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D'ALCAN

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ORDRE fe crurent auffi en droit de ne plus obferver le traité qui avoit été fait entre ces deux Ordres, & ils ne voulurent plus être foûmis à celui de Calatrava, comme nous le verrons dans la fuite: ils obtinrent même de Jules II. une Bulle qui les en exemtoit. Mais les Chevaliers de l'Ordre de Calatrava prétendant que cette Bulle avoit été obtenuë fans connoissance de caufe, & fur un faux expofé, n'ont pas laiffé de nommer dans leurs Chapitres Généraux des Vifiteurs de cetOrdre, en conféquence de leur droit de vifite, dont ils ne s'étoient point désisté.

Le Grand-Maître de Calatrava aïant donc donné Alcantara aux Chevaliers de faint Julien du Poirier, leur GrandMaître Nugno Fernandés en prit poffeffion, & dans un Chapitre Général qui fe tint à faint Julien du Poirier, il fut ordonné que le Couvent feroit transferé à Alcantara: ce qui fe fit fous le Grand-Maître Dom Didace Sanchez, qui fut élu l'an 1219. & pour lors lesChevaliers de S. Julien du Poirier prirent le nom d'Alcantara, en retenant néanmoins dans les actes publics celui de faint Julien du Poirier.

Pendant plus de cent ans, ils firent la guerre aux Maures, fur lefquels ils prirent plufieurs places qui les rendirent puiffans, & redoutables aux ennemis de la Foi qu'ils auroient achevé de confondre, fi conformément à leurs Statuts, ils fe fuffent contentés de porter les armes contre ces Infideles, dont les dépouilles malheureufes auroient fervi de trophées à la Croix de Jefus-Christ. Mais étant entrés dans les interêts des Princes qui poffedoient l'Efpagne, ils tournerent contre les Chrétiens les armes que Dieu feur avoit confiées pour l'établiffement de fa gloire &la destruction de fes ennemis:ce qui fit que par un châtiment duCiel la divifion s'étant mife dans cet Ordre, l'on vit les Chevaliers armés les uns contre les autres. La premiere divifion arriva l'an 1318. le GrandMaître Dom Rui Velasquez, le Grand Commandeur & le Clavier de l'Ordre afant maltraité les Chevaliers & les Chapelains ; ceux-ci en firent leurs plaintes au Grand-Maître de Calatrava Dom Garcias Lopez de Padilla, comme au Pere & Réformateur de l'Ordre d'Alcantara. Ce Grand-Maître vint lui-même à Alcantara ; mais les portes lui en aïant été fermées par le Grand-Maître & par les Chevaliers qui tenoient fon parti, il réfolut de le combattre, affifté des Che

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valiers qui l'avoient appellé. Le Grand-Maître d'Alcantara OR DR Z lui repréfenta qu'il ne devoit pas fe mêler des affaires de fon Ordre; que s'il y avoit quelque Reforme à y faire,c'étoit au Pape à en prendre connoiffance, & non pas au Maître de Calatrava, qui n'avoit aucune fuperiorité fur fon Ordre; & que fi par l'union qui avoit été faite de ces deux Ordres, on étoit convenu que celui d'Alcantara feroit foûmis à l'Ordre de Calatrava, cette convention étoit nulle, puifqu'on n'en avoit pas executé les conditions, le Maître d'Alcantara n'aïant pas été appellé à l'élection de celui de Calatrava. LeGrand-Maître de Calatrava n'aïant pas voulu recevoir ces raisons, attaqua le Château, dont il fe rendit Maître, aprés qu'il y eut eu beaucoup de Chevaliers tués de part & d'autre. Il y tint un Chapitre Général affifté des Abbés de Valparayfo & de Valdeyglefias de l'Ordre de C1teaux, & aprés avoir écouté les plaintes des Chevaliers & des Chapelains contre les premiers Officiers de l'Ordre, il prononça Sentence de dépofition contre le Grand-Maître, le Grand Commandeur & le Clavier, permettant aux Chevaliers d'en élire d'autres en leur place. Quelques-uns qui étoient attachés à Dom Rui Vafquez, le fuivirent, & ne voulurent point se trouver à l'élection ; mais les autres élurent pour Grand-Maître Dom Suer Perez de Maldonado qui alla auffi-tôt affiéger Dom Rui Vafquez dans Valence d'Alcantara, où il s'étoit retiré. Celui-ci ne fe trouvant pas affez fort pour lui réfifter, fortit la nuit, & vint en France fe préfenter au Chapitre Général de Cîteaux, où aïant fait des plaintes de l'autorité que le Maître de Calatrava prenoit fur l'Ordre d'Alcantara, & de ce qu'il l'avoit dépofé, le Chapitre Général renvoïa cette affaire à l'Abbé de Morimond, comme Superieur de cet Ordre, lequel approuva la dépofition de Dom Rui de Vafquez, & lui ordonna fous peine d'excommunication de retourner en Espagne, & de reconnoître pour Grand - Maître Dom Suer Perez qui le reçut avec beaucoup de charité & lui donna la Commanderie de Magazela.

