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ce dernier Grand-Maître, par lequel il le faifoit renoncer à ORDRE DE la Grande Maîtrife, fe contentant de la Commanderie d'Al- CALATRAcagniz, & ainfi Nugnez fut reconnu pour Grand-Maître par les Chevaliers d'Aragon & de Valence: ce qui fut confirmé par le Pape Clement VI.

Mais l'an 1355. fur ce que ce Grand-Maître s'étoit ligué avec le Roi d'Aragon, contre Pierre, furnommé le Cruel, Roi de Castille fon Souverain, ce Prince le fit mettre en prifon, & fit tenir un Chapitre Général, dans lequel il fut dépofé. Dom Garcias de Padilla fut élu en fa place, & peu de jours après Nugnez eut la tête tranchée par ordre du

Roi.

Le Gouvernement du nouveau Grand-Maître ne fut pas non plus paisible. Il eut pour Competiteur Dom Pedro Eftevagnez-Carpeintero, qui fut auffi élu à la faveur du Grand Maître de l'Ordre de faint Jacques, d'Henri Comte de Tristemar, du Duc d'Albuquerque, & d'autres grands Seigneurs. Celui-ci prit les armes contre le Roi de Castille, & s'empara de la ville de Toro. Mais ce Prince l'aïant repris,tua de fa propre main ce Grand-Maître intrus,lorfqu'il fe préfenta devant lui, fans que la présence de la Reine sa mere pût arrêter l'effet de fa colere.

Les troubles dont l'Espagne étoit agitée, cauferent auffi la mort au Grand-Maire Dom Garcias de Padilla:car le Comte de Triftemare aïant été reconnu pour Roi par une partie des villes de Castille, il alla trouver ce Prince, & lui prêta ferment de fidelité. Pierre le Cruel aïant appris ce qu'avoit fait le Grand-Maître, & voulant s'en venger, crut qu'il devoit diffimuler pour un tems, & tacher de l'attirer par la douceur : c'est pourquoi il lui écrivit, & le fit reffouvenir qu'il avoit été un des témoins du mariage qu'il avoit contracté avec Marie de Padilla fa foeur, avant qu'il épousât Blanche de Bourbon, & qu'ainfi les enfans qu'il en avoit eu étoient ses neveux, & les legitimes heritiers de la Couronne, à laquelle Henri de Triftemare n'avoit aucun droit. C'est pourquoi il le prioit de quitter le parti de ce Prince, & promettoit qu'au cas que pour ce fujet on lui ôtât la GrandeMaîtrife, il lui donneroit en propre la ville d'Andujar, ave Talavera & Villa-Real. Cette Lettre jetta Garcias de Padilla dans l'embarras. D'un côté il voïoit Henri de Trifte

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ORDRE DE mare en poffeffion d'une grande partie du Roïaume,& qu'il CALATRA étoit fort aimé du peuple: d'un autre côté confiderant que fi Pierre le Cruel fe maintenoit fur le Trône, fes neveux lui fuccederoient, il ne fçavoit quel parti prendre. Mais pendant qu'il déterminoit auquel des deux il s'attacheroit, l'armée de Pierre le Cruel & celle du Comte de Tristemare en vinrent aux mains, & la victoire se déclara pour Pierre le Cruel. Pour lors le Grand-Maître envoïa faire offre au Roi de la Cavalerie qu'il avoit, efperant que ce Prince croiroit qu'il lui faifoit cet offre avant qu'il eût appris le fuccès de la bataille; mais il fe trompa, le Roi accepta la Cavalerie, & Garcias de Padilla aïant été trouver ce Prince, il le fit arrêter & conduire dans le château d'Alcala, où il mourut quelque tems après,l'an 1369.

