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T.VI.P.82

Chevalier de L'ordre des

SS Maurice et Lazare

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ORDRE DE
FONTE

De l'Ordre de Fontevraud, avec la vie du B. Robert d'Arbriffel Fondateur de cet Ordre.

L

VRAUD.

ON regarde l'Ordre de Fontevraud comme une fingularité dans l'Eglife, & on eft furpris d'y voir une Abbeffe commander également à des hommes & à des filles fur lefquels elle a toute autorité: mais pour répondre à ceux qui font étonnés du procedé de leur Fondateur, d'avoir ainsi renverfé en apparence l'Ordre de la nature en rendant fujets ceux qui devroient commander, & maîtreffes celles qui devroient obéir, il fuffit ( fans vouloir approfondir dans les raisons qu'il en a euës) de leur dire que s'ils veulent chercher dans l'Histoire, ils trouveront de quoi faire ceffer ou au moins diminuer de beaucoup leur étonnement; car ( fans parler de Judith entre les mains de laquelle Dieu avoit mis le falut de fon peuple ; & d'une pucelle d'Orleans à qui la France eft redevable d'être préfentement l'Etat le plus floriffant qu'il y ait en Europe, & cela par la foûmiffion aveugle tant de fon Prince que de tous fes peuples qui s'abandonnerent entierement à fa conduite ) ils y trouveront beaucoup d'établissemens femblables à celui de Fontevraud. Car dans l'Ordre de fainte Brigite Princeffe de Suede, dont nous avons déja parlé, les hommes qui demeurent dans les Monafteres doubles, font fous l'obéïffance des Abbeffes de ces mêmes Monasteres, excepté qu'ils font foûmis également comme les Religieufes, aux Evêques dans les Diocéfes defquels ils font établis, comme je l'ai déja dit en parlant de cet Ordre. Dans l'Abbaïe de faint Sulpice en Bretagne le Bienheureux Raoul y établit un Institut femblable à celui de Fontevraud,imitant en cela plufieurs autres Inftituteurs qui long-tems avant lui avoient donné la même jurisdiction à des Monaftcres de filles. Les Religieux de Fontevraud pour juftifier leur Inftitut, rapportent les exemples de plufieurs Monafteres doubles, dans lefquels il difent que les Religieux étoient foumis aux Religieufes, & ils citent plus particulierement celui de Simpegham. Mais je croirois leur faire tort fi j'établiffois mes preuves de l'équité de leur Inftitut fur

VRAUD.

ORDRE DE leur autorité;puifque ni dans le Monaftere de Simpegham ni FONTE- dans les autres, les Religieufes n'ont jamais eu aucune jurifdiction fur les Religieux,excepté celui de faint Sulpice qu'ils citent avec justice, puifque, comme je l'ai déja dit, l'Inftitut de cette Abbaïe étoit femblable à celui de Fontevraud. Le Pere Lobineau n'a pas mieux rencontré lorfque dans son Hiftoire de Bretagne parlant de l'Abbaïe de Loc Maria ( qui avoit été fondée avant l'Ordre de Fontevraud par Alain Cagnard Comte de Cornouaille dont la fille Hodierne fut Abbeffe, & qui étoit gouverné au dehors par un Abbé & des Moines) il dit qu'ils étoient foûmis aux Abbeffes parce qu'ils leur rendoient compte du revenu qui appartenoit à l'Abbaïe à laquelle fe faifoient les donations, & qu'ainfi c'étoit un Institut femblable à celui de Fontevraud. Ce qui n'eft pas une confequence fort jufte. Car par la même raifon on pourroit dire que les Benedictins de fa Congregation qui font à Chelles font foumis à l'Abbeffe de ce Monaftere,parce qu'ils lui rendent compte des revenus de l'Abbaïe dont ils ont la direction, ce qui n'étant pas vrai dans ceux-ci, peut auffi être faux dans les autres. Ainfi cette preuve de la conformité de l'Inftitut de Loc Maria avec celui de Fontevraud & de faint Sulpice,bien loin d'en convaincre,n'eft pas même fuffifante pour en former le moindre doute. Ce qui feroit le plus capable de la faire croire, c'eft la réünion qui fut faite quelques années après de cette Abbaïe de Loc Maria avec celle de faint Sulpice à cause de cette même conformité.