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Dom Rui Perez de Maldonado fucceda à Dom Suer Perez mais étant à Truxillo, il fe demit volontairement de fon Office l'an 1335. aprés avoir gouverné l'Ordre pendant environ un an. Cinq Chevaliers & trois Chapelains qui

Tome VI.

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pour

ORDRE fe trouvoient pour lors dans ce Château, fur les inftances du Roi de Caftille & de Leon, Alphonfe VII. donnerent l'habit de l'Ordre à Dom Gonzalves Nugnés de Oviedo, qui étoit un des Grands Officiers de ce Prince, & l'élurent auffi-tôt Grand-Maître. D'un autre côté le Grand Commandeur de l'Ordre Ferdinand Lopez qui étoit à Alcantara, tint le Chapitre Général, dans lequel il se fit élire auffi pour Grand-Maître, & Dom Rui Perez à la perfuafion de l'Abbé de Morimond qui étoit pour lors en Espagne, reprit aufli cette dignité, dont il s'étoit démis, comme nous venons de le dire: ainfi l'on vit en même tems trois GrandsMaîtres de cet Ordre. Ferdinand Lopez étant mort fix mois aprés, les Chevaliers qui étoient à Alcantara élurent Dom Suer Lopez fon neveu. Cinq mois aprés fon élection Perez fortit de Magazella avec une armée compofée deChevaliers & de Vaffaux de l'Ordre, avec quelques troupes qui lui avoient été données par le Grand-Maître de faint Jacques. Il mit le fiége devant Alcantara où étoit Lopez, qui voïant qu'il ne pouvoit réfifter à tant de monde, envoïa à Perez pour le prier d'entrer en négociation avec lui, ce qu'il accepta, & Lopez s'étant démis de fa dignité, ceda à Perez tout le droit qu'il y pouvoit prétendre.

Il ne reftoit plus que Nugnez, qui prenoit toûjours la qualité de Grand-Maître d'Alcantara. Mais l'an 1336. le Roi voulant faire ceffer le fchifme qu'il y avoit dans l'Ordre, & fouhaitant que Nugnez fût Grand-Maître paisible, appella le Grand-Maître de Calatrava & l'Abbé de Morimond pour faire la vifite de l'Ordre d'Alcantara,& envoïa des gens de guerre aux environs de Placencia, Cacerés & Truxillo, afin d'empêcher que Perez ne s'opposât à cette vifite: celui-ci voïant que le Roi prenoit fi fort les interêts de Nugnez, envoïa à ce Prince fà démiffion, & ainfi finit pour lors le fchifme de l'Ordre. Nugnez demeura feul Grand-Maître, & fe fignala beaucoup par les victoires qu'il remporta fur les Maures. Mais il eut dans la fuite un fort malheureux : car Leonore de Gufman, Maîtreffe du Roi, fâchée contre ce Grand-Maître, de ce qu'il avoit empêché que fon frere Alfonfe Melandez de Gufman n'eût été Grand Maître de faint Jacques, voulant s'en venger, perfuada au Roi que Nugnez parloit mal de fa perfonne, &

pour preuve de ce qu'elle difoit, elle lui apporta le témoi- ORDRE gnage de quelques Chevaliers qu'elle avoit fubornés, & qui D'ALC

étoient mécontens du Grand-Maître. Le Roi crut cette femme, & écrivit au Grand-Maître de le venir trouver à Madrid, & donna ordre en même tems qu'on l'arrêtât s'il ne fe mettoit pas en état de partir. Ce Grand-Maître en eut avis, il fit femblant d'executer les ordres du Roi, & alla avec plufieurs de fes Chevaliers, & quelques autres perfonnes de confideration à Moron, qui appartenoit à l'Ordre, d'où il écrivit au Roi avec beaucoup de hardieffe & de hauteur. Il fit fortifier toutes les places qui lui appartenoient, & y mit des Gouverneurs, aufquels il fit prêter ferment de ne les point livrer au Roi.

