée en forme de navire où l'on diftingue les mats, les voiles,& les cordages. On eftime cette couronne deux millions. On a travaillé quarante ans pour la faire. La feconde piece eft une autre couronne d'or toute remplie d'Emeraudes, la plûpart d'une grandeur sur VALLADO LID. prenante,entre lefquelles il y en a de quatre ou cinq mille CONGREécus chacune. Il y a auffi deux autres couronnes d'or, trois GATION DE beaux foleils, l'un d'or parfemé de diamans & de groffes peries; & les deux autres de vermeil doré orné de diverfes pierres & de corail. Deux Calices d'or, dont l'un eft enrichi de plufieurs groffes perles, & l'autre garni de rubis,qui a été donné par l'Empereur Maximilien avec un plat & deux burettes d'or aufli garnies de rubis. Un Ciboire d'or dont on fe fert le Jeudi Saint, & un autre Ciboire d'or émaillé, dont l'arbre eft une Vierge, qui porte fur la tête une pierre précieuse en forme de boëte où l'on met la fainte hostie. Outre cela ils ont un très grand nombre de vafes d'or & d'argent, de Croix, de chandeliers & quatre vingt lampes d'argent qui brulent continuellement devant l'Image de la fainte Vierge dont il y en a deux qui pefent chacune plus de trois cens marcs. M. Corneille qui a fait la defcription de cette fainte montagne & de ce Monaftere, s'eft trompé lorfqu'il dit qu'il fut d'abord fondé pour des Religieufes de l'Ordre de faint Auguftin en la place defquelles on mit des Religieux du même Ordre. Car non feulement les Religieux ont toûjours été & font encore Benedictins; mais les Religieufes pour lesquelles il fut fondé & qui y font restées jufqu'en 966. étoient de l'Ordre de faint Benoît & avoient été tirées du Monaftere de faint Pierre des Pucelles qui a toûjours été de cet Ordre depuis le commencement de sa fondation. Outre le grand nombre de Religieux,de Donnés d'Ermites & de penfionnaires qui demeurent dans le Monaftere de Mont-Serrat, il y a encore plus de trois cens quarante tant ferviteurs qu'Officiers: on y donne le couvert à tout le monde, & aux pauvres du pain & de la viande, ou du poiffon fuffifamment. Les revenus de ce célébre Monastere Le font pas fuffifans pour fournir à une fi grande dépense; mais les aumônes qu'on y fait & qui font très confiderables y fuppléent. L'habillement de ces Religieux est semblable à celui du Mont-Caffin ou de fainte Juftine,comme nous l'avons déja dit. Antonio Yepés, Chronica Général de la Orden de fan Benito. Bafilio de arce, Hift. del Monafterio. de N. S. de Sopetram. & Louis de Montagut, Hiftoire de Notre-Dame de Mont-Serrat. |