Ce qui eft de plus particulier dans l'Ordre de Fontevraud, c'eft que fes Monasteres font exemts de la Jurifdi&tion des Ordinaires, & que toute l'autorité refide dans la perfonne de l'Abbeffe du Monaftere de Fontevraud,comme Générale & Chef de l'Ordre: mais fi l'on veut examiner les chofes fans prévention, il n'y a pas plus d'inconvenient qu'une Abbeffe ait une égale autorité fur les Religieufes & Religieux de fon Ordre, que d'avoir une Jurifdiction prefque Epifcopale dans plufieurs lieux, comme l'Abbesse de Montiviliers en Normandie, qui eft Dame & Patrone de quinze Paroiffes, qui reffortiffent de fa Jurifdiction, qu'elle fait exercer par fon Grand- Vicaire & Official, qu'elle établit de fon autorité, & qu'elle revoque quand bon lui femble, & dont les Curés font obligés de recevoir les Approba

VRAUD.

tions & les Mandemens, auffi-bien que les Capucins d'Har- ORDRE DE fleurs, qui est un lieu de fa dépendance. L'Abbeffe de Con- FONTEverfano en Italie, a une pareille Jurifdiction dans la Terre de Caftellana. Nous avons parlé dans le Chapitre IX. de l'autorité que l'Abbeffe de las Huelgas en Efpagne a fur les Freres Hofpitaliers de Burgos, & il y a eu de pareils exemples en Angleterre. Ainfi l'étonnement doit ceffer à l'égard de l'Ordre de Fontevraud, qui ne doit pas être regardé comme une fingularité dans l'Eglife: cette efpece de Gouvernement aïant été d'ailleurs approuvée par un grand nombre de fouverains Pontifes.

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Cet Ordre eut pour Fondateur le Bienheureux Robert d'Arbriffel, fur la fin du onziéme fiécle. Il nâquit de parens pauvres vers l'an 1045. ou 1047. dans un village de Bretagne nommé alors Arbriffel, dont il prit le nom, & qui s'appelle à present Albrefec, au Diocéfe de Rennes,près de la Guierche. Son pere Damalioque, qui embraffa dans la fuite P'Etat Ecclefiaftique, & fa mere Orvende, qui qui étoient de bien & craignant Dieu, l'éleverent dans la pieté, jufqu'à ce qu'étant en âge d'étudier, ils lui permirent d'aller chercher des Maîtres où il voudroit, dans l'efperance que Dieu ne l'abandonneroit point. En effet, il trouva moïen de vivre & d'étudier dans quelques villes de Bretagne, fans être à charge à fes parens: ce qui lui donna courage de venir à Paris, où il fit tant de progrès dans les études, qu'après s'être diftingué en Philofophie & en Theologie, de pauvre Ecolier, il fut un célébré Docteur en l'Univerfité de cette Capitale de France, où il reçut le Bonnet, après avoir paflé par tous les Dégrés & les Charges de cette célébre Académie.

En ce tems-là Silveftre de la Guierche, qui avoit été marié, & étoit pour lors Chancelier de Conon II. Duc de Bretagne, fut placé fur le Siége Epifcopal de Rennes ; & voulant fe décharger du foin de fon Evêché sur un Ecclesiastique de grand merite, il jetta les yeux fur Robert, qu'il fit. fon Grand-Vicaire,lui donnant un pouvoir abfolu dans fon Diocése. Il s'en fervit pour y rétablir la Difcipline Ecclefaftique, y bannir les vices, mettre la paix où il y avoit des diffenfions,retirer les biens Ecclefiaftiques d'entre les mains des perfonnes Laïques, abolir l'infame commerce de fimo

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