Quelques Chevaliers & quelques Freres Chapelains prévoïant les affaires fâcheufes que le Grand-Maître alloit attirer à l'Ordre, & appréhendant qu'on ne les accusât d'agir contre les interêts du Roi,fe féparerent du Grand-Maître, & s'emparerent d'Alcantara. Le Roi l'aïant appris,leur donna ordre d'élire pour Grand-Maître Dom Nugno Chamizio, Commandeur de Santivagnez ; ce qu'ils firent. Nugnez aïant fçu cette élection, écrivit au Roi de Portugal, que s'il vouloit lui donner du fecours contre le Roi de Caftille & contre le nouveau Grand-Maître, pour le maintenir dans la poffeffion des châteaux & des places qui dépendoient de f'Ordre, il lui donneroit Valence d'Alcantara. Mais le Roi de Caftille s'étant avancé d'abord du côté de cette place avec le nouveau Grand-Maître,s'en empara, & le Roi de Portugal qui envoïoit du fecours à Nugnez, voïant cette ville entre les mains du Roi de Caftille,rappella fes troupes. Nugnez étant toûjours Maître de la Citadelle, en foutint le fiége fi vigoureufement, que le Roi fut contraint de le lever : ce qui fut fi fenfible à ce Prince, qu'il refolut fa perte, & le fit condamner comme traître à perdre la vie.

Nugnez ne s'en épouventa pas, & perfistant dans fa rebellion, malgré le voifinage des troupes du Roi qui étoient restées dans la ville, il profita de la levée du fiége de devant la citadelle pour en faire reparer les bréches, dans la refolution de s'y bien défendre lorfqu'on reviendroit y mettre le fiége, fe refervant pour cet effet le commandement de la grande tour, & donnant la garde des autres aux Chevaliers

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ORDRE qu'il croïoit le plus dans fes interêts: mais il fe trompa: car D'ALCAN- ceux aufquels il avoit confié celle qu'on appelloit du Tréfor, y firent entrer fecretement les troupes du Roi: ce qui déconcerta tellement les Chevaliers qui gardoient les autres tours, que prévoïant qu'ils ne pourroient pas après cela réfifter, ils implorerent la clemence du Roi, & les lui livrerent: ainfi il n'y eut que Nugnez qui voulut fe défendre dans la grande tour ; mais voïant que tous fes Chevaliers l'abandonnoient, & qu'il ne pouvoit réfifter aux forces du Roi, il fe rendit à ce Prince, qui lui fit trancher la tête, & enfuite brûler fon corps l'an 1338. & mit le nouveau GrandMaître en poffeffion de Valence d'Alcantara.

La mort de ce Prince, qui arriva l'an 1350. caufa bien des troubles dans le Roiaume, & un peu de divifion dans l'Ordre: car Leonore de Gufman fa Maîtreffe,dont nous avons déja parlé, en aïant eu plufieurs enfans, prétendoit avoir contracté mariage avec lui, qu'ainfi fes enfans étoient legitimes,& que la Couronne leur appartenoit plûtôt qu'à Dom Pierre, furnommé le Cruel, qui fut proclamé Roi à Seville. Dom Fernand Perez Ponce de Leon, qui étoit pour lors Grand Maître d'Alcantara, prit le parti de cette femme & de les bâtards, dont l'un étoit Henri Comte de Tristemare; ce qui fit que le Roi défendit aux Chevaliers qui étoient auprès de lui d'obeïr à leur Grand Maître, & leur ordonna dẹ recevoir les ordres de celui de Calatrava: mais le GrandMaître d'Alcantara reconnut enfin le Roi:ce qui remit pour un tems la paix dans l'Ordre.

Son fucceffeur Dom Diego Gutierez de Cevalos aïant été accusé d'avoir des intelligences avec le Comte de Tristemare, le Roi l'attira à la Cour, où il le fit arrêter & mettre cnune prifon, dont il fe fauva quelque temsaprès. Comme fon élection étoit conteftée,ce Prince écrivit au Pape pour le prier de ne la point confirmer & de permettre qu'on en élût un autre. On tint pour cet effet un Chapitre Genéral de l'Ordre où on élut pour Grand-Maître Dom Suer Marti, nez qui ne le fut que par la faveur du Roi; car Dom Pierre Manuel Grand-Commandeur eut d'abord la plupart des voix, & auroit été immanquablement reconnu, fi ce Prince aïant manifefté ses intentions n'eût pas obligé les Chevaliers à concourir à l'élection de Martinez..

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