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S. VANNE,

Vanne, il prit la réfolution quelque tems après de s'y rendre CONGRE Frere Convers, n'aïant aucune teinture des fciences. Il en GATION DE parla à N. Bonccart, fon oncle maternel, Lieutenant Général ET DE S de la ville, & par fon moïen il obtint de l'Evêque, qui étoit HIDULPHE auffi fon parent, & Abbé de faint Vanne, d'être reçu non feulement au nombre des Religieux de cette Abbaïe, mais d'avoir encore rang parmi les Religieux du Chœur. La Communauté en murmura beaucoup, fe plaignant que c'étoit faire tort à une Maison fi célébre, d'y donner entrée à un ignorant, toûjours élevé à la campagne : cependant l'autorité de l'Evêque les obligea à lui donner l'habit. Il reçut d'abord beaucoup de mauvais traitemens; mais fa patience & fa douceur lui gagnerent enfin l'affection de quelques Religieux du Monaftere, qui prirent foin de lui enfeigner les premiers élemens de la Grammaire. Il fe rendit fort affidu, & après avoir furmonté les premieres difficultés, il fit voir tant de difpofitions pour les Lettres, qu'afin de lui donner plus de moïen de s'y avancer, on l'envoïa étudier en l'Univerfité de Pont-à-Mouffon. Il y fit fon cours de Philofophie & de Theologie, & paffa Maître ès Arts.

Au commencement de fa Theologie, qui fut en l'année 1581. il reçut l'Ordre de Prêtrife, étant âgé de trente ans,& après avoir fini fon cours de Theologie, il prêcha quelques Sermons, qui firent connoître le talent qu'il avoit pour la prédication,où il auroit excellé,fi fes occupations lui euffent permis de s'adonner à cet exercice. Il retourna à fon Monaftere, avec une forte refolution d'obferver exactement la Regle dont il faifoit profeffion ; mais il y trouva de grands obftacles de la part des autres Religieux, qui ne pouvoient fouffrir qu'il voulût fe diftinguer. Il ne pouvoit s'empêcher de leur representer l'obligation qu'ils avoient de vivre d'une maniere plus conforme à leur état qu'ils ne faifoient. Ces difcours au lieu de faire impreffion fur leurs efprits, lui attirerent au contraire leur averfion; & pour se défaire de lui comme d'un Cenfeur incommode, ils lui perfuaderent de retourner à Pont-à-Mouffon,afin de fe perfectionner dans l'étude de la Theologie, & d'apprendre les Langues Grecque & Hebraïque ce qu'il accepta comme une chose qui lui étoit fort avantageufe, & qui flatoit la grande paffion qu'il avoit pour les fciences.

Tome VI.

Mm

CONGRE Après quelques années de féjour dans cette Univerfité, il GATION DF retourna à faint Vanne, fans y trouver aucun changement ET DE S. dans la conduite des Religieux, qui ne pouvant fouffrir la HIDULPHE. vie exemplaire du Pere Didier, & craignant la réforme de

S. VANNE,

leur. Monaftere (l'Evêque qui en étoit Abbé, leur aïant donné fouvent des avis de réformer leurs mœurs) ils réfolurent d'éloigner celui qui pouvoit contribuer à cette réforme. Ils feignirent pour cet effet de la vouloir embraffer, & engagerent le Pere Didier d'aller à Rome, afin de travailler à la défunion de la Menfe Abbatiale de faint Vanne d'avec celle de l'Evêché de Verdun, à laquelle elle avoit été unie, lui faifant accroire que c'étoit le moïen de réüffir dans la réforme. Il partit donc de Verdun l'an 1587. mais étant arrivé à Rome, il ne fut pas long-tems fans s'appercevoir de la fourberie de fes Confrères: car bien loin de trouver les lettres de change qu'ils lui avoient promifes, ils l'abandonnerent entierement: ce qui l'obligea de revenir en Lorraine.