Son fucceffeur Dom Martin Lopez s'étant auffi rendu fufpect à Pierre le Cruel, ce Prince promit à Dom Pierre Giron, Commandeur de Matos, que s'il tuoit le GrandMaître, il le feroit élire en fa place. Ce Commandeur arrêta Martin Lopez, qu'il fit mettre en prifon, & avant que de le faire mourir, il voulut donner avis au Roi de fa détention. Mais le Roi de Grenade envoïa dire au Commandeur de Matos, que s'il ne relâchoit le Grand Maître, qui étoit fon ami, il iroit avec fon armée le délivrer: ce qui fit que le Roi de Caftille, qui ne vouloit pas s'attirer un nouvel ennemi, donna ordre qu'on mît en liberté le Grand-Maître : ainfi il évita la vengeance qu'en auroit tiré le Roi de Grenade; mais il ne put éviter celle du Roi du Ciel, qui lui fit fentir la pefanteur de fon bras, & le punit de toutes fes cruautés:car la même année 1369. ce Prince perdit les Roïaumes de Caftille & de Leon avec la vie, qui lui furent ôtés par le Comte Henri de Triftemare, qui par ce moïen refta feul poffeffeur de ces deux Roïaumes. Martin Lopez ne voulut point le reconnoître pour Roi. Il tâcha au contraire de faire foulever l'Andaloufie en faveur d'un de fes neveux, que Pierre le Cruel avoit eu de Marie de Padilla. Mais Dom Pierre Mugniz de Godoy, que le nouveau Roi avoit fait élire pour Grand Maître, fi tôt qu'il eut été proclamé Roi du vivant de Pierre le Cruel, comme nous l'avons dit ci-deffus, alla attaquer Lopez avec les troupes de ce Prince, il l'affiégea dans Carmona, où il s'étoit retiré, & le fomma de rendre la

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place, ou de venir combattre en plaine. Lopez ne voulant ORDRE DE accepter ni l'un ni l'autre, foutint long-tems le fiége; mais CALATRAvoïant que fon monde diminuoit & qu'il ne pouvoit échapper d'une maniere ou d'une autre, il fortit de la ville pour combattre ; mais aïant été fait prisonnier, il , il eut peu de tems après la tête tranchée. Ainfi Pierre Mugniz n'aïant plus de Competiteur à la Grande Maîtrife, tint un Chapitre Général à Calatrava, dans lequel il fit plufieurs Ordonnances pour le gouvernement de l'Ordre, & après l'avoir gouverné pendant quinze ans, il fut élu Grand-Maître de celui de faint Jacques de l'Epée en 1383.

Il Y eut encore fchifme dans l'Ordre fous le Gouvernement de Dom Henri de Villena, vingt-quatriéme GrandMaître, qui fut élu l'an 1404. le Roi Henri III. qui fou haitoit fon élection, fe trouva pour cet effet à Calatrava, afin de folliciter les anciens Chevaliers à donner leurs fuffrages à Henri de Villena. Mais fur la difficulté qu'ils y apporterent, à caufe qu'il n'étoit pas de l'Ordre & qu'il étoit marié, le Roi leur dit que fon mariage étoit nul, parce qu'il étoit impuiffant, & que pour ce fujet fa femme demandoit fa féparation, & que le mariage fut déclaré nul. La Sentence de divorce fut donnée, Henri de Villena fut élu GrandMaître, & le Pape le difpenfa du Noviciat, lui permettant de faire ses vœux fi-tôt qu'il feroit entré dans l'Ordre. Mais les Chevaliers qui ne s'étoient pas trouvés à son élection aïant appris qu'il y avoit eu de la tromperie dans la Sentence de divorce, élurent pour Grand-Maître Dom Loüis Gufman, qui alla en Aragon pour pouvoir plus facilement soutenir fon droit. Il envoïa des Procureurs à Rome, afin que le Pape en décidât; mais on ne détermina rien du vivant du Roi. Après la mort de ce Prince les Chevaliers qui avoient élu Villena, ne voulurent plus le reconnoître, & élurent Gulman l'an 1407. Chacun de ces Grands-Maîtres avoit fon parti, & ces conteftations ne furent terminées que l'an 1414. le Pap eaïant renvoïé cette affaire au Chapitre GénéFal de Cîteaux, qui déclara l'élection de Villena nulle. Ainfi Dom Loüis Gufman fut paifible poffeffeur, & porta fes armes contre les Maures. Mais après que la paix eut été faite avec ces Infideles, l'on vit les Chevaliers armés les uns contre les autres. Le Grand-Maître étant fort vieux, un faux