Etant de retour dans fon Abbaïe, il eut quelque deffein de changer d'Ordre, parce que celui de faint Benoît n'avoit plus rien en France,de fon premier efprit: il confulta fur ce fujet des perfonnes de pieté, qui lui confeillerent de demeurer dans son état, & d'y vivre le plus regulierement qu'il pourroit. Il fuivit cet avis, & pour mettre la confcience en repos, il alla trouver le Prieur, & mit à fes pieds le peu d'argent qu'il avoit, le priant d'en difpofer auffi-bien que de fes meubles & de fes livres, & il lui propofa de fe retirer dans un Ermitage, pour y vivre à la maniere des anciens Solitaires. Il en obtint facilement la permiffion, & le Prieur lui donna pour retraite l'Ermitage de faint Chriftophle, dépendant du Monastere de faint Vanne, à quatre lieuës de Verdun. Il demeura dix mois dans ce lieu, ne vivant que de pain & d'eau ; & il auroit continué ce genre de vie jufqu'à fa mort, fi Dieu qui l'avoit choisi pour réformer fon Ordre, n'en eût difpofé autrement. Les guerres que l'Herefie caufa en France, l'obligerent de fortir de fa folitude pour fe mettre à couvert des infultes des Soldats. Au fortir de fon Ermitage il entra chez les Minimes, qui le reçurent avec beaucoup de joïe, & lui donnerent l'habit de leur Ordre. Mais confervant toûjours beaucoup d'affection pour celui de S. Benoît, fortit quelque tems après du Couvent des Minimes, &

rentra à faint Vanne, plus refolu que jamais de travailler à CONGREla réforme de fon Ordre: ce qui réüflit enfin comme il le S. VANNE,

fouhaitoit.

GATION DE

ET DE S.
HIDULPHE

L'Evêché de Verdun, auquel étoit uni la Mense Abbatiale de l'Abbaïe de faint Vanne, comme nous l'avons déja dit,étant tombé entre les mains du Prince Erric de Lorraine, ce Prélat fe trouva fi plein de bonnes intentions, que le Pere Dom Didier de la Cour n'eut pas de peine à le faire entrer dans le deffein de réformer fon Monaftere. Ces difpofitions du nouvel Evêque de Verdun furent commes les premieres ouvertures à la Réforme Générale, & la démiffion volontaire du Prieur de faint Vanne, qui fit en même tems élire en sa place Dom Didier, acheva de faciliter l'entreprise. Ce fut l'an 1596. que le nouveau Prieur prit foin de cette Maison : & comme il n'avoit accepté cette Charge qu'aux inftances réïterées de l'Evêque, il fe crut en droit d'exiger de lui qu'il le foûtint dans le miniftere où il entroit par fes ordres. Comme il étoit refolu de mettre l'Obfervance Réguliere dans cette Maison, nonobftant l'oppofition des Religieux, l'Evêque fut obligé de feconder fes defirs ; mais il ne lui accorda pas tout d'un coup ce qu'il demandoit. Il propofa la chose à fon Confeil, qui ne conclut d'abord qu'à une mitigation,qui tendoit feulement à empêcher que les Religieux ne violafsent ouvertement leurs voeux, fans toutefois retrancher ni les jeu ni les divertiffemens qui leur étoient ordinaires. On s'apperçut bien tôt du peu d'effet de ce Confeil, qui retournoit à la confufion de ceux qui en étoient les principaux Auteurs, puifqu'il n'empêchoit pas le scandale que caufoit une liberté fi contraire à l'état Religieux: ce qui obligea enfin l'Evêque à déferer aux inftances de Dom Didier, qui propofoit d'entreprendre le rétablissement de l'étroite Obfervance de la Regle de faint Benoît, en donnant l'habit à de jeunes gens de bonne volonté, qu'il prendroit foin de former lui même aux exercices de la Réforme, fans s'arrêter aux anciens Religieux, incapables pour la plupart de fe réduire à une vie Réguliere: & afin qu'ils ne ferviffent pas d'obstacles à fes deffeins, il obtint un Bref vers l'an 1598. qu'il executa avec le confentement de l'Evêque, envoïant 18. de ces anciens Religieux à Moyen-Moutier en V ofge,qui étoit auffi fous la jurifdiction de ce Prince, ainfi que S. Vanne.

CONGRF- Le Pere Doin Didier reçut dans le même tems quatre SAVON DE jeunes hommes, qui après l'année de probation, firent leurs ET DE S. Vœux entre fes mains, le 30. Janvier 1600. après avoir reHIDULPHE nouvellé lui-même la profeffion entre celles de fon Evêque,