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ORDRE DE bruit de fa mort fe répandit à la Cour, le Grand Comman CALATRA deur qui étoit à Cordouë, demanda du fecours à l'Infant Henri, pour se rendre maître des châteaux qui appartenoient à l'Ordre dans le Roïaume de Caftille. Ce Prince lui donna douze cens hommes de pied, & cinq cens chevaux avec lefquels il entra fur les Terres de Calatrava. Le Clavier de l'Ordre, comme Lieutenant du Grand-Maître, alla à fa rencontre avec huit cens hommes d'Infanterie & douze cens chevaux. Il y eut combat entr'eux, dans lequel le GrandCommandeur fut fait prifonnier, & peu de tems après le Grand-Maître mourut. On dit qu'il avoit obtenu pendant fon vivant une Bulle pour avoir permiffion de fe marier, & les Chevaliers auffi; mais il n'y eut que lui qui fe fervit de ce privilege. il eut pour fucceffeur l'an 1443. Dom Ferdinand de Padilla, & cette élection caufa de nouveaux troubles dans l'Ordre car le Roi de Castille Jean II. l'aïant appris, envoïa ordre aux Chevaliers de dépofer Dom Ferdinand, & d'élire Dom Alfonfe d'Aragon, fils naturel du Roi de Navarre. Les Chevaliers ne voulant point faire de nouvelle élection,le Roi fit affiéger Calatrava: mais le Grand-Maître aïant été tué par accident par un de fes Domestiques, fa mort termina bien-tôt ce different: car Dom Alfonfe d'Aragon lui fucceda à la Grande Maîtrise, dont il n'eut pas plutôt pris poffeffion, qu'il fe déclara contre fon Bienfaiteur: car le Roi de Navarre fon pere s'étant broüillé avec le Roi de Caftille, la guerre s'alluma fortement entre ces deux Princes. Le Grand-Maître de Calatrava prit avec fes Chevaliers le parti du Roi de Navarre, qui malgré ce fecours, ne laissa pas d'être vaincu en plufieurs rencontres par le Roi Jean, qui après avoir chaffé entierement fes troupes de fes Roïaumes de Caftille & de Leon, voulut châtier les Chevaliers de Calatrava de leur infidelité, en portant les armes contre lui, qui étoit leur Souverain: & comme le Grand-Maitre avoit été la caufe de leur rébellion, ce Prince fit affembler le Chapitre Général à Calatrava l'an 1445. où ce GrandMaître fut déposé par fon ordre. On proceda enfuite à l'élection d'un autre Grand-Maître; mas les Chevaliers ne purent s'accorder ensemble, les uns donnerent leurs voix à Dom Pierre Giron, d'autres à Dom Jean Ramirez de

Gufman

CALATRA

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Gufman, & il fe forma un troifiéme parti de ceux qui ne ORDRI DI voulurent point fe fouftraire de l'obéiffance qu'ils avoient promise à Dom Alfonfe d'Aragon: ainfi on vit en même tems trois Grands-Maîtres de Calatrava, qui prétendant être legitimement élus,& voulant tous trois gouverner, fe rendirent maîtres chacun de fon côté des villes & des châteaux qui appartenoient à l'Ordre, felon la faction des Commandans qui y étoient. Pierre Giron s'empara de Calatrava, Ramirez de Gufman occupa Offuna, Martos & quelques autres places dans l'Andaloufie, & Alfonfe d'Aragon se conferva les places que l'Ordre poffedoit dans le Roïaume d'Aragon. Ces deux pemiers s'accommoderent la même année 1445. car Dom Gufman cedant le droit qu'il prétendoit avoir à la Grande-Maîtrise, PierreGiron exerça cette Charge nonobftant les places & le titre de Grand-Maître, que Dom Alfonse se conferva pendant douze ans, après lefquels il renonça auffi à fes droits, & obtint du Pape Calixte III. la permiffion de se marier, après avoir juré qu'il n'avoit jamais eu intention de faire profession.

L'année fuivante 1446. le Prince Henri de Castille voulant ôter la Couronne à fon pere Jean II. qui ne gouvernoit le Roïaume que par les confeils d'Alvarez de Luna, Connêtable de Caftille,qui étoit fort haï de tous les Grands du Roïaume; le Grand-Maître de Calatrava prit le parti du Prince Henri, & lui fournit des troupes. Les divifions entre le pere & le fils durerent fix ans, & ne furent terminées par la mort du Connêtable, qui perdit la tête fur un échafaur.

que

Jean II. étant mort en 1454. fon fils Henri lui fucceda;il porta la guerre contre les Maures. Le Grand-Maître le fuivit avec les Chevaliers & ceux des autres Ordres. Mais le Roi n'aïant pas voulu affiéger la ville de Grenade ni aucune fortereffe, les Grands du Roïaume qui étoient avec lui, attribuerent cela à lâcheté. C'eft pourquoi regardant ce Prince comme indigne de porter la Couronne de Caftille,ils voulurent fe faifir de fa perfonne & élire pour Roi l'Infant Dom Alphonfe fon frere. Le Roi aïant fçu leur deffein, quitta fecretement l'armée & vint à Cordoue où il lui échapa quelques paroles de menaces contre le Grand-Maître de Calatrava, qui étoit le Chef de la conjuration:ce qui fit que

Tome VI.

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