GATION

S. VANNE,

qui étoit venu exprès à la cérémonie de ces nouveaux Pro-
fés. Ils furent bien-tôt fuivis de plufieurs autres, & l'Ab-
baïe de faint Vanne fut remplie en
en peu de tems d'excellens
Sujets, tous animés de ferveur & de zele. C'étoit à qui se
furpafferoit par une fainte émulation dans la pratique de la
vertu, & fur tout dans l'exercice de la charité. L'abstinence,
les jeûnes, les veilles, l'oraison continuelle, les faintes lectu-
le travail des mains & le filence, étoient fi bien rétablis
dans faint Vanne, que tout le monde en étoit dans l'admi-
ration, & loüoit la pieté & le zele du Réformateur, qui non
content d'avoir banni de fon Monaftere les mœurs déreglées
des anciens,crut pour en mieux oublier les manieres,devoir
changer jufqu'à l'habit, qu'il fit faire felon les modeles qu'il
avoit fait venir du Mont-Caffin, où il croïoit que la forme
de l'habit de faint Benoît s'étoit mieux confervée qu'ailleurs.

res,

L'Obfervance Réguliere étant parfaitement établie à faint Vanne, l'Evêque de Verdun lui propofa la Réforme de fon Abbaïe de Moyen-Moutier en Volge dédiée à faint Hydulphe Archevêque de Treves. Dom Didier y envoïa l'an 1601. plufieurs de les Religieux fous la conduite de Dom Claude François, qui par l'amour qu'il avoit pour l'Obfervance Réguliere auffi-bien que par les autres beaux talens dont il étoit doüé, fut jugé très capable d'executer une telle entreprise ; il y réüffit en effet. La liaison que contracterent enfuite ces deux Abbaïes qui furent les premieres Réformées, donna lieu à l'érection de la Congregation, connuë fous le nom de faint Vanne & de faint Hydulphe, Titulaire des deux Monafteres. Le Pere Rozet fut Député pour aller à Rome en demander la confirmation au Pape Clement VIII. l'Evêque de Verdun emploïa son crédit & fes amis pour en obtenir les Bulles neceffaires, & ce Pontife à la recommandation de plufieurs Cardinaux, principalement du Cardinal Baronius, érigea ces deux Monafteres en Congregation fur le modele de celle du Mont- Caffin & de fainte Juftine de Padoue, & communiqua à tous les Monafteres qui voudroient s'aggreger à ceux de faint Vanne & de

GATION DE

HIDULPHE

Moyen Moutier les privileges,graces, indulgences, immuni- CONGRE tés,libertés, faveurs, & indults octroïés ci-devant par le faint S. VANNE, Siége à la Congregation du Mont-Caffin, comme l'on voit ET D & S. par la Bulle de ce Pontife du 7. Avril 1604. Le premier Chapitre Général fut célébré dans faint Vanne au mois de Juillet de la même année, où Dom Didier fut élu Président tant du Chapitre que du Regime,& Prieur de faint Vanne, Dom Rozet, Vifiteur, & Dom Claude François, Prieur de faint Hydulphe; mais parce que les Superieurs de la Congregation n'étoient pas Abbés comme ceux de la Congregation du Mont-Caflin, Dom Rozet fut envoïé une feconde fois à Rome au commencement du Pontificat de Paul V. afin d'obtenir la confirmation de ce que fon prédeceffeur avoit accordé & demander à fa Sainteté que les Vifiteurs & Superieurs euffent le même pouvoir que les Abbés de la Congregation du Mont-Caffin, qui avoit fervi de modele à celle de faint Vanne. Le Pape accorda cette demande par un Bref du 23. Juillet 1605. ce qui obligea le Pere Rozet d'aller au Mont-Caffin pour s'inftruire parfaitement des points neceffaires au rétablissement de la Regle dans toute la perfection, auffi-bien que des droits & des privileges dont joüiffoient les Abbés de l'Ordre.

Pendant que le Pere Rozet agiffoit fi utilement en Italie, le Cardinal Charles de Lorraine, dont nous avons parlé, voïant qu'il pouvoit pour lors executer plus facilement le deffein qu'il avoit formé de rétablir la Difcipline Réguliere dans tous les Monafteres qui étoient fitués dans les terres de fa Legation, obtint un Bref du Pape,du vingt-fept Septembre 1605. pour pouvoir unir tous les Monafteres de l'Ordre de faint Benoît à la nouvelle Réforme de faint Vanne. Il commença par fon Abbaïe de faint Michel en Lorraine, dont plufieurs autres Monafteres de Loraine & des environs fuivirent l'exemple, en forte que peu d'années après on compta près de quarante Monafteres unis à cette Congregation dont les principaux furent faint Manfui & faint Evre à Toul, faint Nicolas à deux lieuës de Nanci, faint Arnoul, faint Clement, faint Symphorien & faint Vincent à Metz & faint Pierre de Luxeüil. Enfin après que Dom Didier eut beaucoup travaillé pour l'augmenter, Dieu voulut couronner fes travaux par une mort précieuse. Il emploïa un an en

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